Comment créer un jeu de rôle descendant de la reine, partie 2 sur 2 : la nouvelle génération

COMMENT CRÉER UN JEU DE RÔLE DESCENDANT DE LA REINE, PARTIE 2 SUR 2 : LA NOUVELLE GÉNÉRATION

Vous pensiez tout savoir sur la création de jeux descendants de la Reine ? Préparez vos neurones, parce que vous allez découvrir leur visage du turfu et ça va vous retourner le cerveau.

(temps de lecture : 22 minutes)

Laura Grafie, cc-by-nd

Liste des articles de la série Créer un jeu de rôle :

1. Comment créer un jeu de rôle OSR

2. Comment créer un jeu de rôle traditionnel

3. Comment créer un jeu de rôle d’enquête

4. Comment créer un jeu de rôle descendant de la Reine 1/2

5. Comment créer un jeu de rôle descendant de la Reine 2/2

6. Comment créer un jeu de rôle à narration partagée

RÉSUMÉ

Les jeux descendants de la Reine de troisième et de quatrième génération reprennent les mécaniques de Pour la Reine pour en adjoindre de nombreuses autres afin de gagner en profondeur et en roleplay.

Plutôt axés one-shot, la troisième génération repose sur une conversion de la carte question en événement aléatoire et étoffe le système de jeu en lui apportant des couches de gameplay, en ouvrant les situations et en multipliant le contenu que ce soit par la présence de plusieurs éléments par carte ou par l’abondance de listes ou d’actes narratifs. On peut y adjoindre des livrets de personnage, des mécaniques de progression empruntées au jeu de société, des systèmes de vote, ou des algorithmes informatiques. Les jeux sont pensés à la fois pour le solo, le sans MJ, et le jeu avec MJ. La structure en actes par ordre chronologique peut se complexifier avec l’apparition d’une arborescence et de cartes annexes. Les questions peuvent s’intégrer de façon plus organique dans la fiction, et les jeux connaître de nombreuses variantes. Ils peuvent s’étendre de la création de personnage à la campagne, et on peut développer une façon assez instinctive de les écrire, presque comme on s’expliquerait à soi-même la succession et la variété possible des événements dans un contexte de scénario-jeu. L’association de mécaniques de jeu de plateau ou de wargame à des cartes événements permet de créer des objets limites aux propriétés étonnantes.

La quatrième génération, une idée encore en construction, est axée sur la campagne ou sur l’exploration compulsive d’un univers de jeu et tente donc de proposer une navigation procédurale à travers une arborescence de mini-jeux qui sont eux-même des descendants de la reine de troisième génération. C’est cette structure arborescente qui permet de diluer la complexité et offre à la fois aux créateurices de jeu l’opportunité de convertir des notes en vrac d’univers en matériau ludonarratif et aux joueuses d’explorer ce même univers avec aisance, sans besoin de lecture préalable.

SOMMAIRE

Introduction

1. Les descendants de la Reine de troisième génération

1.1. De la carte question au tirage d’événement

1.2. Des systèmes de jeu plus étoffés

1.3. Au départ, rajouter des couches de gameplay

1.4. Muses & Oracles : absence de situation initiale et finale, plusieurs éléments par carte

1.5. La Stèle au cœur des Plaines : des cartes inspiration

1.6. Montségur 1244 : actes narratifs, feuilles de personnages, complexité

1.7. Whodunnit : un jeu d’enquête émergente

1.8. Nervure : un univers décomposé sous forme de cartes multi-objets, un système de résolution narratif, un triclassage solo / sans MJ / avec MJ

1.9. Micro Aventures Désespérées : un scénario / jeu de société d’aventure manipulant des cartes question

1.10 Le Baume et la Plaie : un scénario-jeu arborescent décomposé en decks de cartes questions, du gameplay émotionnel, des questions complexes

1.11. L’Entrevue : des questions intégrées à la fiction, un jeu biclassé JDR/GN, avec de nombreuses variantes

1.12. Sur la Piste des Corbeaux : un jeu-création de personnage ou un jeu-campagne

1.13. Psilozone : une rédaction instinctive, des listes et non des cartes

1.14. Les Ossements des Ténèbres : un jeu d’échecs roleplay utilisant les narramiettes

1.15. Conclusion sur les DFTQ3

2. Les descendants de la Reine de quatrième génération

2.1. Un dispositif qui reste à imaginer

2.2. L’objectif d’un DFTQ4 : l’exploration arborescente d’un univers

2.3. Warhammer Quest, un proto-DFTQ4 ?

2.4. Biomasse, une cathédrale ludonarrative en construction

2.5. Les Forêts Limbiques : une arborescence d’actes comme brique de base

2.6. Wonderland : plaquer la méthode de Biomasse ?

Conclusion

INTRODUCTION

Avec les outils énumérés dans le précédent article, vous avez déjà de quoi faire un descendant de la Reine (DFTQ) qui ait du caractère et une bonne durée de vie. Vous n’avez pas cependant résolu tous les « problèmes » des DFTQ. Si vous voulez rapprocher votre expérience de celle d’un jeu de rôle classique, autrement dit d’un jeu de rôle qui donne une impression de solidité et permet le roleplay, il vous faudra passer aux DFTQ de troisième voire de quatrième génération.

