La marque et la sepsie

LA MARQUE ET LA SEPSIE

L’étrangeté des Balkans de Degenesis mêlée aux contreforts du mur de Verticales servent d’arrière-plan à l’aventure de trois personnages hauts en couleur. Un récit par Claude Féry.

(temps de lecture : 10 min)

Joué le 16/05/2020

Le jeu : Inflorenza, héroïsme, martyre et décadence dans l’enfer forestier de Millevaux

49434883722_b7c57d48d4_c.jpg
₡ґǘșϯγ Ɗᶏ Ⱪᶅṏⱳդ, cc-0

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).

L’histoire :

Nous jouons aujourd’hui la suite du cheminement de Liberté
Gabrielle joue Nabuchodonosor, un néolybien. Alex joue Liberté et Xavier joue aux Playmobil
Je joue Siobhan, un anabaptiste.

Voici le récit de notre partie. Bonne lecture !

Nano Inflorenza joué en mode carte rouge

Alex joue Liberté, chroniqueuse.

Je veux découvrir la signification du 24 apposé sous mon œil gauche.

Gabrielle joue Nabuchodonosor, néolybien.

Je veux me faire un nom à la faveur d’un coup d’éclat au cœur du pays corbeau afin de devenir Waziri.

Je joue Siobhan, un anabaptiste.

Je veux que mon âme connaisse la liberté que dispense Cathédrale.

52816941253_5e1615283d_b.jpg

Première instance

Siobhan :

La pluie imprègne tout. Les fougères ruissellent. Le froid et les eaux s’insinuent dans mes os.
Pourtant, la forêt m’est obscure, chaude presque hostile. Je voudrais tant que mon âme connaisse la liberté des lumières que dispense Cathédrale.
Depuis des jours, j’erre.
Je ne puis me résoudre à étancher ma soif à l’un de ces rus qui abondent. La souillure démoniaque se répand, traîtresse, partout sur ces pentes du Lamentaou.
La soif me taraude, ma faim ronge mes viscères et seule ma foi me dissuade de céder à la tentation.
Et soudain, au détour de la vague sente que je suis depuis le matin, s’impose une nouvelle épreuve.
Dans la lumière changeante des feuillages, un maître Chroniqueur chemine péniblement sur la sente.
C’est un signe.
Je trébuche, mon corps se refuse encore à se résoudre à l’effort que mon âme a aussitôt consenti.
Je dois affermir ma foi. Je dois aviver mon âme et me prosterner aux pieds de notre ennemi, même si malgré mon ignorance du monde, je sais qu’il est de ceux qui chérissent plus le souvenir des pêcheurs du temps jadis que de l’âme des vivants, de ceux qui nous ont dérobé notre sanctuaire.
Mon corps s’y résout toutefois, gémissant de douleur, alors que je ploie le genou dans la boue de la sente, tendant des mains implorantes.
« ô maître Chroniqueur auriez vous quelqu’chose de sain à boire et de bon à manger pour un pauvre ignorant comme moi ? »
Il me regarde, manifestement indécis.
Pressé d’emprunter la voie ardue de rédemption que m’a offerte le Vieux, et avisant le piteux état de sa houppelande, je lui offre les services de mon espadon et de mon bon calcinateur.
Il se contente de me relever en m’indiquant que je ne suis pas si ignorant que cela et qu’il a pu se débrouiller seul jusqu’alors. Mais néanmoins, il m’offre son outre sans réserve. Celle-ci contient une eau fraîche et revigorante.
Puis il me propose quelques lanières de viande séchée et du pain de noisette bien dur mais qui croque agréablement sous la dent.
Je suis confus. Même si en moi retentissent les sermons ressassés depuis les premières heures de ma formation, je m’attendais à moins d’égards de sa part, à trouver son contact froid et distant.
Il demeure silencieux, mais attentif et effectivement me semble étrangement bienveillant.
Ma foi est être trop faible pour que je puisse renoncer à affronter les épreuves qui jalonnent la voie de l’élévation de mon âme.

Siobhan, un anabaptiste.
Je veux que mon âme connaisse la liberté que dispense Cathédrale.
Ma foi est être trop faible pour que je puisse renoncer à affronter les épreuves qui jalonnent
la voie de l’élévation de mon âme.

