Échappées d’un bunker ultra-sécurisé, les infos que l’industrie de la littérature ne veut PAS que vous sachiez !
(temps de lecture : 15 minutes. Les 15 minutes les plus utiles de ta vie!)
Si j’ai cessé pendant treize ans d’écrire du roman alors que je pensais que c’était ma vocation, c’est pour avoir accordé crédit (et ce fut une prophétie auto-réalisatrice) à une idée reçue : écrire un roman, ce serait des larmes et de la sueur.
Mais c’est faux ! Écrire un roman peut être la chose la plus facile et la plus fun qui soit. C’est ce constat, découvert avec la rédaction de mon roman Dans le mufle des Vosges, que j’ai envie de vous partager.
Je le fais sous forme d’une liste de conseils, mais c’est avant tout une restitution de mon expérience personnelle. Vous aurez sûrement besoin d’adapter à votre propre cas. D’ailleurs, certaines propositions pourraient bien vous choquer.
Par ailleurs, il est possible que ces conseils soient extrapolables à d’autres créations, qu’il s’agisse d’un jeu de rôle ou d’un château en pâte à sel.
J’en profite pour créditer Élise Pagès qui donne des conseils d’écriture sur Youtube. J’ai récemment échangé avec elle sur ces sujets, donc il est possible que je lui ai emprunté des idées sans le faire exprès.
Je tente un style d’écriture plus décontracté qu’à l’accoutumée. Excuse-moi à l’avance si ça pique les yeux. Bisous.
Allez, sans plus tarder, voici ma liste de conseils pour écrire un roman avec une facilité et un dilettantisme radicaux.
Jenima Gibbons, cc-by
SOMMAIRE
1. Demande-toi pourquoi tu le fais
2. Suis des émissions ou des blogs d’écriture
3. Fais-en un loisir
4. Parle de ce que tu connais
5. Vise un divertissement honnête
6. Lis des livres sur le même thème… Mais seulement après avoir commencé
7. Réserve ta plume à ton roman
8. Crée-toi une routine d’écriture
9. Écris au fil de l’eau
10. Vis-le comme un jeu de rôle solo
11. Crée-toi un système
12. Prends tout le temps des notes
13. Utilise le plus simple des traitements de texte
14. Fais le premier jet le plus dégueulasse possible
15. Feuilletonne
16. Fais court
17. Tu peux t’arrêter à ton premier jet
18. Ré-écriture : retaper son texte suffit
Conclusion
1. DEMANDE-TOI POURQUOI TU LE FAIS
Pose-toi la question : « Pourquoi c’est chouette d’écrire un roman ? » et réponds-y.
Ma réponse perso, ce serait qu’en écrivant un roman, on fait un truc spécial, on vit une expérience qu’on partage aussi bien avec des grands noms de la littératûûûre qu’avec les millions d’anonymes de la galaxie fanfiction. On s’inscrit dans une communauté : la communauté des personnes qui ont écrit un roman dans leur vie.
Mais ce qu’il y a de plus chouette encore, c’est de s’inscrire dans la communauté des gens qui sont en train d’écrire un roman. Parce que tu as cette gratification dès le moment où tu couches les premières pages !
2. SUIS DES ÉMISSIONS OU DES BLOGS D’ÉCRITURE
Il suffit de taper dans une barre de recherche pour trouver un tas de vidéos, podcasts et articles sur l’écriture. Dans le registre de la SFFF, on citera notamment Procrastination. J’aime bien aussi, dans un registre plus générique, la série L’Alchimie de l’écriture. En ce qui me concerne, l’audio a ma préférence, mon temps de lecture étant limité. Mais tu peux aussi te procurer des livres de creative writing comme L‘anatomie du scénario ou Save the Cat Writes a Novel.
Suivre ces contenus permet de glaner des conseils mais surtout, à force, provoque ce sentiment de connivence avec les écrivain.e.s qui proposent ces contenus.
On a l’impression de faire partie de la famille et ça aide beaucoup à s’y mettre.