On entre ici dans des techniques qui pour beaucoup me sont propres (même si j’ai aussi trouvé pas mal d’exemples chez d’autres game designers). Je vais donc beaucoup m’appuyer mes jeux qui sont créés dans cette veine. Il s’agit ici de garder l’ADN principal de Pour la Reine (culture de la question, tirages aléatoires) mais de l’articuler à de nombreux autres outils pour faire des jeux plus riches et à l’expérience plus cadrée.

Pour aller plus loin :

[Podcast + Article] Thomas Munier, Intensité et profondeur, sur Outsider

1. LES DESCENDANTS DE LA REINE DE TROISIÈME GÉNÉRATION

Les DFTQ de troisième génération (DFTQ3) ont pour ambition de reprendre le squelette de Pour la Reine et de l’étoffer assez sérieusement pour fournir une expérience plus profonde. Ils restent cependant des jeux axés sur le one-shot, mais offrent plus de rejouabilité et vont emprunter à d’autres gameplays que ceux associés habituellement à des descendants de la Reine.

Pour aller plus loin :

[Article] Thomas Munier, Les jeux cumulables, sur Outsider

1.1. De la carte question au tirage d’événement

Pour commencer, il s’agit de reconsidérer ce que peut être une carte question : ce peut en effet être une carte à tirer avec une question dessus, mais en étendant le principe, on s’ouvre de nouveaux possibles.

Tout d’abord, un paquet de cartes peut aussi être une table aléatoire, analogique ou digitale. Ainsi, Oriente est disponible au format carte classique mais aussi au format digital avec tirage sans remise sur la plateforme For the Drama et au format digital avec tirage avec remise sur Chartopia.

Le tirage avec remise n’est pas la panacée, mais le site Chartopia offre de telles fonctionnalités (créations de collections de tables, liens hypertextes, accessibilité, gratuité) qu’il est à considérer.

Enfin, un paquet de questions, si cela peut être une table aléatoire, cela peut être une liste où faire un choix, ou bien un questionnaire. Une carte question c’est une forme de carte événement. On peut donc mettre autre chose que des questions sur une carte. On peut aussi mettre des choses en plus que des questions, et plusieurs items par carte.

A Cursed Movie in the deep and wild reprend le principes de cartes instructions et de cartes question, mais ici les cartes questions sont le plus souvent des cartes inspiration, dotées de pictogrammes pour pointer leur positionnement fictionnel (la préparation du film, le tournage du film, le contenu du film, la réception du film).

Illustration : Karsten thomsen, Martin Peterdamn Photography, nadja robot, licence CC-BY-NC, sur flickr.com

Je suis tenu maintenant de vous présenter la notion de narramiettes (storylets en anglais). L’exemple typique d’une narramiette, c’est la carte chance dans Monopoly : « Vous venez de gagner le premier prix de beauté, touchez 2000 francs. » Une narramiette, c’est concrètement la plus petite unité narrative qu’on peut rencontrer dans un jeu de société. C’est un événement déclenché par une action mécanique (dans l’exemple, jeter les dés pour se déplacer, tomber sur la case chance, tirer une carte chance), qui induit un événement narratif (vous gagnez le premier prix de beauté), qui induit un impact sur une ou des variables mécaniques (ici, vous gagnez 2000 francs, l’argent pouvant être considéré comme une ressource mécanique dans Monopoly). On peut bien entendu faire des narramiettes plus étoffées et j’y reviendrai. Cette approche assez microscopique du ludonarratif permet de faire des jeux à l’arborescence très fine, pour peu qu’on multiplie les narramiettes et leurs interactions avec la mécanique. C’est notamment l’approche du jeu vidéo Fallen London

Pour aller plus loin :

[Article] Hugo Labrande, Les narramiettes (storylets) dans Twine 2, sur Fiction-interactive.fr

En suivant le principe des narramiettes, une carte question n’a pas forcément à être purement narrative. Elle peut interroger des variables numériques d’une feuille de personnage et impliquer des jets de dés ou des évolutions de ces variables. Bref, une carte question peut avoir des aspects mécaniques.

1.2. Des systèmes de jeu plus étoffés

C’est en ayant l’esprit ouvert sur toutes les variations autour de l’outil « carte question » qu’on peut aboutir à des procédures plus développées.

Ces procédures développées impliquent qu’on ait recours à un système de jeu autour de la carte question qui soit plus complexe que la traditionnelle pile d’une dizaine de cartes instructions expliquant qu’en gros on joue sans MJ en piochant une question chacune son tour.

Il convient d’abord de s’interroger sur la possibilité de réintroduire une facilitatrice, voire une arbitre dans le procédé.

Pour pallier certains problèmes de Pour la Reine (faible durée de vie, entrave structurelle au roleplay), on peut s’appuyer sur l’expérience de la table mais on peut aussi miser sur une seule personne à qui on pourra transmettre une série de conseils pour relancer le jeu et la narration. On peut aussi faire un DFTQ avec MJ, charge à cette personne :

+ de poser les questions ;

+ de relancer par des questions improvisées et des suggestions ;

+ d’incarner le décor et les figurants au besoin ;

+ de masquer les procédures pour plus d’immersion (les questions pouvant être tirées derrière un écran et / ou posées par un figurant plutôt qu’en méta) ;

+ d’installer une narration au préalable ;

+ ou encore de trancher les conflits par arbitrage narratif ou par invocation d’un système de résolution.

Vous avez ici les bases de la troisième génération. Il est temps de vous énumérer des exemples qui illustrent cette philosophie de game design.