52816941393_30a8781fe5_b.jpg
Gabrielle_joue_Nabu

Seconde instance

Nabuchodonosor :

Mon cheval caracole depuis longtemps sous les intempéries.
Depuis la lisière de la Doruba, ma précieuse monture, me porte au travers de ténébreuses forêts, en étroits cols, depuis l’immense steppe pour enfin traverser les forêts fractales qui marquent la frontière du pays corbeau. En nul lieu je n’ai trouvé l’opportunité de ramasser les dinars ou la gloire escomptés. Rien que de pauvre bougres. Et là, ô plaisante surprise, dans une clairière au détour d’une sente indistincte, je tombe sur un improbable duo.
Dans ma quête vers Purgare, cette rencontre est à coup sûr la plus énigmatique. Siobhan, un anabaptiste dont je ne connais pas encore le nom, est agenouillé auprès d’un Chroniqueur, une situation dont je ne peux m’empêcher de me moquer en me dévoilant à eux.
« Et bien donc, un anabaptiste aux pieds d’un vil Chroniqueur ! Ne t’ont-ils dérobé Cathédrale que pour que tu te soumettes plus volontiers à eux ? »
La discussion que j’ai ainsi négligemment amorcée, ne cesse de s’envenimer. L’ anabaptiste donne à son compagnon du « maître » et témoigne d’un comportement des plus qu’obséquieux à son égard.
Cette attitude servile et presque contre-nature m’enjoint à émettre quelques remarques frappées au sceau du bon sens. Je suis tellement amusé de la soumission dont témoigne le soldat du Vieux que ma verve naturelle me conduit à questionner l’archiviste sur le prix de son esclave. Mes remarques taquines achèvent de craqueler son vernis de civilisé. Ainsi est-il tant en rogne face à mes insultes qu’il arme son calcinateur pour tenter de m’impressionner. Alors, je m’approche de lui à vive allure, fusil en main. Il bombe le torse, m’envoie bien quelques piques et me bouscule même, mais renonce à m’affronter, contenu par son maître.
Ainsi je parviens à conclure un accord avec ces errants qui disent aller vers Cathédrale. Surtout grâce au Chroniqueur qui évite que cette rencontre soit trop violente. Nous avons établi un contrat, le Chroniqueur, son chien et moi, que foi de Tripolitain, j’honorerais ! Nous cheminerons jusqu’à Purgare afin que je puisse me rendre là où je l’entends tandis qu’ils auront franchi une étape vers Cathédrale. Si j’ai pu me faire là une compagnie, utile face au danger à défaut d’être agréable, cela me laisse pour le moins perplexe.

Nabuchodonosor, néolybien.
 Je veux me faire un nom à la faveur d’un coup d’éclat au cœur du pays corbeau afin de devenir Waziri.
 L éclat que je vise ne s’estime que par le temps que j’y dispenserai, or le temps c’est des dinars

52815933537_6875f1079b_o.jpg
Alex joue Liberté

Troisième instance

Liberté :

Nous marchons un moment. Le marchand d’esclaves nous accompagne, ainsi que mon étrange garde du corps. Je ne suis plus seule à errer sur cette montagne. Depuis que j’ai perdu la cordée et le lien avec la communauté de l’Essai, la piqûre ou la morsure de ce mille-patte bleu me lance.
J’ai le sentiment que ma joue enfle.
L’envie de me ménager une halte à la faveur de laquelle je pourrais me soulager de l’horrible démangeaison me hante.
Je la repousse toutefois de crainte de me révéler à mes compagnons d’infortune.
L’effort m’absorbe, me distrait.
Un temps, un temps seulement. Je parviens à oublier ma nouvelle compagne. Mais mon infortune ne cesse de se rappeler à moi. Tant et tant que j’en viens à gratter mon masque !
J’espère que l’anabaptiste n’a rien remarqué. Cela m’inquiète véritablement. Une voix en moi résonne qui me de me demande ce que pourrait être sa réaction s’il découvrait qui je suis ? Une femme sous cette armure !
Non je dois patienter jusqu’à ce que nous ménagions une halte pour la nuit. A la faveur de celle-ci, je pourrais…
Soudain, je perçois son regard qui pèse sur moi. Pas le regard hagard et fiévreux qui illuminait son visage maigre lorsque nous nous sommes rencontrés. Non, un regard qui soutient le mien au travers des lunettes de ma combinaison. Maintenant, son regard se fixe intensément sur ma joue gauche, celle-là même qui me démange.
Il s’approche, hésitant, puis hasarde :
« – Vous souffrez Maître ? Puis-je vous aider ? »
Non, non.
Je le détrompe, mais il ne semble pas convaincu.
Il hésite et me pose des questions, plus précises. Il évoque les dangers de la montagne et parle du venin des retorses araignées du schiste qui vouent leur proie à une mort certaine ou bien, pire encore, celui du scolopendre ou du mille-patte bleu qui ronge lentement l’esprit, l’âme de la proie, la vouant aux ténèbres de la souillure. Il est d’autant plus convaincant et inquiétant qu’il en est effectivement convaincu.
Puis il se risque à évoquer ses talents de cueilleur de simples, acquis dans les rangs de son peloton de Monos. Il était sous les ordres d’un vieux spitalier qui fit de lui un famulancier. Il désigne ma besace arrachée à la montagne, à la dépouille de spitalier. Il me dit qu’il en connaît les usages et que mieux que l’aconit, la fiole qu’il y trouve saura neutraliser le venin.
Je lui ordonne d’aller chercher de quoi nous nourrir dans la forêt, avec le marchand, pour me laisser le loisir de me soigner hors de leur vue.
Il dégrafe la sangle de son calcinateur et prend le soin de m’en expliquer les rudiments avant de donner l’ordre du départ à son compagnon. Puis il revient vers moi. Et me chuchote que les effets de la seringue sont puissants et qu’il convient de piquer au plus proche de la plaie.
Finalement, je m’y résous.
Nabuchodonosor part seul à la cueillette de pleurotes grises, tandis que Siobhan prépare son matériel.
J’hésite encore, tant je crains sa réaction. En ôtant mon masque, je rabat ma capuche sur mon visage, mais c’est puéril… J’ai ébouriffé ma chevelure pour dissimuler mon visage, mes yeux à son regard.
Mais il écarte mes cheveux. Il voit la marque, le 24.
Il bredouille alors : « vous êtes une élue », en passant le doigt sur ma marque, puis il désinfecte ma plaie, lentement méticuleusement en tremblant.
Il m’assure qu’il me protégera, que sa lame m’est acquise que je suis une élue.
La dose ne sera pas suffisante. Un caroncule se formera, ailleurs qui retiendra la sepsie.
Il me faut une autre dose.
Il sait où en trouver, plus loin dans la montagne, dans une cité du temps jadis, Mejgorié.
La douleur inonde mon corps tout entier puis reflue.
Nous mangeons des pleurotes et la nuit bienfaisante m’apaise un peu.
Le lendemain, un caroncule plein de sepsie s’est formé sur ma hanche gauche.

Alex joue Liberté, chroniqueuse.
 Je veux découvrir la signification du 24 apposé sous mon œil gauche.
 Un caroncule plein de sepsie s’est formé sur ma hanche gauche.

Quatrième instance

Siobhan :

Au matin, nous avons recouvré une partie de nos forces. Ma détermination s’est trouvée renforcée par mon étrange découverte. Je dois préserver cette élue.
Je propose au marchand de prendre par où il aura toute latitude de remplir ses fontes d’artefacts qu’il pourra revendre à Tripol pour son poids en dinars.
Nous quittons le creux de la forêt pour aborder un épaulement où nous découvrons un train de rouille frappé d’une étoile sur la motrice.
Derrière le train immobile la noirceur d’un tunnel nous observe.
J’enjoins Nabuchodonosor à formuler des vœux et à une stricte observance des versets qu’il me prêtait la veille.
Nos sommes désormais sous la protection du Vieux, maintenant que nous nous entrons dans les entrailles de Mejgorié.
Ma foi, qui m’a toujours guidé jusqu’alors suffira-t-elle à armer mon bras pour préserver l’élue ?
Trouverons-nous dans ces vestiges du temps jadis des remèdes à même d’endiguer l’emprise dont elle est victime ?
Pouvons-nous, la jeune femme et moi-même nous fier au marchand d’esclaves ?
Alors que je presse le pas vers la bouche sombre de ce royaume oublié du Vieux, j’ai plus de questions que de certitudes.
J’éprouve la même peur que celle qui m’étreignait lors de l’affreuse défaite que nos forces ont essuyée face à celle de l’Ankar.
Je tente de ne rien faire paraître au cavalier de Tripol.

Siobhan, un anabaptiste.
 Je veux que mon âme connaisse la liberté que dispense Cathédrale.
 Ma foi est être trop faible pour que je puisse renoncer à affronter les épreuves qui jalonnent la voie de l’élévation de mon âme.
 Ma seule foi suffira-t-elle à préserver l’élue ?

– Durée : 1 heure 20 minutes.
– absence de témoignage audio en raison d’une avarie technique.
– Nous avons joué avec le String quartet 2 de Morton Feldman dans les oreilles.

Commentaire de Thomas :

Un grand merci pour ce compte-rendu !

A. Voilà que vous jouez à Inflorenza ! Je ne m’y attendais plus ! 🙂

B. Ce n’est pas bien grave, mais je précise que lorsque vous avez créé vos personnages, vous avez omis de lier les phrases « je veux » entre elles. Cela peut entraîner le fait que les personnages jouent les uns à côtés des autres, leurs histoires n’étant pas corrélées. Mais bon, je vois que dès la deuxième instance, les personnages se rejoignent.

C. Dans quelle région du monde ce récit se passe-t-il ? Dans les Balkans ?

D. Comment s’est passé la partie ? Est-ce que le gameplay d’Inflorenza vous a apporté quelque chose ?

Claude :

B. Ce fut une entorse délibérée, que nous avions convenu de compenser par l’invitation d’Alex et Gabrielle dans mon instance. Gabrielle a préféré nous rejoindre ensuite.
C. Nous étions à Mejgorié, ville sur le versant oriental du Lamantaou dans l’Oural méridional.
D. Nous avons beaucoup discuté sur ce que nous voulions jouer en amont et quelle suite apporter à Verticales. Nous avons débattu à 4 avant que Xavier nous dise qu’il préférerais ne pas jouer. Le choix initial à 3 était de jouer la suite dans la continuité temporelle avec DégringoladeVerticales et les voix du passées limitant la créativité de Gabrielle et Alex ayant suffisamment flippé devant les Jenga. Compte tenu du temps disponible j’ai proposé que nous jouions avec Nano Inflorenza. Alex a accepté mais a souhaité que je sois joueuse.
Nous avons joué deux instances. J’ai joué la première en envisageant Siobhan comme un illuministe. Je suis allé au conflit très rapidement provoquant un conflit avec Nabuchodonosor que j’ai emporté d’une puissance. Second conflit entre nous et considérant que j’avais joué bourrin et laissé Alex sur la touche, nous avons recommencé.
Le jeu s’est alors déroulé de façon très fluide. Nos instances respectives se sont imbriquées naturellement. Les thèmes du théâtre Millevolodine ont résonné avec nos préoccupations.
Notamment pour Alex qui a apprécié le soutien à sa création.
J’ai tiré une carte de La Stèle au cœur des plaines que je n’ai pas encore eu le temps de mettre en jeu.
Nous avons tous  beaucoup apprécié la fiction qui a émergé ainsi que la légèreté et la solidité des mécaniques, leur souplesse.
Nous jouerons la suite à nos  mouvements de liberté dans la semaine, (département rouge pas d’école en présentiel pour eux et pour moi dix jours d’autorisation d’absence dans le cadre du plan de continuité).
Les phrases d’Inflorenza produisent des perles de souvenirs pour une éventuelle partie avec Dégringolade.
A. Nous avions joué à Inflorenza Minima avec Gabrielle, mais effectivement nous ne étions pas encore emparé d’Inflorenza.

Thomas :

D. Jouer le théâtre Millevolodine en y adjoignant La Stèle au cœur des Plaines, c’est forcément une combo gagnante 🙂

Un commentaire sur “La marque et la sepsie

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s