3. FAIS-EN UN LOISIR
Pour la plupart des gens, c’est plus facile de se dégager du temps pour jouer à la console que pour faire sa compta ! Si tu te concentres sur ce qui a de plus cool dans l’écriture (voir tes personnages prendre vie, décrire des décors insolites et grandioses, balancer des révélations, etc.), ça deviendra une évidence de te réserver des créneaux réguliers pour le faire, ça deviendra une évidence de prendre du plaisir à écrire, et ça deviendra une évidence de parler d’écriture.
En ce qui me concerne, j’aime tout particulièrement l’énergie dans laquelle je suis après une session d’écriture ! J’ai un regain de confiance en moi, j’ai encore des étoiles dans les yeux, et j’ai envie de partager autour de ça.
Par ailleurs, ça n’a pas forcément à être une activité solitaire. Si ça peut te rendre la chose plus conviviale, n’hésite pas à impliquer d’autres personnes dans le processus créatif : co-auteurices, bêta-lecteurices, communauté d’écrivain.e.s avec qui échanger sur votre passion commune, etc.
Mais surtout, le plus important du mantra « Fais-en un loisir », c’est « Ne pense surtout pas à l’édition ». Si tu te concentres sur l’avenir éditorial de ton roman au moment où tu l’écris, c’est le tue-l’amour assuré. Et ça va peut-être te forcer à faire des compromis que tu regretteras, et dans un contexte où les éditeurs sont contraints de refuser la majeure partie des manuscrits qu’ils reçoivent, tu t’exposes précocement à la peur du rejet.
Tu pourras toujours te poser la question quand ton roman sera fini, mais pas avant. Écrire, c’est une passion. Se faire publier, c’est du boulot. Sépare bien les deux. Ça vaut aussi pour l’auto-édition. Oui, tu peux publier ton roman en un clic sur lulu ou amazon, mais justement tu n’as pas à t’en faire tant que ton manuscrit est en cours, sinon tu vas commencer à t’inquiéter de la réception du public et ça va te décourager, ou te faire passer dans une posture professionnelle qui va flinguer ton fun. Assume ton dilettantisme comme une bannière !
4. PARLE DE CE QUE TU CONNAIS
Vouloir écrire un roman sur un sujet qu’on maîtrise mal est un gros facteur d’abandon. Il y a quelques années, j’ai eu une idée de roman dont l’action se situait en Mongolie, au Cambodge et en Algérie… Trois pays que je connais super mal. SPOILER : j’ai fait quelques pages et puis basta.
Tu pourrais te dire : « Je vais me renseigner à fond et après je me lancerai ». Erreur fatale. Faire des recherches, c’est du taf. Pas du fun. Or, t’es pas payé pour écrire (SPOILER : et y’a d’énormes chances que tu ne le sois jamais), alors à quoi bon se lancer dans des recherches encyclopédiques pour ton loisir ?
Fais la liste des domaines que tu connais déjà bien, voire très bien. Il y en a forcément, on est tous spécialistes de quelque chose. Je te demande pas d’être un.e expert.e mondial.e, juste bien t’y connaître. Choisis un ou plusieurs de tes domaines de prédilection et fais-en l’arrière-plan principal de ton roman. En ce qui me concerne, pour Dans le mufle des Vosges, j’ai choisi l’univers de Millevaux, que je développe depuis quatorze ans, et j’ai placé l’action dans mon village natal. Je me suis alors retrouvé avec largement plus de matériel qu’il n’en fallait pour camper un décor crédible.
Dans ce registre, pratiquer la fanfiction ou l’autofiction (voir un mélange des deux) c’est OK : aucun matériau n’est indigne !
Pour aller plus loin :
Thomas Munier, Trop d’information, sur Outsider
5. VISE UN DIVERTISSEMENT HONNÊTE
Faire que le roman reste un loisir et minimiser la documentation préalable forment un préambule à la préconisation la plus choquante, mais certainement la plus importante de ma liste. Tu n’écris pas pour avoir le prix Goncourt ou le prix Nébula. Tu n’écris pas pour avoir des millions de lecteurices. Si tu veux qu’écrire soit facile, dis-toi que tu écris un roman de gare. Dis-toi que tu es un.e tâcheron.ne qui tire à la ligne. Parce que c’est exactement la zone de confort dont tu as besoin. Tu es devant ton clavier parce que tu veux vivre et faire vivre une aventure comme on en a déjà vu tant d’autres, parce que c’est ce plaisir coupable et vulgaire que tu recherches. Tu n’es pas là pour faire des chichis. Laisse les tergiversations stylistiques et les explosions de délais aux figures de la grande littérature. Toi, tu es une petite main et tu ponds des romans qui te coulent tout seuls parce que ça vient des tripes et pas de l’intellect.
