TACHES
Des caméras-hiboux, une corruption active de l’hôpital par la nature, des infirmiers avides de voyeurisme et de contention et des patients ultra-violents, voici le cocktail pour cette nouvelle session dans l’asile de Patient 13. Un récit et une partie enregistrée par Claude Féry.
(temps de lecture : 7 min ; temps d’écoute : 1h32)

La tache examinée par Lesly. Hermann Rorschach, domaine public.
Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).
Joué le 29/10/2020
Le jeu : Psy/Chose, par Melville, un hack de Psi/Run pour jouer dans l’univers de Patient 13.
Univers : la forêt de Millevaux
Le contexte :
La séance d’une durée d’une heure trente s’est déroulée sur deux instances. Nous avons exploré les questions des personnages. Xavier et Alex ont répondu à l’une de leurs six questions et moi à l’une de Bouton. La feuille de personnage de ce dernier était peu ou prou la feuille de route du Docteur.

feuille d’Alex

feuille de Bouton
L’histoire :
Aujourd’hui, c’est Lundi… Lesly rencontre le Supérieur Marche après une période éprouvante d’isolement. Elle choisit de ne rien céder, de lui opposer toute sa détermination. Elle professe un total détachement à l’égard des autres patients et déclare lutter activement pour ne pas devenir l’instrument de l’institution. Lors de l’examen de la planche elle évoque un être ailé avec deux antennes. Marche y perçoit la présence de Bouton, ce qu’elle dénie. Elle absorbe néanmoins deux gélules de Depresofan avant de rejoindre les douches, sur l’ordre de son clinicien. Sur le chemin, dans les escaliers, au premier palier, elle perçoit une présence. Elle remarque une caméra dont l’objectif la suit depuis les cintres plongés dans l’obscurité. Elle dépose une marque de Lumière Noire. L’objectif est désormais fondu au noir. Elle se glisse dans les douches, un lieu sordide et sale. Elle est inquiète. Elle inspecte minutieusement les lieux à l’affût d’une autre caméra indiscrète. Il y en une placée hors de sa portée. Elle se saisit du pain de savon crasseux qui gît au sol et le balance sur l’objectif…
29 d’Opprobre, Taches

première résolution d’Alex pour Lesly
première instance
Le savon s’est effrité sur la voûte sans endommager la caméra. Lesly s’est résolue à prendre sa douche sans ôter sa casaque de l’hôpital, parmi les insectes qui grouillent tout autour. Un patient agité a surgi. Pour lui apporter du savon, mais après l’avoir avec indignation sommé de quitter la douche des femmes, elle se ravise et hésitante lui demande de l’aider à atteindre l’objectif. Il la place sur ses épaules, c’est un grand gaillard, tout maigre et chancelante, vacillante, retenue par les mains qui servent de signe de ponctuation au pauvre bougre elle tente d’atteindre son but. Alors elle est prise de vertige. Les mains papillonnent sur ses chevilles, tentant de dire, mais en vain. Au-dessus d’elle se tient une chouette sans visage, un grand-duc chimérique, qui la contemple de face de néant et s’élève une mélopée, une plainte surgie du fond des âges, les pleurs des patients oubliés. Et la voix, la voix de son ami, Bouton.
Zéro est convoqué sans ménagement dans le bureau du Supérieur Marche. La blouse blanche, un colosse plus frustre que les autres le balance dans le siège de patient et rabat la sangle de maintien sans la serrer avant de quitter le bureau. Le Supérieur est en colère. Un patient a saboté l’installation de surveillance. Mais il a laissé des traces. Ses soupçons se portent alternativement sur Lesly et Zéro. Lesly a les mains liées aux accoudoirs. Mais ses pieds sont libres contrairement a ce dont est persuadé le Supérieur. Alors que les soupçons se resserrent sur le pauvre Zéro, elle hésite à faire un croc en jambe au vieux bonhomme, celui qui avoue l’avoir espionnée sous la douche, l’avoir vue avec le muet, tenter d’atteindre la caméra, mais les taches rouges laissées sur l’objectif le laissent perplexe et l’enjoignent à questionner 90, non Zéro !

seconde instance


Zéro selon Xavier
Alors, Zéro bondit de son siège, et sous le regard sidéré de Lesly poignarde à maintes reprises dans la gorge le Supérieur Marche. Ensuite, ensuite, les blouses blanches le précipitent dans une grotte, sous l’hôpital, pleine d’ombres et de racine. Zéro sait enfin à qui appartient le sang qui entache ses mains. Lesly est demeurée figée, sous les effets d’un puissant neuroleptique injecté dans sa fesse par le praticien plein d’aigreur avec en écho la voix de Bouton lui chuchotant dans le pavillon de l’oreille que Marche était probablement leur seul allié en dehors de Zed et de ses contre médications diffusées par La Procure.

Xavier joue Zéro

Alex joue Lesly
Tabou de Michèle Bokanovski a fourni le tapis sonore que nous avons exploré lors de la première instance. Armenia a signalé les incursions des voix de bizarrerie de Lesly, et Zeichnungen Des Patienten O.T., d’Einstürzende Neubauten, a peuplé la seconde instance.
Un grand merci pour cette très belle séance à Alex et Xavier !
Thomas :
Un grand merci pour ce retour Claude ! Chaude ambiance on dirait !
A. Vous avez joué avec le système de Psy/Chose plutôt que celui d’Inflorenza ? Ça avait l’air intéressant !
B. Quand vous dites que vous avez usé du pouvoir de revisitation (un synonyme millevalien de Technique de Luxton), ça veut dire que vous avez entièrement rejoué ce qui s’est passé la veille ? Peux-tu m’en dire plus ?

Zéro en action selon l’imaginaire de Xavier Féry
Claude :
A. Inflorenza est très adapté au théâtre que nous explorions mais j’avais envie que le Docteur de Patient 13 revienne, que Millevaux émerge de façon plus significative et que les deux joueuses s’investissent dans l’exploration active de la psyché de leurs personnages.
En outre, comme tu le remarques dans tes commentaires sur la séance du Vénérable, ma maîtrise d’Inflorenza est pour le moins perfectible.
Le programme était donc plutôt ambitieux.
Dans le bilan de Taches je reviens sur l’approche qu’implique le choix de Psy/Chose, (1h28m).

A. et B. Mes attentes étaient déraisonnables et ma présentation de Psy/Chose insuffisante.
Xavier et Alex ont joué toute l’après-midi en théâtre de l’esprit dans La Forêt aux Chimères et je pense étaient un peu fatigués au moment où la séance a débuté. Moi-même je l’étais. La fiction fut très sympathique, mais très loin de ce que j’avais envisagé.
L’ambiance était présente, (l’album d’Einstürzende y contribuant nettement), mais je n’ai pas su voir l’intérêt de maintenir un côté enfantin aux personnages de Lesly et Zéro.
Bêtement, au bilan j’ai dit que nous ne nous étions pas emparés suffisamment des mécaniques et nous avons conclu à une revisitation pour le lendemain.
Nous avons repris les personnages comme si nous n’avions pas joué la veille et Alex et Xavier ont revu leurs 6 questions.
Au bilan du 29 nous étions tous satisfaits de la revisitation.
Aujourd’hui après avoir achevé le montage de Taches, j’ai écouté des extraits du 28, et j’y trouve des choses très très chouettes.

I. Zéro est devenu le patient zéro et se trouve relégué dans le ventre de l’hôpital.
Je peux à ce stade lui proposer d’explorer Cimetière, l’infra monde du cadre La forêt aux Chimères conçu par Alex
Pour l’explorer je peux utiliser :
– Bois-Saule, si nous ne jouons qu’à deux, sans que Lesly intervienne de près ou de loin.
– Écorce version Écheveuille pour envisager ce lieu dans une tonalité à l’ancienne, avec une forte granularité.
– Inflorenza ou Inflorenza Minima pour envisager un merveilleux horrifique, un non lieu.
– Psy/Chose pour basculer du pseudo Psi*Run de la session jouée le 28, à L’hôpital et ses fantômes. De nombreux aspects de l’hôpital demeurent en suspens et des liens avec la partie jouée dans un Paris Millevaux à établir.
–Afi : sur les voies déchues pour l’envisager comme un non lieu, en empruntant à Descente, ou Millevaux Mantra et jouer la contagion des psychés.
À ce stade, avec la mesure de confinement, je ne sais pas dans quelle mesure nous pourrons poursuivre la campagne avec Alex.
À titre strictement personnel je serais tenté par une atmosphère sombre et désespérée dans le genre de Veins of the Earth ou d’enfin aborder ce que je garde sous le coude, un style d’errance homérique en vertige logique avec Odyssea et la relecture d’Homère d’Alessandro Barricco ou de Marie Richeux en tête.

E. Pour moi la scène de chasse aux pogrelets fut un moment particulièrement délectable.
La mécanique des Voies déchues a pleinement fonctionné.
A la manière de ton Millevaux Sombre qui envisage la dimension tactique au travers de la routine des marelles, le jeu d’Ur, mécanisme principal de résolution dans Les Voies déchues offrait à la fois les termes de résolution de la poursuite et du conflit en un seul regard.
La nasse de flammes de la fiction était représentée sur le plateau de jeu et les mouvements des pièces ont dicté l’issue.

D. Xavier prend beaucoup plus d’initiatives désormais et se trouve moins dépourvu lorsqu’il est placé en position d’auteur ou invité à jouer l’impact.
Pour lui notre campagne se poursuit souvent hors des sessions officielles. Rester passif est donc in envisageable.
À titre strictement personnel je serais tenté par une atmosphère sombre et désespérée dans le genre de Veins of the Earth ou d’enfin aborder ce que je garde sous le coude, un style d’errance homérique en vertige logique avec Odyssea et la relecture d’Homère d’Alessandro Barricco ou de Marie Richeux en tête.

Thomas :
Tout un programme ! Merci pour tes développements qui sont très intéressants

Claude :
Verdict de Xavier : Bois-Saule, et pour ma part j’ai retenu mon atmosphère sonore, Radio Inferno de F M Enheint, une création radiophonique en 34 tableaux.
Une thérapie, en 34 tableaux, non 34 journées ou nuits, pour un voyage, non une Descente en sept cercles.
Thomas :
34 journées, c’est un programme ambitieux !
J’ai écouté Taches ! Voici mes commentaires :
A. Cette blouse blanche est vraiment flippante 🙂
B. Xavier a l’air de prendre un plaisir fou à faire la voix off
C. Super scène où Zéro poignarde le supérieur
D. Intéressant la réflexion de Xavier sur le play to lose

Allez, on redevient sérieux et on continue de diffuser les récits de partie par la communauté ! Ce qui est intéressant avec celui-ci, c’est qu’il fourmille particulièrement de références à d’autres jeux, à des concepts, à des oeuvres… Beaucoup de fenêtres ouvertes…
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