Le jeu de rôle : un jeu, un art, une expérience

Au risque de remettre une pièce dans l’infatigable machine à produire des typologies de pratiques, je postule qu’on peut faire du jeu de rôle pour trois objectifs :

+ participer à un jeu
+ faire de l’art
+ vivre une expérience

Giuseppe Grici, cc-by-nc, sur flickr.com

Je suppose qu’on peut alterner les trois objectifs durant une partie, mais il y a sûrement un objectif prioritaire qui se dégage.

Je postule en revanche que toutes les participantes n’ont pas à partager le même objectif. Si la partie suit un design inclusif réussi, on peut envisager que des personnes cherchant pour certaines le jeu, pour d’autres de l’art, et pour les dernières une expérience vont toutes pouvoir trouver ce qu’elles cherchent en même temps.

Cela paraît évident que les définitions de jeu, d’art et d’expérience sont poreuses entre elles : cette distinction n’a lieu que pour dégager des grandes tendances, et par ailleurs le design inclusif a justement pour ambition de brouiller les frontières entre ces trois pratiques, tout comme au cinéma, la caméra en mouvement peut aider à réduire le fossé entre art expérience (cf. les théories de Rupert-Kruse enrichies de la pensée de Béla Balázs sur l’art et le cinéma), en jeu de rôle on peut observer ou créer les synergies suivantes :
+ une boucle création / réception esthétique forte couplée à une identification avec le personnage peut faire fusionner art et expérience.
+ une dimension ludique forte couplée à une interactivité élevée peuvent faire fusionner jeu et expérience.
+ une dimension ludique forte basée sur une forte intercréativité peut faire fusionner jeu et art.

En revanche, le design inclusif est loin d’être le graal de tout le monde. Je pense que certaines joueuses et certains game designers ou play designers préfèrent compartimenter ces pratiques. Les polémiques surviennent par ailleurs quand une base ou une pratique axée fortement sur une des trois facettes est prise pour une autre. Ainsi :
+ Certains jeux de rôles particulièrement intenses dans leurs thématiques (donc plutôt un jeu de rôle axé sur l’expérience) mériteraient de se démarquer du titre de jeu, car sinon les personnes attachées au jeu de rôle en tant que jeu vont trouver étonnant qu’on leur propose une telle pratique.
+ Les personnes attachées au jeu de rôle en tant qu’expérience apprécient une forte identification au personnage, elles auront du mal à accepter les jeux de rôles trop artistiques où le personnage n’est qu’un prétexte à la création collective, et pourraient même disqualifier cette pratique du titre de jeu de rôle, etc.

Pour aller plus loin :
Eugénie, Globo, Thomas Munier, Julien Pouard, Sandra, Pierre V., Plan des podcasts Atomistiques, sur Les Ateliers Imaginaires
Thomas Munier, le jeu de rôle n’est pas un jeu, sur Courants Alternatifs
kF, Play-design et théorie rôliste, sur Ristretto Revenants
Coralie David – Les systèmes de jeu de rôle : engager la créativité narrative et diégétique des joueuses –  conférence au Colloque Universitaire sur le jeu de rôle « Engagement et résistance », Villetaneuse, 2017

Pourquoi je ne parle plus de jeu, par Hoog, sur Electro-GN

Thomas Munier, Le jeu de rôle, un art total ?, sur Outsider