Il y aura des gros clichés, des bassesses de style et des intrigues téléphonées mais il y aura aussi toutes les fulgurances qui adviennent quand on se fiche des qu’en-dira-t-on. Sois sans prétentions : c’est le meilleur remède contre la page blanche et la meilleure façon d’être sincère. Les bouquins écrits d’une traite révèlent la spontanéité, les grandes œuvres bine construites l’effacent.
L’objectif, c’est de faire un livre, pas un bon livre : les meilleurs livres ne sont jamais écrits. Il n’y a pas de contrat moral de qualité entre auteurices et lecteurices, on est des dealers de drogue dure, le public connaît les risques.
6. LIS DES LIVRES SUR LE MÊME THÈME… MAIS SEULEMENT APRÈS AVOIR COMMENCÉ
J’ai pas dit qu’il fallait zéro documentation. D’une, tu pars sur les acquis de ta culture (donc à un moment t’as bossé, juste tu savais pas que c’était pour ce roman) et de deux, UNE FOIS que le bouquin est commencé, tu vas chercher à te procurer des bouquins (fiction et non-fiction) qui traitent des mêmes thèmes que ton roman, et tu vas les placer en haut de ta pile de lecture. Allez, si tu lis assez vite, tu peux insérer un livre HS sur deux. Ça va littéralement te faire vivre dans ton sujet, ça va innerver ton style et t’inspirer un tas de scènes.
Entre parenthèses : N’aies pas peur du plagiat ! Sérieux, si tu reprends quelques anecdotes de tes lectures pour les refaire à ta sauce, je te fliquerai pas. On le fait toustes, c’est cool et le copyright, c’est juste une invention de Satan. Au contraire, c’est super que tu fasses des clins d’œil à tes lectures. Hésite pas non plus à reprendre des citations ou des textes de jeu de rôle. Tant que tu fais pas des placards de copier-coller, je pense que l’honneur est sauf.
Tu vas me trouver relou, mais j’insiste à nouveau sur un point : attends d’avoir commencé d’écrire avant de faire de la biblio. Parce que si tu te dis : « Je commencerai après avoir lu X bouquins sur le sujet », tu vas abandonner.
De surcroît, lire des livres sur ton sujet pendant la phase d’écriture, ça te maintient dans la bonne énergie. L’important, c’est que tu te donnes une obligation de moyens (la pile de lectures), pas de fin (avoir lu X livres pendant ta rédaction).
7. RÉSERVE TA PLUME À TON ROMAN
On va rentrer dans la catégorie « Fais ce que je dis, pas ce que je fais » 🙂
Un roman, c’est quand même un morceau. Y’a pas de limite inférieure claire, mais j’ai souvent entendu parler de 20.000 mots, ce qui fait environ cent pages écrit gros ou une heure de lecture si tu préfères. Le défi Nanowrimo te propose en moyenne d’écrire 50.000 mots, mais même là on parle de roman court : c’est loin d’un tome du Trône de Fer ou de Harry Potter. Si tu écris vite (c’est-à-dire sans fioritures), compte 1000 mots par heure, donc t’en as entre 20 et 50 heures pour venir à bout de ton premier jet.
Et bien si t’acceptes par ailleurs de participer à un concours de nouvelles, d’écrire des articles pour un magazine et créer un méga-donjon pour ta campagne de jeu de rôle du vendredi soir, tu les trouveras jamais, ces 20 à 50 heures.
