Comment créer un jeu de rôle Old School Renaissance (OSR)

COMMENT CRÉER UN JEU DE RÔLE OLD-SCHOOL RENAISSANCE (OSR)

J’avais envie de faire une petite série d’articles pratico-pratiques sur la création de jeu de rôle, sans grande ambition hormis celle de poser quelques bases au même endroit. On commence avec les jeux de la vague old school renaissance.

(temps de lecture : 7 min)

Michael Sutherland, cc-by-nc

Articles de la série :

  1. Comment créer un jeu de rôle old school renaissance (OSR)
  2. Comment créer un jeu de rôle traditionnel
  3. Comment créer un jeu de rôle d’enquête
  4. Comment créer un jeu de rôle descendant de la Reine 1/2
  5. Comment créer un jeu de rôle descendant de la Reine 2/2
  6. Comment créer un jeu de rôle à narration partagée

1. L’OSR, kesako ?

Pour le dire vite, les jeux OSR sont d’abord des jeux conçus pour être compatibles avec la première édition de Donjons & Dragons. Mais avec le temps, les générations d’OSR se sont succédé pour aboutir à certains jeux qui ont peu en commun. On trouve aussi des jeux inspirés d’autres anciens jeux, comme Brigandyne ou Zweihänder qui sont inspirés de Warhammer 1ère édition.

Pour aller plus loin :

[Podcast] Les anciens et les modernes, sur Outsider

[Article] Old School Renaissance, sur Wikipédia

2. Pourquoi faire un jeu OSR ?

Je crois que la meilleure raison est de fabriquer la nostalgie d’une époque qui n’a jamais existé. L’OSR est un peu le rétrofuturisme du jeu de rôle. Je dis parfois de Marchebranche qu’il s’agit d’un jeu de rôle écrit par Hayao Miyazaki en 1975.

La compatibilité avec une immense galaxie de jeux et de modules est aussi un bon prétexte : vous pouvez vous permettre de créer un jeu très incomplet, les amateurices d’old school arriveront quand même à le faire tourner.

Autre raison très connexe, la simplicité des mécanismes offre une bouffée d’air frais. Fini de se prendre la tête sur les options de minimaxage, les compétences ou l’équilibrage, vous pouvez vous concentrer sur l’ambiance et le level design.

3. Par où commencer ?

Je vous conseillerais de lire un seul jeu : Sword & Wizardry de Matt Finch . Très proche de Donjons & Dragons première édition mais agencé de façon beaucoup plus digeste, il contient aussi des conseils qu’on peut retrouver par ailleurs sous le terme de Quick Primer for old school gaming. L’identité visuelle de la VF illustrée par Le Grümph est aussi parfaite (hormis son côté très barbu).

En complément, vous pouvez rajouter The Black Hack, une version moderne et condensée qui a eu beaucoup d’influence. On parle aussi beaucoup d’Into the Odd et de Macchiato Monsters mai, à découvrir donc si vous souhaitez explorer la face la plus moderne de l’OSR.

En revanche, un coup d’œil à Principia Apocryphia, liste de conseils rédigés à la mode d’Apocalypse World, sera bienvenu, tant l’OSR est curieusement compatible avec la vibe des jeux narratifs, et ce depuis le Donjon de Clifford Nixon.

Le texte Old school : 10 Principes est aussi un incontournable, et si vous voulez pousser un peu plus loin, allez jeter un œil sur les textes et traductions de Wizard Lizard au sujet de la sous-vague du Free Kriegsspiel Revival (FKR) tant ils sont d’une clarté à couper le souffle.

Retenez qu’aucun de ces textes n’a valeur d’évangile, et surtout par le Quick Primer for old school gaming et sa célébration du player skill. Des jeux comme Sad Oni le remettent en cause avec la possibilité de faire un jet de compétences pour remplacer le roleplay social si on ne s’en sent pas la capacité : il est donc possible de faire de l’OSR en s’affranchissant de son côté parfois élitiste qu’il peut avoir dans la célébration de la difficulté, tout comme on peut détourner le gameplay old school en le prenant au second degré pour en faire une esthétique.

