LA ROUTE DE KELP
La campagne multi-monde se poursuit avec une communauté d’enfants aux prises avec des désordres géographiques, climatiques et temporels, et une coalition de créatures insectoïdes. Un récit et un enregistrement par Claude Féry.
(temps de lecture : 6 mn)
Joué le 30/06/2019
Le jeu : Mantra Oniropunk, le vertige métaphysique du multivers par Quentin Bachelet, Nina François-Luccioni, Tanguy Mandias, Batronoban, Elsa Sulaiman
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LHG Creative Photography, cc-by-nc-nd
Episodes précédents de la campagne :
1. Ramasser la peau de leurs voix à l’ombre de leurs gestes.
Le prologue d’une campagne Millevaux Mantra Oniropunk jouée avec Sève et For the Queen !
Le contexte :
Cet après-midi nous avons enfin joué à Millevaux Mantra.
J’ai demandé aux deux joueuses, Alexane et Gabriel de créer des personnages tout en reprenant leurs personnages utilisés pour le prologue de la campagne.
Ils ont conservé leur idéal collectif « repousser les ombres », retenu comme objet respectivement un silex et un galet.
Gabriel a conservé son nom l’enfant divin et Alexane a adopté comme nom Née du désastre.
Gabriel a retenu comme déjà vu « j’ai embrasé les eaux », Alexane séchant, nous avons convenu qu’elle l’adoptera en
jeu.
Claude Féry, par courtoisie
Fiction :
Les deux enfants étaient membres d’une communauté, les littoraux, qui fuient l’Éternel Hiver. A bord de leurs pirogues, ils cabotent vers l’Été, en se nourrissant de phoques que drosse la mer. La violence croit au sein de la communauté à mesure qu’ils mangent des phoques. Leur physionomie évolue. Certains, sensibles aux cauchemars et aux pleurs des phoques se tournent vers le kelp, quittent le littoral et remontent le fleuve.
Ils trouvent du kelp dans la rivière, de l’amadou sur les berges et maintiennent à distance les lions du bois avec leurs lances à pointe de silex.
Si tous ont renoncé aux enseignements de l’Homme-Lion-de-Mer, et rejeté les os de phoques pour le silex froid comme l’Hiver qui s’échauffe comme l’Été quand on le taille, les enfants ont conservé l’effigie d’os de l’Homme-Lion-de-Mer pour les préserver de ce monde éternel, inconnu et hostile.
Maintenant tous les deux manient la lance et son propulseur avec habilité. Ils remontent le fleuve. Ils sont seuls désormais. Les autres ont bifurqués se sont installés ou sont morts.
A presque aube, L’enfant divin avise une grotte avec un affleurement de silex. Ils s’installent dans la grotte. Une rassurante odeur d’abeilles en émane. Née des astres adore le miel, elle rêvasse aux rayons qu’annonce l’odeur tandis que L’enfant divin dégage une pointe de lance en étoile.
Claude Féry, par courtoisie
Une autre odeur flotte dans l’air de la cavité qui les abrite des rayons ardents du soleil.
C’est presque nuit. Gavroche, La Procure et Tricorne voguent sur le canal qui mène aux bassins de rétention. Monsieur Moteur ronronne. Ils s’en viennent prendre leur tour de guet. La Révolution des Enfants touche au but. Les Versaillais, les Grands, les oppresseurs nourrissent les vers.
Les mouches pondent sur ceux encore debout. La menace des grands est écartée, mais les ogres prussiques entendent étendre leur emprise sur Parasite.
Les groupes de vigilance s’organisent et leur interdisent l’accès depuis les fortifs.
C’est leur mission ce soir. Tricorne est pressé d’en découdre. Alors qu’ils ne sont pas parvenu encore à leur point de vigie, il aperçoit un groupe qui se coule dans le marécage.Sans plus attendre, il chausse ses échasses et se lance à leur rencontre, fusil au clair de lune.
La Procure le suit sans entrain, inquiète.
Gavroche néglige les échasses et se coule parmi les joncs, maintenant la révolution à hauteur d’Homme.
Il s’enlise glisse et découvre, au pied d’un arbre un accès maçonné au ventre de Parasite.
Curieusement le lieux exhale une chaude odeur.
Alors qu’il s’apprête à s’en ouvrir à La Procure, il discerne un prussique qui menace son amie par derrière.
Tir tendu dans l’obscurité, il touche l’envahisseur horsain en pleine poire, non sans avoir craint de défigurer La Procure au passage, [(4 sur 4, repousser les ombres, son fusil, ils sont deux, (elle se baisse pour lui donner du champ)].
Elle se retourne pour s’assurer du cadavre et découvre qu’une massive créature pleine de mandibules se rue sur elle avec la ferme intention de la dévorer. Trop proche pour que son seul vieux fusil parle de raison, elle hurle la puissance de l’ours. Son hurlement se répand sur la tourbière et déstabilise la créature, ce qui lui suffit à ajuster son tir ; [une perle de conscience pour le déjà vu].
Elle déguerpit vers la barque avec son ami Gavroche. Elle voit que plusieurs autres créatures chitineuses se coulent vers eux depuis la roseraie.
Gavroche en abat une première de son fusil. [1 sur 3].Ils embarquent. Gavroche vide sa dernière cartouchière sèche pour alimenter le vorace Monsieur Moteur qui vrombit d’aise.
Mais d’autres créatures s’approchent menaçantes et se tiennent désormais entre leur embarcation leur hardi compagnon.
Alors, Gavroche plonge en lui-même, puise aux tréfonds de son âme une étincelle qui boute le feu à son souffle et embrase les eaux afin de les débarrasser des viles créatures chitineuses.
Les flammes en un instant consument les ajoncs et grillent les cancrelats immenses qui couinent leur désespoir.
Au loin, le pauvre Tricorne se consume tel un brandon révolutionnaire. [une perle de conscience pour le déjà vu et deux points de Karma pour la perte.]
Une goutte de bave se répand entre les genoux de Née des astres. L’odeur singulière est désormais manifeste. Une gueule béante et avide la menace. Une araignée des frondaisons se tient au plafond, juste au-dessus d’elle.
L’enfant divin tient fermement sa pointe de lance à peine achevée, en forme de d’éclat de lune et bondit vers le cou de la créature. Il l’enfonce, fouaille, fracasse la chitine, arrache les chairs, habité par une démentielle rage. [1 sur 3] Alors le sol tremble, un son suraigu assaille leurs oreilles //Samael, Née des astres et L’enfant divin sont dans le bosquet ardent. Celui-qui-détient-le-dit-des-Dieux les y a confinés. Autour d’eux, les saules forment un cercle consacré, noyé sous les cocons des sœurs tisseuses.
La nuit et la voracité emportera les plus faibles aux fonds de la fondrière.
Les élus reviendront porteurs de la lumière.
Autrefois, Celui-qui-détient-le-dit-des-Dieux leur a dit qu’il convenait d’adopter le parler des oiseaux légers, qui volent vers Été.
Alors, L’enfant divin plonge avec décision dans l’eau turbide. Puis il en émerge et convainc, non sans mal, Samael que la lumière se trouve sous les eaux, parmi les insectes qui grouillent dans la vase. Tous trois plongent.
Au dedans d’un cercle d’une obscurité intense ils discernent deux statues d’os, l’une à l’effigie de l’Homme-Lion-de-Mer, l’autre à celle d’un prodigieux volatile. [une perle de conscience, résolution de la réminiscence gain d’un déjà-vu]
L’enfant divin s’empare sans hésitation de celle à l’effigie du Lion, car ils sont désormais les Lions qui courent le monde, la rage au ventre, [déjà vu consommé pour résoudre les soubresauts de l’araignée ].
//
L’araignée gît sans vie, ses pattes piteusement repliées sur son abdomen.
Née des astres remarque un cocon parmi les autres suspendus à la voûte. Une main blême en émerge. Frénétiquement, elle déchire de sa lame de silex les soies et en extirpe //
// Le Tricorne recrache les eaux sales de la Seine avec peine. Ses lèvre son exsangues. Ses cheveux sont roussis. Sa peau est toute craquelée. Néanmoins, il a réchappé au carnage.
Claude Féry, par courtoisie
Commentaires de Thomas après lecture :
A. « Les deux enfants étaient membres d’une communauté, les littoraux, qui fuient l’Éternel
Hiver. A bord de leurs pirogues, ils cabotent vers l’Été, », j’aime beaucoup cette analogie d’une migration climatique vers une migration dans le temps, ça convient bien dans le registre mindfuck de Millevaux Mantra qui confond espaces et durées
B. Pour la petite info, j’ai tellement aimé le concept des Gavroches que je te l’ai emprunté pour en faire une communauté d’enfants dans Les Sentes 🙂
C. « La violence croit au sein de la communauté à mesure qu’ils mangent des phoques. Leur physionomie évolue. Certains, sensibles aux cauchemars et aux pleurs des phoques se tournent vers le kelp, quittent le littoral et remontent le fleuve. »
Très intéressant effet de l’égrégore, qu’on pourrait lier aux noirceurs qui adviennent à ceux qui tuent ou mangent des animaux dans Marchebranche, ou aux chocs mentaux pour ceux qui tuent des animaux dans Ecorce. Cela m’évoque aussi la transformation en morses dans le théâtre arctique « Moins Quarante » par Orlov pour Inflorenza.
D. Il y a donc des phoques et des lions en bordure de la rivière ? Le dérèglement géographique et climatique est total.
E. Que sont les ogres prussiques ? Des émanations de la Guerre franco-prussienne générées par l’égrégore ?
F. L’araignée des frondaisons est le monstre d’un des scénarios de Millevaux Sombre. Sympa de le retrouver ici 🙂
G. A quoi correspond le bosquet ardent dans ta campagne de Millevaux Mantra ?
H. Durant cette partie, pas vraiment de voyage entre les mondes parallèles comme ce qu’on pourrait attendre dans Millevaux Mantra. Est-ce que tu envisages plutôt ces voyages à l’échelle de la campagne ?
Claude Féry, par courtoisie