Le temps où tu as la possibilité et l’énergie de te coller derrière ton clavier est limité. Tu devrais le réserver à ton roman en cours et au courrier des lecteurices, point-barre. Si tu t’y astreins, ton bouquin va être démoulé à une vitesse de fou : c’est un peu la promesse du Nanowrimo par ailleurs.
Donc, tes parties de jeu de rôle, tu les fais sans préparation, les concours de nouvelles tu arrêtes de leur offrir du contenu gratuit (ils ne reconnaîtront de toute faon jamais ton génie) et les magazines, envoie-leur des textes en langage SMS histoire de t’assurer qu’ils soient à jamais dégoûtés de faire appel à toi.
Si ça te paraît trop ardu comme discipline, tu peux te dire qu’il ne faut rien écrire qui ne pourrait pas finir dans un livre. Mais pour le pratiquer, je te dis tout de suite que c’est une mauvaise idée. J’ai écrit au moins 500 récits de parties de jeu de rôle en me disant qu’un jour ça ferait de chouettes nouvelles, voire des romans. Bon, ça fait au bas mot 500 heures de travail. Je suis sûr que George R.R. Martin arrive pas à finir Le Trône de Fer parce qu’il emploie tout son temps à écrire des articles pour des webzines de jardinage.
Si t’es comme moi, ton génie et ton temps sont limités, alors les gaspille pas dans des articles, des posts de forum, ou à donner ton avis sur les réseaux sociaux.
8. CRÉE-TOI UNE ROUTINE D’ÉCRITURE
Çà, c’est un énorme classique des conseils d’écriture, mais je vais juste le refaire à ma sauce. Oui, tu dois te trouver des créneaux propices à l’écriture. Ça peut être dans les transports en commun, ça peut être dès que tu as une minute de libre à passer sur ton bullet journal, ça peut être quand ton enfant dort, ça peut être pendant les cours (promis, je te dénoncerai pas), ça peut être, comme Amélie Nothomb, tous les jours de 4 à 8H du matin avec une grande théière.
C’est pas obligé d’être souvent, mais c’est mieux si c’est régulier. Et surtout, c’est un temps que tu dois mettre en priorité sur le reste. Pas parce que ce serait du boulot (je t’ai dis que ça devait rester un loisir), mais parce que c’est un temps à toi, un temps de plaisir solitaire, un temps pour te retrouver. Fais-en un moment chill, écoute de la musique dans la même ambiance que ton roman, bref c’est ton instant privilégie et personne ne doit t’en priver.
En ce qui me concerne, Dans le mufle des Vosges, c’est trois heures par semaine et j’essaye de le faire en tout début de semaine, le reste peut attendre. Et oui, j’ai arrêté pendant les vacances, mais promis je m’y remets rapidement 🙂
9. ÉCRIS AU FIL DE L’EAU
George R.R. Martin différencie deux types d’auteurices : les architectes et les jardiniers. Les premiers préparent une encyclopédie d’univers et un plan détaillé de leur intrigue, les jardiniers démarrent directement l’écriture, l’intrigue et l’univers sont improvisés au fur et à mesure. George R.R. Martin est plutôt un architecte, mais perso je te conseille le jardinage. C’est bien plus à la cool. Tu te lances direct sans te prendre la tête. Ceci dit, si tu as suivi un précédent conseil, tu parles de ce que tu connais : donc en fait, tu as déjà fait le boulot d’architecte sans le savoir : tu cumules les vertus des deux approches. Trop win-win !
Pour aller plus loin :
Julien Hirt, Les trois types d’auteur
10. VIS-LE COMME UN JEU DE RÔLE SOLO
Le jeu de rôle solo textuel est une véritable école de littérature. Si tu lis des blogs de soloistes comme Mes RP Solo de Damien Lagauzère, tu réalises que le gars écrit des romans pour ainsi dire sans s’en rendre compte. Je te conseille de faire pareil et de me gamifier tout ça.