Pour aller plus loin :

[Article] Thomas Munier, La capacité de jeu, sur Outsider

[Article] Eugénie, Performance OSR, sur JenesuispasMJmais

4. Que mettre dans mon OSR ?

À moins que vous ayez un jeu très minimaliste ou très éloigné de Donjons & Dragons, vous avez intérêt à mentionner la licence OGL du d20 System. Je ne suis pas certain que les lois sur le copyright vous en astreignent à toute force, mais c’est une précaution qui ne vous coûtera rien.

Je mettrais ensuite un choix de classes de personnages assez restreint : entre deux et six.

Par exemple, deux classe : guerrière, magicienne

six classes : guerrière, magicienne, religieuse, voleuse, barde + une classe très spécifique à votre univers

Perso, je suis assez conscient de mon quadriptyque pour Millevaux : brute, soigneûtre, idolâtre, sorcelliste.

Le cœur d’un jeu OSR, ce sont les caractéristiques. Les 6 carac habituelles de Donjons & Dragons, tirées à 3d6 chacun, me semblent tout à faire le taf. Réfléchissez-y à deux fois avant de les renommer par des termes cryptiques : la lisibilité immédiate des termes initiaux en fait un atout précieux pour le jeu d’initiation ou le speed gaming.

Pour aller plus loin :

[Article] Thomas Munier, Jouer en trente minutes chrono, sur Outsider

On m’a cependant vanté le mérite d’une restriction à 3 carac : physique / social / magique ou physique / social / mental. Et c’est en effet une simplification salutaire.

Je voudrais vous déconseiller ce qui est pourtant une vache sacrée de l’OSR : le jet sous carac ou encore le jet de sauvegarde. C’est assez contre-intuitif de cumuler cette mécanique de roll under à jets d’attaques en roll over, c’est-à-dire souvent confrontés à des classes d’armures ascendantes (la classe d’armure descendantes ou le TACO de D&D1 ou de AD&D sont rarement conservés dans les jeux OSR).

Avoir du roll over ET du roll under dans le même jeu, ça fait buguer tout le monde.

De surcroît, les jets sous sauvegarde ou sous carac me semblent des jets de compétence déguisés, c’est un peu contraire au principe de player skill (certes pas une parole d’évangile, mais souvent recherché). Donc mon conseil : une mécanique unique de d20+bonus/malus contre une difficulté généralement fixée à 10, mais pouvant varier.

On me vante beaucoup le dé d’avantage / désavantage (jeter 2d20 et garder le meilleur ou le pire selon la situation) ou les dés d’usure (un dé estimant la résilience d’un objet ou d’une personne, et pouvant diminuer de taille à chaque lancer, au risque de disparaître). Je trouve les deux mécaniques trop crunchy, en jeu ça fait buguer trop de gens. Mais après tout, décidez en votre âme et conscience du niveau de complexité que vous voulez apporter. J’en suis moi-même rendu à un niveau assez élevé dans Écorce.

Il faut qu’on parle de compétences. Souvent, on considère qu’il ne faut pas en mettre si on veut rester dans le canon de 1974 et permettre le player skill. Je crois qu’introduire des compétences est OK si c’est en nombre limité : une compétence de voleuse, une compétence de détection des failles architecturales, une compétence de soin…

Les compétences peuvent être gérées comme des sorts : la liste peut être longue mais finalement à faible niveau, les personnages en auront peu. C’est la démarche de Café Noir et ça le fait.

Concernant les points de vie et les dégâts, je suis partisan, à l’instar de Sword & Wizardry, d’une très faible diversité. Dans Sword & Wizardry, le guerrier a 1d6+1 PV, le mage 1D6-1 PV, la meilleure arme fait 1d6+1 dégâts, la plus faible fait 1d6-1 dégâts… On peut d’ailleurs aller jusqu’à tout mettre à 1d6, en considérant que la variabilité n’est pas un critère important ou qu’elle peut jouer sur des informations non chiffrées (armures et invulnérabilités pour les PV, portées et effets spéciaux pour les armes, etc.) Idem pour les sorts de soins.