1.3. Au départ, rajouter des couches de gameplay

On a vu dans l’article précédents que les DFTQ de deuxième génération apportaient des petites variations de gameplay à la structure de Pour la Reine. La particularité des DFTQ3 est d’être (beaucoup) plus audacieux dans les variations et les ajouts de mécaniques.

À titre d’exemple, dans Donjons & Siphons de Nico Le Vif, on vote pour un nouveau chef de service.

Dans Le casse de trop, du même auteur, il y a un vote de type dilemme du prisonnier.

Rituels, du même auteur, propose de beaucoup varier la situation initiale en proposant à la fois des contextes de départs et des rituels différents à tirer aléatoirement, la combinaison des deux apportant une variété. Par exemple, contexte spatial + œuf = alien // contexte médiéval + œuf = œuf de dragon

On peut envisager de rajouter un paquet de cartes dédié à la création de personnages, ou utiliser l’excellent Session Zéro, un DFTQ justement dédié à la création de personnage.

1.4.Muses & Oracles : absence de situation initiale et finale, plusieurs éléments par carte

Le premier est en fait bien antérieur à Pour la Reine puisqu’il s’agit de Muses & Oracles. On peut qualifier ce jeu de DFTQ avant l’heure puisqu’il s’agit d’un paquet de cartes comprenant entre autres des questions.

On peut aussi le qualifier de DFTQ3 parce qu’il regroupe bien des caractéristiques ici recherchées. Tout d’abord, Muses & Oracles ouvre le champ des possibles. Il n’y a aucune situation initiale, ni question finale, juste un vague contexte med-fan, et encore, car si le jeu est en effet orienté med-fan, il est tout à fait exploitable dans d’autres contextes (contempo, SF, etc.) pour peu qu’on fasse preuve de souplesse d’interprétation.

Ensuite, une carte de Muses & Oracles ne se borne pas à une question, mais chaque carte propose une multitude d’éléments : mots-clefs, notations, images, événements, résultats de jets de dés, etc. Lorsqu’on tire une carte, il faut donc choisir quel élément on exploite.

1.5. La Stèle au cœur des Plaines : des cartes inspiration

La Stèle au cœur des Plaines, pour sa part écrit après la création de Pour la Reine, et certainement inspiré par ce dernier, présentée une caractéristique qui le rend digne d’être mentionné comme inspiration pour la troisième génération. S’il se présente comme un DFTQ classique (un deck de cartes instruction et un deck de cartes événement), il s’en démarque par le fait que les cartes événement ne sont pas des questions mais une liste de trois éléments d’ambiance.

Une carte Décor (image par VT78)

1.6. Montségur 1244 : actes narratifs, feuilles de personnages, complexité

On citera également Montségur 1244 dans cette même veine. Écrit bien avant Pour la Reine, il comporte des feuilles de background à lire par certaines joueuses, des persos prétirés à personnaliser avec des questions orientées, un découpage en actes narratifs et des cartes à tirer avec des éléments d’ambiance aussi laconiques qu’inspirants, comme : « Un baiser silencieux déposé sur des lèvres froides. »

Je le cite parce que bien que très antérieur à Pour la Reine, Montségur 1244 entre tout à fait de ce que je visualise comme un DFTQ3. Je pense qu’à l’instar de Muses & Oracles, ce jeu est peut-être arrivé trop tôt. Par sa simplicité, Pour la Reine a généralisé l’intérêt pour la culture de la question et des tirages sans remise. Et c’est seulement sur cette base commune qu’on peut mieux comprendre, partager et innover à partir de ces modèles plus anciens que sont Muses & Oracles et Montségur 1244.

1.7. Whodunnit : un jeu d’enquête émergente

Whodunnit, un jeu de Maxime Deschamps et Nephtali Dahan [en développement], propose d’improviser des enquêtes ensemble et sans MJ. On pose le décor dans l’acte 1 (lieu, cause du décès, objets à proximité) puis les protagonistes (victime et suspect). Ensuite vient l’acte 2, les interrogatoires, la phase la plus DFTQ sauf qu’on distribue une de ses cartes question à l’un des suspect, donc il y a un petit choix à faire. Suite aux interrogatoires chaque joueur vote pour la culpabilité réelle d’un suspect, via un système de jetons secrets. L’acte 3 simule le procès du suspect arrêté (a la majorité) car il en faut bien un ! Sans savoir si c’est la ou le véritable fautif… on ne révèle cette info qu’après que la peine ait été prononcée.

Whodunnit est intéressant parce qu’il a une colonne vertébrale de DFTQ mais qu’il y greffe des mécaniques de storygame et de jeu de plateau dessus.

1.8. Nervure : un univers décomposé sous forme de cartes multi-objets, un système de résolution narratif, un triclassage solo / sans MJ / avec MJ

J’en arrive à vous présenter un jeu issu de ma ludographie, celui que j’introduis tour à tour comme un gros Pour la Reine ou comme mon Muses & Oracles personnel : Nervure.

J’ai déjà écrit un gros manifeste sur les tenants et aboutissants de Nervure, mais je vais résumer ici les idées principales :

+ Nervure est un jeu autonome pour l’univers de Millevaux mais peut aussi servir d’aide de jeu pour un autre jeu Millevaux ou pour faire du Millevaux à partir d’un système générique ;

+ Comme un jeu de rôle standard ou comme Muses & Oracles, il ne propose ni situation initiale ni question de fin, ouvrant ainsi le champ des possibles ;

+ Les questions sont donc rédigées pour être représentatives de l’univers et générer de l’intrigue plutôt que de développer une situation initiale ;

+ Les cartes instruction incluent une présentation de l’univers, des règles d’univers et un guide de création de personnage ;

+ Le matériel est touffu : 156 cartes événements, avec un portrait sur chaque verso, et au recto une dizaine d’éléments dont une question, une saynète, un horla, un détail de l’univers profond ;

+ La présence d’un système de résolution narratif : chaque carte comporte un oracle (différent à chaque fois) permettant de trancher une indécision ;

+ Nervure est jouable au format cartes mais aussi au format digital via une collection sur Chartopia ;

+ Le jeu peut se pratiquer aussi bien en solo, sans MJ (deux fonctions souvent déjà permises par les DFTQ 1 et 2), qu’avec MJ.

1.9. Micro Aventures Désespérées : un scénario / jeu de société d’aventure manipulant des cartes question

M.A.D / Micro Aventures Désespérées de Nico Le Vif [en développement] s’inscrit également dans une exploration maximale du format carte pour des parties résolument roleplay.

M.A.D ressemble à un livre dont vous êtes le héros collaboratif à base de cartes dont les éléments principaux (scènes) et secondaires (personnages, blessures, stress, butin…) creusent le récit en utilisant un mélange de textes, amorces et questions orientées. Ainsi, chaque carte de loot ou de stress comporte une question orientée qui amène à enrichir le contexte.

M.A.D était initialement conçu pour faire des parties sur le pouce, mais les premiers tests ont amené à remplir des soirées de 4 H, preuve de la richesse narrative du jeu.

1.10 Le Baume et la Plaie : un scénario-jeu arborescent décomposé en decks de cartes questions, du gameplay émotionnel, des questions complexes

Le Baume et la Plaie [en développement] est aussi une nouvelle façon d’aborder la rédaction de scénario. Ce jeu était initialement un scénario pour la campagne L’Ordre et le Sauvage que j’avais prévu de rédiger sous forme de DFTQ pour varier les plaisirs. Au final, il tient également la route en tant que scénario-jeu autonome.

Le Baume et la Plaie est un jeu moral qui vous invite à incarner des médecins de guerre. Il se présente sous la forme de plusieurs decks de cartes question :

+ 1 deck « création de personnage » ;

+ 5 decks d’actes scénaristiques, afin de progresser dans l’intrigue ;

+ 5 decks d’intrigues secondaires ;

+ 1 deck « traumas des soignants » ;

+ 1 deck « déserter la zone de guerre ».

Ce jeu est un complexe DFTQ à decks multiples. Les joueuses piochent d’abord dans le deck création de personnage (une question par joueuse) puis au choix dans l’acte I, dans un deck d’intrigues secondaires, dans le deck Trauma ou dans le deck Désertion.

À savoir que les cartes question sont étiquetées selon ce code :

☆ : carte feelgood

★ : carte feelbad

(pas d’étoile) : carte neutre

Il est alors possible de présélectionner une de ces trois catégories. Cette personnalisation accrue de l’expérience procède du gameplay émotionnel : une façon de jouer qui prend en compte la sécurité émotionnelle mais aussi les envies exploratrices des joueuses en terme de palette émotionnelle. Le gameplay émotionnel est le ressort le plus important de ce jeu.

Il convient ici de souligner les caractéristiques qui en font un DFTQ3 :

+ La mécanique de endgame se base sur un consensus renégociable en tout temps, au sujet du nombre de cartes qu’on peut piocher dans chaque deck, sachant qu’on ne peut piocher dans l’acte II que lorsque le quota de l’acte I est atteint, et ainsi de suite, la partie s’arrêtant lorsque le quota de l’acte V est atteint. La partie peut aussi s’arrêter prématurément pour un personnage si sa joueuse choisit de piocher dans le deck Désertion. Après le endgame, chaque joueuse raconte en guise d’épilogue comment son personnage finit son existence ;

+ Les questions sont plus complexes et roleplay que dans Pour la Reine. Elles présentent souvent une situation bien précise, rédigée au présent, avec des sous-questions permettant à la joueuse de personnaliser le contexte, et se finissant par un appel à l’action : soit une question de type « Que faites-vous ? » ou une question de type dilemme moral du genre : « Que choisissez-vous entre action X ou action Y ? ». L’idée est de donner la sensation que des événements se produisent, un peu comme l’aurait décidé une arbitre ou un scénario ;

+ Il y a un système de résolution de type karmique : si une joueuse répond à une question d’une façon trop « bisounours » (i.e. la situation est arrangée sans que personne ne soit lésé), elle peut décider (ou on peut lui demander) de piocher une carte Trauma lors de son prochain tour, pour illustrer le contre-coup karmique.

+ Bien que parfaitement jouable sans MJ ni facilitatrice, Le Baume et la Plaie est un jeu qui peut gagner à en avoir, cette personne étant alors garante de la cohérence, de la fluidité, des intermèdes roleplay, et du bon niveau de détail dans les réponses.

C’était important pour moi de parler de ce jeu car c’est le DFTQ3 dont la structure est la plus facile à recopier, et pour des résultats satisfaisants. On verra également que la multitude de decks est un tremplin vers le DFTQ4.

1.11. L’Entrevue : des questions intégrées à la fiction, un jeu biclassé JDR/GN, avec de nombreuses variantes

L’exemple suivant, L’Entrevue [en développement] est moins complexe mais plus spécifique et illustre la façon dont on peut détourner le principe de Pour la Reine.

Ici, on joue l’interrogatoire qu’un inquisiteur mène avec une personne soupçonnée d’être un démon. L’unique paquet de cartes question ne correspond pas à des questions qu’on poserait à une joueuse au sujet de son personnage, mais aux questions que l’inquisiteur pourrait poser au suspect.

Ce paquet de questions est un objet diégétique puisque l’inquisiteur suit une procédure d’interrogatoire balisée, et dispose fictionnellement du même paquet de questions.

L’autre particularité de ce jeu est sa grande modularité d’usage. Il peut être joué sur table ou en GN. Il peut être soit un jeu autonome ou une aide de jeu dans un contexte plus large. Dans le cadre d’un jeu autonome, il y a plusieurs options de règles à choisir afin de personnaliser la situation de départ et le endgame. (Dans les deux cas, il s’agit bien de varier le gameplay et non de simplement changer l’esthétique d’un contexte).

Enfin, un set de prétirés et des règles d’interrogatoires supplémentaires est proposé pour jouer au format scénario ou soirée enquête.

Pour sa modularité, L’Entrevue s’inspire (toutes proportions gardées) du jeu de 54 cartes classiques : un seul paquet de cartes permet de jouer une multitude de jeux aux règles différentes.

1.12. Sur la Piste des Corbeaux : un jeu-création de personnage ou un jeu-campagne

Sur la Piste des Corbeaux [en développement] a quant à lui l’ambition de proposer un souffle d’aventure au long cours. Conçu à la fois comme un jeu autonome et un jeu de création de personnage pour La Cour Corbelle, Sur la Piste des Corbeaux propose de retracer le parcours à travers une dangereuse forêt de personnes invitées à la Cour Corbelle pour témoigner de la guerre entre l’humanité et le monde sauvage, guerre qu’ils vont justement vivre sur le chemin.

La Cour Corbelle est une campagne qui peut se jouer à la suite de la campagne L’Ordre et le Sauvage. J’ai constaté un écart entre les tests de la Cour Corbelle menés avec des personnages vierges et ceux menés avec des personnages ayant joué la campagne L’Ordre et le Sauvage : ces derniers avaient, assez logiquement, plus de profondeur et surtout avaient un regard sur la guerre entre l’ordre et le sauvage, pour l’avoir vécu.

Sur la Piste des Corbeaux a été conçu pour faire revivre cette guerre en accéléré. Il se joue en deux étapes : une création de personnages où chaque choix (espèces, classe de personnage, etc.) renvoie à une question associée, suivie d’une série de questions pour constituer le groupe.

S’ensuit une série de questions liées à la traversée de la forêt, découpée par paquets d’actes, chaque acte étant associé à un scénario de la campagne L’Ordre et le Sauvage, et regroupant quelques questions correspondant aux enjeux principaux de ces scénarios.

À l’instar de Le Baume et la Plaie, ces questions sont assez précises, quasiment des synopsis, et incluent notamment des noms de figurants et de lieux pour souligner leur caractère scénaristique et véridique.

Après test, Sur la Piste des Corbeaux s’est avéré très efficace pour conférer de la bouteille aux personnages, et ceux-ci étaient passablement transformés entre leur départ et leur arrivée à la Cour Corbelle. Le jeu est donc aussi intéressant pour un one-shot d’une bonne soirée que pour une session zéro préliminaire à la Cour Corbelle ou à une campagne de L’Ordre et le Sauvage démarrée au milieu.

1.13. Psilozone : une rédaction instinctive, des listes et non des cartes

Passons maintenant au jeu qui m’a fait prendre conscience de la notion de DFTQ3 : Psilozone. Lorsque j’ai voulu écrire ce jeu consacré aux voyages chamaniques dans Millevaux, je n’avais pas d’idée de système préconçue et faute de mieux, j’ai voulu me rabattre sur un jeu sans règles. Mais en rédigeant, je me suis orienté naturellement sur quelque chose de plus structuré : une série d’étapes. Chaque étape comporte des choix roleplay ou hors-roleplay à faire, des listes où choisir des éléments, et des listes de questions.

Je me suis orienté sur les listes plutôt que sur les cartes car cela me semblait plus accessible. Il aurait sinon fallu imprimer beaucoup de cartes différentes.

On se détache ici du endgame classique : on ne compte pas les tirages, on s’arrête quand on pense en avoir fait assez et on passe alors à l’étape suivante (Psilozone en comporte 9, dont deux facultatives).

La structure livre plutôt que cartes permet de prendre toute la place nécessaire en terme de signage et de ne discriminer aucune de ces idées. Si j’ai 35 idées de questions pour une étapes, je les mets toutes. Si je n’ai 3 idées pour une autre, je n’en mets que trois.

Tuomas Puikkonen, cc-by-nc & Duncan Toms, Tomás Castelazo, Walter J. Pilsak, cc-by-sa & Claire Munier, par courtoisie

1.14. Les Ossements des Ténèbres : un jeu d’échecs roleplay utilisant les narramiettes

J’en arrive au dernier DFTQ3 que je voulais vous présenter : Les Ossements des Ténèbres [en développement].

Il s’agit d’un jeu Millevaux au carrefour du jeu de société, du wargame et du jeu de rôle, avec beaucoup de drames et de mystères. Deux communautés, les noirs et les blancs cohabitent pacifiquement dans une forêt symbolisée par des pions erratiquement placés sur un plateau d’échecs. Chaque pièce non-pion est un personnage. Les mouvements et les attaques restent ceux du jeu d’échecs, mais en plus chaque pièce a une feuille de personnage avec un nom, un pouvoir et différentes jauges qui peuvent varier de 0 à 3 (l’arrivée à 3 produisant souvent un effet indésirable). Lorsqu’une pièce se rend sur une case sans attaquer, sa joueuse tire une carte événement.

Ici, le principe de carte question est donc étendu à un principe de carte événement. Lorsqu’une pièce de jeu d’échecs se déplace sur une case vide, elle a le choix entre plusieurs paquets de cartes événements (un pour la ligne, un pour la colonne, un pour la couleur de la case). Ces cartes reprennent le principe des narramiettes : elles ont toujours un aspect narratif (il arrive quelque chose au personnage) et généralement la situation implique que les joueuses doivent raconter quelque chose, a fortiori quand elle est rédigée sous forme de question. Mais ces cartes ont également toujours un aspect ludique : obligation de faire un choix et gestion de ressources mécaniques (qui ont toutes une tonalité drama et plutôt négative, les ressources étant la rage, les blessures, l’arcane, l’oubli, le mauvais œil, la malchance…).

Avec plus de 200 cartes au total, Les Ossements des Ténèbres est un wargame dramatique qui offre un véritable vertige exploratoire : il se passe plein de choses et on se demande ce qui va nous attendre au prochain déplacement.

Laura Grafie, cc-by-nd

1.15. Conclusion sur les DFTQ3

Les DFTQ3 gardent un ADN commun (en gros, le principe de cartes événements ou de tables d’événements, et la présence fréquente de questions pré-rédigées) avec Pour la Reine mais s’en affranchissent pour rechercher ce qui manque à leur modèle : le roleplay et la profondeur.

2. LES DESCENDANTS DE LA REINE DE QUATRIÈME GÉNÉRATION

Mais est-il possible d’aller encore plus loin, vers des profondeurs de rejouabilité abyssales ? Et bien, c’est le défi des descendants de la Reine de quatrième génération (DFTQ4).

2.1. Un dispositif qui reste à imaginer

Comprenons bien qu’à l’heure actuelle (mars 2022), le principe de DFTQ4 n’est qu’une idée en germe dans mon cerveau malade et je n’ai pas un aperçu précis de ce à quoi ça pourrait ressembler ni si ça peut fonctionner ni de la masse que travail que ça pourrait nécessiter (enfin, si, cette dernière est sûrement colossale).

Cependant, cette piste me semble suffisamment aurifère pour que je vous la confie.

2.2. L’objectif d’un DFTQ4 : l’exploration arborescente d’un univers

Les DFTQ4 s’adressent aux auteurices qui veulent transmettre un univers profond le plus efficacement possible. Je crois que les univers profonds de jeu de rôle peinent actuellement à atteindre ce but, du fait qu’ils sont rédigés sous forme d’encyclopédie. Elles peuvent être parfois bien rédigées et ce concentrer sur du matériel jouable. J’ai une pensée particulière pour le monde de Hârn où chaque contrée se définit par des crises en cours, et dont la rédaction sous forme de fiches alphabétiques à ranger dans des classeurs souligne la volonté de rationaliser la recherche d’informations. J’ai une autre pensée pour les wikis permettant une navigation intertextuelle efficace, mais peu présents en jidérie. L’approche encyclopédique semble aller de soi et de fait elle fonctionne puisque nous avons tous côtoyé (ou nous sommes) des érudit.e.s d’un ou plusieurs mondes rôlistes.

Mais il y a un biais du survivant. Le fait que ces nerds des univers existent ne prouve pas que l’approche encyclopédique est la meilleure, juste qu’il y a quelques passionnés qui s’en accommodent.

On voit de plus en plus fleurir des univers de jeu de rôle entièrement faits de tables aléatoires. C’est en effet plus accessible dans la mesure où on peut quasiment commencer à jouer sans rien lire à l’avance, et c’est bien le but des DFTQ4. Mais là aussi, ça ne fonctionne qu’avec les plus roublard.e.s d’entre nous. Les univers aléatoires manquent souvent de liant et de fait nécessitent une bonne capacité d’improvisation et de réappropriation pour combler les trous.

Pour aller plus loin :

[Article] Thomas Munier, Le Système-Monde partie 1 sur 2 : créer un univers à vocation ludonarrative, sur Outsider

Les DFTQ4 cherchent à cumuler la cohérence des univers encyclopédique à l’accessibilité des univers aléatoires en se concentrant sur la continuité narrative et les enchaînements logiques.