Concrètement, ça consiste surtout à te mettre dans un état d’esprit ludique, à entrer dans un rituel où tu vas t’identifier à ton ou tes personnages centraux, et jouer leurs réactions : ton roman devient le journal d’aventure. C’est excellent pour éviter le côté pensum de l’exercice romanesque, ça me paraît la plus sûre garantie de pratiquer une écriture-loisir, et rend tes personnages vivants et même autonomes
Pour aller plus loin :
Pierre-Gavard Colenny, Le petit guide du jeu de rôle en solo
Podcast Les Voix d’Altaride, Le jeu solo
11. CRÉE-TOI UN SYSTÈME
Voici que le game design accourt au service de ta plume ! Vivre ton roman comme une aventure de jeu de rôle peut aller beaucoup plus loin qu’un simple changement d’état d’esprit. Tu peux carrément utiliser des règles de jeu de rôle solo exprès ! Si tu ne trouves pas ton bonheur, tu peux prendre un jeu de rôle multi. Ou encore créer ton propre jeu de rôle solo. Par exemple, je te donne une astuce simple : créer ton Descended from the Queen maison. For the Queen est un jeu de rôle assez simple qui consiste en une situation de départ, une situation de fin assortie d’une question, et entre les deux une série de questions posées à chaque personnage. C’est vraiment facile de se créer un paquet de cartes questions liées aux thèmes de ton roman ou de ton chapitre en cours.
Je t’invite également à utiliser des aides de jeu narratives : Muses et Oracles, The Story Engine, les Story Cubes, Le Tarot de l’aventure imprévue, Session Zéro, c’est pas ça qui manque.
Pour aller plus loin :
Thomas Munier, Comment dynamiser son jeu de rôle textuel ?, sur Infinite RPG
Thomas Munier, Le jeu de rôle, un outil pour l’écriture de roman, sur Outsider
Tu peux aussi te faire ton propre système sur mesure dont l’aspect jeu de rôle ne serait qu’une facette. En ce qui me concerne, j’en ai développé un assez baroque. J’utilise un système de jeu de rôle principal dont je change tous les 9-10 chapitres, j’y ajoute plein d’aides de jeu, mon univers rôliste de Millevaux, des fiches de créations de personnages piquées sur des blogs d’écriture (celles de Jérémy Baltac et celles de Mécanismes d’Histoire), une liste aléatoire d’idées, une liste de scènes scriptées, des questions au public, etc. Petit plus que j’ai piqué à Pierre-Gavard Colenny : je tiens à jour une liste de Tchekhov. Dès qu’un début d’intrigue secondaire apparaît dans mon histoire, je l’ajoute à la liste, pour penser à la développer et la conclure plus tard. Pareils pour les éléments d’apparence anodins qui pourraient avoir une importance plus tard.
Et tout ça est assemblé dans un roaster aléatoire qui me dit quel matériel utiliser à quel moment.
Pour aller plus loin :
Thomas Munier, [Dans le mufle des Vosges] Mon système d’écriture, sur Outsider
Bon, je te demande pas de pousser la logique aussi loin, mais clairement te monter un petit système avec de l’aléatoire et qui te reventile tes idées en les mixant aux idées des autres, ça pourrait te faciliter l’écriture. De ouf.
12. PRENDS TOUT LE TEMPS DES NOTES
Si tu veux que ça dépote, ne réserve pas ta créativité au seul temps de ta session d’écriture. Je t’invite à tout le temps réfléchir à ton roman en tâche de fond, à cultiver ta sérendipité. Concrètement, ça veut dire qu’à chaque expérience de ta vie, chaque chose que tu vois, lis ou entends, tu dois consacrer quelques neurones à te demander : « Qu’est-ce que ça donnerait remouliné dans mon roman ? ». Et dès que ça fait des chocapics, tu notes l’idée sur ton téléphone ou dans ton bullet journal. Je t’invite ensuite à trier ces idées en deux catégories :
+ celles qui font avancer ton intrigue dans ses prochains développements, que tu vas insérer dans une sorte de plan des prochains chapitres ;
+ et celles qui sont plutôt des idées au cas où, ou des idées d’arrière-plan, que tu vas mettre dans une liste de tout-venant. Cette liste, je t’invite à la numéroter pour en faire une table aléatoire où tu vas piocher dès que tu veux meubler.
Sérieux, rien qu’avec ces deux listes, ton bouquin devrait s’écrire tout seul.
13. UTILISE LE PLUS SIMPLE DES TRAITEMENTS DE TEXTE
J’écris sur un éditeur de texte tout simple (l’équivalent Linux de Wordpad) pour augmenter ma concentration sur l’écriture. Pas de correction orthographique ou de boutons qui viennent te distraire dans la rédaction de ton premier jet. Mais j’ai de surcroît suivi un conseil glané sur le texte et j’ai passé la police par défaut en Comic Sans MS. Je sais que cette police est mal-aimée, mais l’objectif n’est pas de l’utiliser pour le texte final, mais bien pour mon premier jet. Cette police grasse adaptée aux dyslexiques est facile à lire et augmente ma concentration sur le texte. Adopté !
Regarde aussi si ton logiciel te propose cette intéressante fonction : passer le fond en foncé et la police de texte en clair. Perso, j’écris en blanc sur fond bleu nuit, le texte se détache beaucoup mieux, ça accroît ma concentration et ma rapidité !
14. FAIS LE PREMIER JET LE PLUS DÉGUEULASSE POSSIBLE
Si tu veux aboutir ton premier jet sans te décourager, un seul conseil : tu dois cracher le plus vite possible. Pas forcément dans le temps (perso je n’écris que 3 heures par semaine), mais pendant ta session d’écriture, tu dois écrire turbo-vite.
Remise tout esprit critique.
Perso, mon premier jet est hideux. J’accumule adverbes, adjectifs, participes passés, métaphores, subordonnées à tiroirs, bref toutes ces tumeurs de la langue que tout écrivain.e te dira de proscrire. Je te parle même pas des fautes de français.
Mais bon sang, on fait la première couche de peinture, pas les finitions de la Chapelle Sixtine !
Ainsi, tu vas finir ton premier jet rapidement et sans effort, et ça va te faire un bien fou.
15. FEUILLETONNE
Ouvre un blog ou publie sur Wattpad, mais sérieusement songe à feuilletonner. Ça va te mettre une saine pression à faire preuve de régularité, et tu vas rencontrer ton premier lectorat et t’insérer dans une communauté, c’est que du bonus. Te sens pas obligé.e de faire des feuilletons qui se terminent proprement, tu peux arrêter au milieu d’une phrase si tu veux 🙂
16. FAIS COURT
On a tort de se mettre des complexes, et de se dire que la littératûûûre, c’est Guerre et paix à la recherche du temps perdu. Les classiques de la fantasy en dix tomes ont achevé de nous faire croire qu’hors des pavés, point de salut.
Pourtant, Jack London préconisait de faire entre 40.000 et 60.000 mots. Et les nouvelles de Borgès, c’est pas de la littérature ? Concrètement, c’est pas la taille qui compte.
Te fixe pas un nombre de mots à l’avance, c’est pas comme ça que ça fonctionne. Avance dans ton histoire et quand tu penses que ça se conclut, ou juste parce que tu en as marre, arrête. Et oui, ça peut être très cool d’arrêter sur un cliffhanger parce que tu as la flemme d’écrire les longs développements qui devraient conduire à un climax logique : y’a pas de règles !
À partir de 20.000 mots, dis-toi que tu as déjà ce qu’on appelle une novella. Donc, dès que tu as franchi cette barre, autorise-toi à t’arrêter à tout moment.
17. TU PEUX T’ARRÊTER À TON PREMIER JET
Comme je suis pas ici pour me faire des amis, je vais te dire ce que personne n’ose te dire : le premier jet, c’est le moment le plus fun de l’écriture. Alors, pourquoi faire un deuxième jet ?
Si les finitions, la réécriture, la publication et la promotion te filent des boutons, reste-en à ton premier jet. Félicitations, tu es déjà romancier.e ! Tu peux ranger fièrement ton œuvre dans un tiroir en te disant : « Je l’ai fait », éventuellement le mettre tel quel sur ton blog, sur lulu ou sur Wattpad.
C’est aussi un mind trick : ça te sera plus facile de terminer ton premier jet si tu penses pas à toute la suite du processus.
18. RÉ-ÉCRITURE : RETAPER SON TEXTE SUFFIT
OK, on va dire que t’as encore des cuillers pour aller plus loin que le premier jet. T’as fait un beau bébé et t’as envie de le voir grandir. Alors j’ai une technique de réécriture efficace à te proposer. Jack London ne faisait que deux jets : un premier jet à la main et un deuxième jet tapé à la machine. Je me permets de te le citer parce que ce bon vieux Jack, c’est le parfait exemple de la littérature sans prétentions qui aboutit à de grandes choses.
Retaper un texte te permet de voir les lourdeurs de style aussi efficacement qu’une série de passes successives sur écran, ou qu’une relecture à voix haute. Mais ça me semble plus rapide et moins laborieux. Si tu as fait ton premier jet sur ton bullet journal, tu peux appliquer ce conseil directement. Si ton premier jet est un tapuscrit, imprime-le et retape-le.
Après, si tu vraiment du genre consciencieux, envoie ton deuxième jet à une équipe de relecture chargée de traquer les problèmes de style et d’intrigue. Applique leurs suggestions dans un troisième jet, et soumets ce troisième jet à une équipe de relecture spécialisée dans l’orthographe et la syntaxe. C’est super important de séparer ces deux étapes ! L’orthographe est la chose qui doit être vérifiée au dernier moment, quand il n’y a rien d’autre à modifier.
Au passage, flanquons six pieds sous terre les personnes qui incitent les écrivain.e.s dyslexiques et dysorthographiques à abandonner ! Y’a juste un millier d’auteurs ultra connus qui sont dyslexiques comme Agatha Christie, Jules Verne, le prix nobel Ernest Hemingway ou le maniaque Gustave Flaubert… Daniel Pennac (prix Renaudot 2007) est dysorthographique. Y’a des logiciels de corrections orthographiques et tout simplement des relecteurices qui font le job. Je pense aussi que comme on a adoré un tas de livres écrits en style rustique ou argotique, on adorera des livres avec des fautes d’orthographe si une personnalité s’en dégage (je préconise d’écrire à la première personne pour souligner cet aspect).
CONCLUSION
Voilà, je t’ai filé tous les outils pour être aussi prolifique que Simenon ou Barbara Cartland, ou juste pour faire une fois un roman dans ta vie, et c’est déjà turbo cool. Je serais super heureux d’entendre plus souvent des écrivain.e.s parler de leur roman comme d’un loisir et d’un exutoire, et non pas d’un serious business qui leur suce littéralement le sang. Bien sûr, j’ai pas la science infuse, je te confie mes trucs alors que moi-même j’ai pas fini mon bébé (mais bon, quand j’ai écrit cet article, j’en étais déjà à 50.000 mots pour 72 heures passées dessus, ou plutôt 50 heures parce que j’ai bien dû passer un tiers de mon temps à expliquer ma méthode), donc si t’as tes propres recettes pour faire de l’écriture d’un roman un pur délice, s’il te plaît fais-moi cadeau de ton point de vue en commentaire !
commentaire de Pak Cormier sur facebook :
« Cette idée que les choses sont plus simples qu’elles ne le semblent marchent avec pas mal de trucs. Je crois que l’on a tendance à dire que les choses sont compliquées à faire parce que ça fait plus sérieux, plus professionel. C’est un leurre. Prendre les choses à contrepied, en y réfléchissant de la même façon que tu l’expliques dans ton texte est une façon de faire plus enrichissante.
Je prends un autre exemple (je suis passé par là) On dit qu’arrêter de fumer, c’est compliqué : il faut voir un psy, mettre des patchs, essayer les vaporettes…. Ah oui ? Et si fonctionnait à l’inverse : ce n’est pas arrêter de fumer qui est compliqué mais continuer de fumer qui l’est en fait, à tout bien considérer. Une fois ce principe acquis, totu devient plus simple !
Le fait de dire, « écrire, c’est simple » me semble aller dans le même sens et est plus générateur d’enthousiasme et de vie que l’inverse. S’ouvrir des nouvelles portes plus que des condamner dés le départ, voilà qui est généreux et plein de bon sens. Merci pour ce texte, plus qu’enthousiasmant. «
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