Assurez-vous par ailleurs d’avoir une liste de matos et d’équipements limitée, soumis à tirage aléatoire : la création de personnage doit rester rapide, donc pas de calcul d’épicerie.

Millevaux à l’ancienne est un jeu OSR très réduit, toutes les informations nécessaires tenant sur les feuilles de personnages (au nombre de trois, une par classe). Notez que j’ai mis des scores de sauvegarde ET QUE JE LE REGRETTE

Vous faut-il un univers ? Je dirais qu’il faut y penser. Ce peut être un univers très restreint (une petite contrée, 5-6 espèces intelligentes à tout casser) et classico-classique dans la plus pure veine nostalgique ou au contraire un univers très gonzo (ce qui est paradoxalement tout aussi nostalgique). Dans ce deuxième cas, une transmission de l’univers sous forme de table aléatoire sera à privilégier à un exposé en détail. Essayez malgré le gonzo de donner une cohérence à votre univers en le faisant reposer sur 5-6 axes symboliques maximum.

Nervure est un set de tables aléatoires absolument compatible avec de l’OSR pour jouer dans l’univers de Millevaux

Vient la question des modules. Cela n’est pas forcément nécessaire, le recours à des modules d’autres gammes OSR, à la création par l’arbitre ou aux tables aléatoires d’univers, est tout à fait légitime. Si vous voulez proposer des modules, vous pouvez opter pour trois niveaux de détails :

+ une simple méthode de création aléatoire de modules, la technique du donjon en 5 pièces restant un must-have ;

+ une méthode un tout petit peu plus complexe comme le scénario en matrice ;

+ ou enfin un module plus ambitieux rédigé section par section. J’aime beaucoup les modules rédigés à la main par Wizard Lizard, ce côté amateur est très libérateur, exactement ce qu’on aime sur Outsider

Un des feuillets du donjon Castle Redvald par Wizard Lizard

Ne vous prenez pas trop la tête avec des questions d’écologie du donjon et pensez à mettre des passages entre étages de niveaux différents pour casser les équilibres.

Pour aller plus loin :

[Article] Jacquaying the dungeon, par Justin Alexander sur The Alexandrian

[Vidéo] Thomas Munier, Comment créer un donjon, sur Youtube

Les modules peuvent peuvent être remplacés ou complétés par des hexagones pour gérer le côté exploration en extérieur. Gardez à l’esprit qu’un groupe de 7 hexagones avec 3 points d’intérêt par hexagone est généralement suffisant pour occuper un groupe sur une campagne entière.

La carte en sept hexagones du Val des Corbeaux, un cadre de campagne pour Coureurs d’Orages. (dessin : Le Grümph)

Hexagones du jeu Umwald (on retrouve l’amateurisme assumé du dessin)

Reste la question des niveaux. Je reste fidèle à la philosophie « E6 » que j’ai découverte avec les notes d’Yslaire d’Argolh dans le dK System et Coureurs d’Orage qui consiste à dire que les niveaux (0)1 à 6 sont intéressants à jouer et qu’ensuite ça devient trop complexe et gros bill. Perso, j’ai même un faible particulier pour le niveau 1, avec sa forte mortalité et sa culture du système D. Je ne m’embarrasse pas de système de point d’expérience et je récompense la survie des personnages par de l’équipement, de l’info et du réseau.

5. Que faire d’atypique en OSR ?

On est sur Outsider, alors je ne saurais vous quitter sans une série de conseils pour faire de l’OSR pas comme les autres.

Perso, l’OSR (plus exactement Sword and Wizardry) est mon jeu de rôle générique à moi à partir duquel je peux tout jouer. J’ai fait quelques one-shots expérimentaux :

+ un mix de D&D et de l’émission D&CO où une équipe de télé-réalité devait rénover une maison infestée d’orques, de blobs et de gobelins ;

+ un passage dans l’univers de Wonderland où des aventurier pillent des donjons qui ne sont autre chose que l’inconscient de personnes du monde contemporain ;

+ et j’ai fait aussi… du drame contemporain.

