SEULE EN FORÊT
Une expérience hors-normes au-delà du genre et de l’humanité, guidée par quelques principes créatifs pour vivre des destins croisés. Le récit d’un solo par Frédérique Lilas Da Silva.
(temps de lecture : 4 min)
(C) Holy Mane http://www.holymane.com
Joué le 28/11/2020
Le jeu : Héritage (jeu solo à deux personnages sur le thème du rêve et du métissage)
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Instruction : chaque personnage à droit à 10 entrée pour des scènes individuelles après quoi on se concentre sur des scènes collectives. Dans ce jeu on parle de sexe de manière explicite et des scènes d’incestes ou d’abus sexuels peuvent se produire.
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Traumavertissement : inceste, viol, violences parentales
Instructions additionnelles : Les personnages ne peuvent communiquer que dans leurs rêves. Si iels parviennent à se retrouver dans le monde physique, l’histoire prend fin. Si iels meurent, l’histoire prend fin. Si quelqu’un mange l’autre, l’histoire prend fin. Si quelqu’un pardonne à l’autre, l’histoire prend fin.
Inspiration : Quatorze d’Outre, tirée de L’Almanach, une compilation de 366 historiettes pour Millevaux
Fruits de la forêt
De l’emprise et de la peur
Horlas
Souillés, sublimes
Nouvelle chair
Créatures à fleur de pus
Monstrueux, humains
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Scène individuelles de la métis
1. Je ne suis pas née, j’ai poussé. J’ai poussé comme ces arbres qui s’étendent toujours un peu plus loin. Comme cette mousse qui corrode les choses en rêvant du vide à remplir qu’elle laissera. Je ne suis ni de la rive, ni du fossé, ni même de l’eau qui court ou de la flotte qui pourrit sous nos pieds. Non, je suis tout ça à la fois. Je suis le tout et le rien, le vide et le plein. Parce que je ne me reconnais dans rien et j’appartiens à tant de choses différentes. Je suis un monstre au sens littéral. Celui qui montre la voie et qui ne sait pas lui même ou il va.
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2. J’ai le sang noir, noir de cendre. Je l’ai remarqué la première fois quand je me suis lavée sous une cascade. Le sol était tranchant et je me suis entaillée les pieds en tentant de trouver l’équilibre. On aurait dit une éruption de terre noire qui jaillissait de l’intérieur du sol. Mais c’était de mon intérieur que cela provenait. J’ai pleuré en le réalisant et j’ai couru longtemps de peur que quelqu’un ne me découvre.
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3. Parfois j’aimerais étreindre quelqu’un. Tellement fort que mon cœur se fissurerait. Mais mes adelphes humains et horlas ne sauraient l’envisager. Iels ne voient en moi que la peur d’elleux-mêmes, que le reflet de l’autre. Alors je reste seule, en compagnie des arbres et des lucioles. Leurs lumières tendres et délicates me rassure.
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4. Je me suis prise d’amitié pour un rouge gorge avec de grosses taches vertes, je l’ai appelé Olive. C’est la teinte exacte du tronc qui m’a vu naître. Olive me suit partout. Peut être parce qu’il est seul lui aussi. Je me demande si les autres oiseaux lui disent bonjour parfois.
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6. Un jour ma mère m’a dit : « Tu n’es pas comme les autres » mais je n’ai pas compris ce qu’elle voulait dire par la. Puis plus tard j’ai vu de mes yeux l’un de mes amours brûlé par des humains et là j’ai compris. Oui, je ne suis pas comme les autres. J’ai longtemps pensé que je trouverais ma place chez les enfants de la forêt et des ruines mais je me trompais.
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7. Olive, mon rouge-gorge, discute avec moi souvent, je crois qu’il est amoureux. