[Dans le mufle des Vosges] 49. Dârou ! Dârou ! Vénet do mo so sac !

DÂROU ! DÂROU ! VÉNET DO MO SAC !

Comment la chasse d’un animal imaginaire a mis le feu aux poudres.

(temps de lecture : 5 minutes)

Joué / écrit le 18/02/2021

Le jeu principal utilisé : pas de jeu pour cette session

N.B. : Les personnages et les faits sont fictifs.

Le projet : Dans le mufle des Vosges, un roman-feuilleton Millevaux et une expédition d’exorcisme dans le terroir de l’apocalypse

Précision : ces feuilletons sont des premiers jets, donc beaucoup de coquilles demeurent. Merci pour votre compréhension.

Avertissement : contenu sensible (voir détail après l’image)

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Jay Cross, cc-by, sur flickr

Contenu sensible : violences et menaces sur enfant, mort d’enfant

Passage précédent :

48. Le carrefour de l’enfant Rollo
Les peines toutes simples sont les plus lourdes à porter. (temps de lecture : 7 minutes)

L’histoire :

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Tungunska, par The Wonders of Atomic Mutation, une pièce entre ambient drone, americana et dungeon synth qui vous transportera dans un hiver nucléaire de toute beauté.

Le Fleurance Jacopin donna une pichenette sur la grenouille posée sur la souche. Elle était complètement gelée, toute blanche à travers l’obscurité de la grasse-nuit. Tric, trac, il la fourra dans son sac. Il savait que le batracien était juste en stase et aurait dégelé au printemps s’il ne lui avait réservé un autre destin. Il plongea ses mains dans l’eau du Ru Migaille. C’était froid comme la mort, mais ça en valait la peine ! Il attrappait les grenouilles une par une, le ruisseau en était griboulu.

Çà gigota dans les buissons. Vingt rats, et si c’était le Couche Huit-Heures qui était après lui ?

La pêche avait assez duré. Il jeta son sac par-dessus son épaule et repartit vers les yourtes abandonnées de Champo dont les silhouettes se taillaient dans les ténèbres.

C’est là qu’une forme en robe sortit des fourrés comme un diable de sa boîte !

« Non, non, la Sœur Joseph, j’veux pas aller à l’école ! »

La religieuse le pogna et le poussa contre l’écorce d’un arbre avec violence.

« Je ne suis pas la Sœur Joseph, abruti ! »

L’apparition serra ses mains grêles sur le cou du gamin.

« Tu vas me causer où je t’étrangle comme tu le fais avec les chats ! »

Il hoqueta et lui fit signe qu’il ne pouvait pas causer, justement.

Alors la Sœur Marie-des-Eaux relâcha ses étreintes, elle reporta une de ses mains sur le front du mioche et de l’autre enfonça la lame de son opinel à l’intérieur de son oreille, à un fil de lui percer le timpan.

« T’as dit que l’enfant Rollo avait couru après les corbeaux avec son fusil à bouchon. Mais je me suis renseigné à la bonne adresse, figure-toi ! Et aucun enfant n’a suivi les corbeaux ce jour-là !
Alors tu vas me dire ce qui s’est vraiment passé !
– D’accord ! D’accord ! Mais m’enfoncez pas le surin dans l’oreille, si vous aimez le Vieux ! Je vais tout vous raconter ! »

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Vortex, par Wolvennest, un album de psyché-doom absolument fumeux et ritualiste, à la gloire de Shub-Niggurath et des gestes épiques de fin du monde.

Il était donc maintenant aux côtés du Fleurance, ce soir-là, cette noire-nuit là, au carrefour que désormais on n’appellerait plus autrement que le carrefour de l’Enfant Rollo.
Le novice n’en revenait toujours pas de cette capacité qu’il avait, comme beaucoup d’autres des amnésiques de ces régions, à pouvoir s’immerger de façon aussi réaliste dans tout récit du passé. Le Fleurance faisait plus que lui raconter. Il était caché dans les fougères putrides, à croupeton avec lui, à revivre ce moment.
Les arbres étaient penchés autour d’eux en concile resserré.
Au croisement des quatre chemins, l’enfant Rollo, la peau bleue mais bien vivant, un bâton dans une main et un sac dans l’autre.

Le Fleurance murmurait comme si les acteurs du passé risquaient de l’entendre :
« En fait cette nuit-là on l’a invité à chasser le Darou.
– Tu veux dire qu’il a été le dindon de la farce.
– Ben… Au début ça s’est passé comme prévu. On lui a dit de se poster là et qu’on rabattrait le darou sur lui. Mais bien sûr on s’est pas pointés. Sauf moi, j’me suis planqué là parce que je voulais voir sa tête.
– Et bien entendu le darou n’est pas venu non plus puisque c’est une farce.
– Et ben… »

L’enfant Rollo, tremblant de peur et de froid, répétait : « Dârou ! Dârou ! Vénet do mo so sac ! »

Le Fleurance Jacopin mit son index sur sa bouche, intimant le plus profond silence. Pour un gamin tueur de chat à moitié rapace, il faisait soudain preuve d’une saprée faroucherie.

C’est alors que la chose se traîna jusqu’au carrefour.

La Sœur Marie-des-Eaux crut d’abord à un loup, mais c’était plus grêle et ça avait deux pattes plus courtes que les autres. La beusse était vêtue en poil de cul ou en crin d’auroch, difficile à dire, en tout cas son pelage était répugnant. Elle avait une gueule plate garnie de chicots en désordre avec des yeux jaunes tout pisseux. Son grollement était long comme un tambour avec des accents de jubilation.

Les genoux de l’enfant Rollo battaient la mesure l’un contre l’autre.

« Dârou, Dârou…», fit-il en claquant des dents.

« Vénet do mo so sac ? »

D’un bond, le novice fut hors de leur cachette et taillait vers le monstre.

Mais c’était vindiou de trop tard !

Le dârou était déjà sur le gamin et l’avait caboulé. Il lui labourait les jambes avec ses griffes, lui fouaillait la gorge et la poitrine à coups de crocs.

C’est alors qu’un rire gras raisonna dans le fouillis des branches. On vit distinctement la silhouette de la Mère Truie.

« On se tire ! », boualla le Fleurance à plein poumons.

« On se tire ! »

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S/T, par Bardo Pond, la messe mescal-folk et psyché-drone la plus triste et la plus intronaute de tous les temps marquée par un chant féminin flottant au-dessus d’un océan de drogue.

« Gruiiiiikkkkk ! Père Soubise ! Viens me gratter le dos ! »

La Mère Truie se roulait dans sa soue, en attendant la venue de son dernier serviteur.

Distraite, elle engloutit un de ses porgrelets pour passer le temps. Ça croquait sous la dent et elle sentit l’afflux de pouvoir qui revenait en elle en même temps que la poche à merde de sa progéniture se crevait et répandait son jus dans sa gorge.

« Alors Père Soubise, c’est pour aujourd’hui ou pour demain ? Gruiiikkk ! »

« Le Père Soubise ne viendra pas. »

L’animal sortit le groin de son abri.

Dehors, Augure se tenait debout, sans peur.

« Comment oses-tu venir me menacer ? D’abord vous arrêtez de me servir d’espion, et maintenant tu viens empiéter sur mes plates-bandes ! »

« Je ne suis pas seule. »

Des croassements fusèrent de toutes les branches et ce que la truie avait d’abord pris pour des feuilles noires s’avérèrent être des corbeaux perchés. Des nuées.

« Qu’est-ce qui vous prend de me tenir tête ?
– Quelqu’un que tu connais bien a découvert la vérité pour l’enfant Rollo. Tu es allée trop loin, Mère Truie. »

Et la marée noire s’abattit tous becs dehors sur la folcoche.

Mais ces représailles survinrent trop tard.

Le Nônô Élie posa son fusil sur la table avec fracas. Tous les chasseurs du village l’entouraient, et cette fois, personne n’était masqué.

Leur chef était rouge comme une boule de Noël.

« On peut plus les laisser faire ces foutus corbeaux ! Ils ont conduit le petiot au loup ! Ça peut plus durer ! Je vous jure par le Vieux que tout ce que la terre contient de plomb va leur finir dans l’aile ! »

Lexique :

Le lexique est maintenant centralisé dans un article mis à jour à chaque épisode.

Décompte de mots (pour le récit) :
Pour cet épisode : 1264
Total : 88866

Système d’écriture

Retrouvez ici mon système d’écriture. Je le mets à jour au fur et à mesure.

Feuilles de personnages / Objectifs des PNJ :

Voir cet article

Épisode suivant :

50. Des nouvelles du Vatican
On attaque le dernier volet du roman avec un regard sur le journal intime de la Sœur Marie-des-Eaux et l’apparition inquiétante d’un nouveau protagoniste. (temps de lecture :  7 minutes)

3 commentaires sur “[Dans le mufle des Vosges] 49. Dârou ! Dârou ! Vénet do mo so sac !

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