Pour aller plus loin :

[Compte-rendu de partie] Donjons et dragons drama, sur Courants Alternatifs

J’ai aussi fait une campagne basée sur une agence du multivers recrutant des aventuriers med-fan pour les plonger dans toutes sortes d’aventures, du X-Files, du Alien, du Jurassic Park, etc…

L’OSR est une matière très malléable et il est jouissif d’en détourner les codes.

La létalité de ce mode de jeu en fait le terreau idéal pour jouer du drama, mais en diminuant la létalité ou la fréquence des combats, vous pouvez aussi faire des jeux care, oniriques ou décoloniaux, comme le propose la vague Sword Dream.

CONCLUSION

Créer un jeu OSR est une expérience plaisante, car elle repose sur des mécaniques simples, une communauté bien implantée, et une fibre nostalgique malléable à l’infini. C’est aussi le prétexte parfait pour s’écouter du dungeon synth en boucle.

Néanmoins, il faut savoir faire le tri entre de nombreuses options et trouver le bon compromis entre simplicité et complétude. Il faut résister à la tentation d’empiler les mécaniques et savoir transmettre ses idées par des conseils plutôt que par des règles.

Pour aller plus loin :

Playlist aléatoire du jeu Marchebranche sur Chartopia

13 commentaires sur “Comment créer un jeu de rôle Old School Renaissance (OSR)

  1. Très bon article pour débuter cette série. Il met à plat pas mal de choses pour partir sur de bonnes bases.

    Je te cite :
    « En complément, vous pouvez rajouter The Black Hack, une version moderne et condensée qui a eu beaucoup d’influence. On parle aussi beaucoup d’Into the Odd et de Macchiato Monsters mai, à découvrir donc si vous souhaitez explorer la face la plus moderne de l’OSR. »

    Dans quel sens les trouves-tu trop modernes ?

    J’aime

    1. Alors je vais probablement dire des bêtises parce que ce sont des jeux que je n’ai pas lus, j’ai juste connaissances de leurs mécanismes principaux. Into the Odd privilégie l’immédiateté : pas de jets d’attaque, on fait directement les dégâts, pas de fouille, les pièges sont de suite découverts et il faut les gérer. Je comprends absolument l’intérêt de ces simplifications et ça justifie le succès d’Into the Odd qui a été beaucoup hacké, mais je ne me retrouve pas dans le game feel, ça me semble un poil trop aménagé pour faire vibrer ma fibre nostalgique. C’est tout simplement trop différent (à la fois des qualités et des défauts) de OD&D. Quant à Macchiato Monsters, ses innovations principales à ma connaissances, ce sont le dé d’usure usé massivement (je suis pas sûr que ce soit une invention de son auteur, mais le jeu met très en valeur cette mécanique) et les listes aléatoires où tu jettes des dés de taille différentes selon ta classe de perso (exemple approximatif : le guerrier tire 1d4 sur la liste des objets magiques alors que le mage va tirer 1d20, sachant que les objets magiques les plus faibles et courants sont en début de liste, les plus rares et puissants en fin de liste). Là, mon problème, c’est l’usage massif du dé d’usure, qui me semble trop éloigné des marqueurs du old school, et en règle générale, un côté tellement moderne et innovant dans les mécaniques que ma fibre nostalgique n’est pas émoustillée. Mais après, je peux avoir des a priori, n’ayant ni lu ni joué à ces deux jeux. Et par ailleurs, j’ai adoré Café Noir, qui est un hack de Macchiato Monsters.

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    2. Mais du coup c’est le grand enseignement de l’OSR : les mécaniques n’ont pas qu’à être efficace, elles doivent aussi mettre en place une ambiance (absolument méta, pour le coup), qui est à mes yeux l’ambiance de la nostalgie, et ça peut impliquer de garder des vieilles mécaniques pourries plutôt que de les remplacer par des mécaniques modernes, fussent-elles mieux pensées.

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