2.3. Warhammer Quest, un proto-DFTQ4 ?

Dans ma folle vie lycéenne, j’ai été un grand pratiquant du jeu de plateau/figurines de dungeon crawling Warhammer Quest. Le jeu était composé de trois manuels. Un petit expliquait en gros comment faire du porte-monstre-trésor procédural de base : un paquet de cartes pour les salles de donjons, un paquet de cartes pour les monstres, un paquet pour les trésors. Le procédural était poussé pour fonctionner sans arbitre, le fonctionnement des monstres étant notamment automatisé. Le deuxième petit livret donnait des scénarios qui se contentaient d’apporter un contexte de départ et un contexte de fin pour la salle de fin. Mais c’est le troisième livre, un pavé de 300 pages A4 qui nous intéresse maintenant. Il permettait de jouer les niveaux 2 à 10 avec tout un tas de nouveaux monstres, mais surtout de nouvelles règles :

+ une procédure de voyage pour retourner faire des emplettes en ville ;

+ une procédure complexe pour simuler le séjour en ville avec tournée des boutiques et événements imprévus ;

+ une liste d’événements narratifs pour changer des rencontres de monstres

+ des conseils pour faire des tests de compétences et du roleplay ;

+ des conseils pour écrire des donjons.

Ce sont les trois premiers de cette liste qui me séduisent le plus, car cela faisait de Warhammer Quest un jeu de rôle à jouer en campagne de façon très procédurale, avec une arborescence semi-aléatoire d’événements, tout à fait typique de ce que j’imagine pour du DFTQ4. Il semblerait qu’on retrouve une structure similaire dans Gloomhaven, mais je ne m’avancerai pas trop, n’ayant pas testé le jeu. En inspiration pour des 4ème génération, on trouvera également Arkham Horror le jeu de cartes qui réussit habilement le pari d’un gameplay jeu de société avec une continuité narrative et des évènements aléatoires significatifs narrativement. On citera enfin les Escape Tales dont Children of Wyrmwood qui marie jeu de cartes d’escape game, livre-aventure et drama.

Pour aller plus loin :

[Podcast] La Cellule, Gloomhaven, d’Isaac Childres

Kids playing Kids Dungeon Adventure
Une partie de Kids Dungeon Adventures. Mélanger donjon et cartes. Le turfu ?

2.4. Biomasse, une cathédrale ludonarrative en construction

Nous en venons à mon projet Biomasse. Voilà des années que j’accumule des notes sur l’univers profond de Millevaux sans parvenir à trouver une manière ludique de présenter le tout. L’Almanach et Nervure ont été des premiers et minimes aperçus. J’ai envisagé de rédiger le tout sous forme univers encyclopédique, d’univers aléatoire, et même de roman, mais aucune de ces idées ne me satisfaisait vraiment.

C’est la création de Psilozone puis des Ossements des Ténèbres qui m’ont débloqué, et donc j’ai d’abord envisagé Biomasse comme un mix des deux. Les notes de Biomasse (à peu près 100 000 mots) peuvent aisément être découpées selon les six axiomes de Millevaux : forêt, ruine, oubli, emprise, égrégore, horlas. Pour avoir une approche ludique, il conviendrait de redécouper encore par type de péripéties : calme, adversité, mission, passage, trésor, roleplay.

Pour aller plus loin :

[Article] DarkYudeX, Créer un scénario avec la technique du « Donjon en 5 pièces », sur Speedrolling

On obtient donc un ensemble de 36 « paquets » de « cartes ». Une partie de jeu de rôle pouvant être vue comme suite de péripéties, Biomasse serait donc un jeu (et non un simple guide d’univers) : on enchaîne les péripéties et à chaque péripétie, on tire une « carte ».

Sauf que ces cartes ne seraient pas des cartes mais des mini-jeux : un mini-jeu de bivouac, un mini-jeu d’exploration de ruines, un mini-jeu de rêve, un mini-jeu de confrontation avec un horla, etc. À la manière des jeux The Sundered Land, Firebrands ou In Dreaming Avalon, qui conçoivent une partie comme un éventail de mini-jeux. Il me paraît ici important de citer aussi Yazeba Bed & Breakfast, qui ajoute à la mécanique de mini-jeux la présence de livrets de personnages évoquant les jeux propulsés par l’apocalypse ou les belonging outside belonging.

Cette approche a le mérite d’être valable aussi bien en mode aléatoire qu’en mode dirigé (la table choisissant le mini-jeu au gré de ses besoins).

J’ai envisagé de rédiger ces mini-jeux à la manière de Psilozone : un guide constitué d’étapes, chaque étape étant constellée de choix à faire dans des listes de faits, d’objets, d’événements ou de questions orientées.

2.5. Les Forêts Limbiques : une arborescence d’actes comme brique de base

Peu après, cette première épiphanie, j’en ai eu une deuxième. Il était possible de faire quelque chose de plus construit que Psilozone. Et ceci, je l’ai expérimenté en créant le premier mini-jeu du futur Biomasse : Les Forêts Limbiques.

Les Forêts Limbiques est un jeu de rôle axé one-shot pour explorer les forêts limbiques, domaine des rêves, des morts, de la mémoire et des horlas. J’ai récupéré toutes les informations et situations de jeu que j’avais développées autour des forêts limbiques et je les ai mises dans ce jeu, en les transformant en événements la plupart du temps assortis de questions orientées.

Ces événements, je les ai organisés par actes, et ces actes forment une arborescence identique à celle de ma structure de scénario en 4D. Autrement dit, il y a 15 actes : 5 actes principaux, 4 actes d’intrigue secondaire, 3 actes flottants, 3 actes de montée des emmerdes, 1 acte de fuite de la zone de jeu. On passe d’un acte à l’autre selon une arborescence prescrite à l’avance (les 5 actes principaux et les 4 actes secondaires sont articulés dans une matrice, les autres actes sont invoqués au bon vouloir de la table ou suivant certains critères, par exemple on invoque l’acte de fuit… si on fuit).

Il doit y avoir au minimum 5 événements par acte, mais il peut y en avoir beaucoup plus s’ils sont tous dans la même thématique, ce qui me permet de « vider » mes notes d’univers.

Les Forêts Limbiques a donc la structure d’un scénario classique, mais sous une forme plus éclatée et ouverte, présentant beaucoup plus de choix et s’ouvrant à l’improvisation, ce qui en fait une forme de scénario arborescent jouable sans MJ, bien que ça fonctionne aussi avec MJ. Cette structure de scénographie par liens logiques est à mettre en lien avec les nano-jeux Myriad et Marauder qui fonctionnent sur des principes similaires (en beaucoup plus simple, mais du coup ça permet de visualiser).

Pour aller plus loin :

[Article] Thomas Munier, Le scénario en matrice : une structure de rédaction didactique, sur Outsider

[Article] Gwyllgi, Randomless Narrative Tools – Myriad and Marauder, sur The Gauntlet Forums

[Article] Thomas Munier, Le système-monde 2/2 : La scénarisation et les mécaniques, sur Outsider

double : zanzo, cc-by-nc

Il est donc aujourd’hui très probable que Biomasse sera un agrégat de mini-DFTQ3 ayant tous la même forme que Les Forêts Limbiques, c’est-à-dire celle d’un scénario en 4D. L’avantage est que je me retrouve structuré dans ma façon de rédiger, que j’évite des effets de couloir qui peuvent être présents dans Psilozone, et que les utilisateurices s’y retrouveront plus facilement si tous les mini-jeux ont le même fonctionnement.

Reste à penser la navigation entre les mini-jeux. Je ne pense plus faire un paquet de 36 « cartes », parce que je ne veux pas confier l’alternance de mini-jeux au hasard et certains mini-jeux seraient artificiels du fait de la construction axiome d’univers + type de péripétie.

Je pense plutôt dessiner une carte mentale qui les mini-jeux entre eux par affinités. On peut envisager de passer facilement des Forêts Limbiques à un jeu de bivouac, par exemple. Il y aura par ailleurs beaucoup d’hypertextualité à l’intérieur même des jeux, un acte pouvant renvoyer de façon organique à un autre mini-jeu, voire à un autre jeu de la gamme Millevaux.

J’ai eu un premier aperçu du potentiel de cette formule en jouant une partie de Donjons & Domillevaux : le contexte choisi a amené les aventuriers dans la forêt des morts. Or, il y a un acte pour la forêt des morts dans Les Forêts Limbiques. J’ai donc délaissé les procédures de Donjons & Domillevaux pour y substituer les événements de cet acte. Et tout naturellement, la suite de la partie nous a amené à explorer d’autres actes des Forêts Limbiques. Cette invocation organique est absolument ce que je rechercher et elle est grandement facilitée par le portage de mes jeux et mini-jeux sur Chartopia, et par l’abondance de liens hypertextes. C’est également l’énième confirmation qu’on peut plaquer un système de résolution, voire un jeu entier sur un DFTQ3 sans que ça ne pose de problème.

2.6. Wonderland : plaquer la méthode de Biomasse ?

Je n’exclus pas d’appliquer la même méthode à Wonderland, qui constitue un important échec de game design pour moi jusqu’à présent. Ce projet de jeu sur les réalités virtuelles et le métavers a connu une dizaine de systèmes de résolution différents sans qu’aucun ne me satisfasse, si bien que j’ai envisagé en dernier recours d’en faire un guide système-agnostique.

Assurément, en faire un DFTQ4 serait une solution pour exploiter à la fois les quelques scénarios sans règles déjà conçus et les abondantes notes d’univers.

CONCLUSION

Pour la Reine, en faisant de la question orientée sa mécanique unique, a ouvert une nouvelle voie à la scénarisation de parties de jeu de rôle, axée sur l’irruption d’événements aléatoires sur une ou deux thématiques choisies.

J’espère vous avoir donné quelques clefs avec ces deux articles pour faire vos propres descendants de la Reine, qui aient de la personnalité, et pourquoi pas des structures plus ambitieuses qui s’affranchissent assez du modèle pour réintroduire du roleplay et de la profondeur.

11 commentaires sur “Comment créer un jeu de rôle descendant de la reine, partie 2 sur 2 : la nouvelle génération

  1. Ah ben c’était une sacrée pavasse !

    Je suis un peu désolé pour la taille mais je ne me voyais pas encore découper en une troisième partie, d’autres articles attendent.

    En tout cas, je voulais vous faire part de mes épiphanies personnelles sur ce sujet, et pourquoi pas vous donner envie de trouver vos propres formules innovantes à base de Pour la Reine.

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  2. A découvrir : The Magus, de Momatoes. Ce jdr solo où l’on interprète un mage manipulant des puissances au-delà de son contrôle est un mélange entre des questions tirées au hasard et une progression de la narration (bref, un 3ème génération).
    https://momatoes.itch.io/the-magus
    Critique par Gulix : https://www.gulix.fr/blog/2021/05/22/lecture-de-role-de-la-diversite-du-jeu/
    Récit de partie par Milloupe : https://blog.liberta.vip/~/LeMjMalgr%C3%A9Lui/Le%20Mage%20Fou

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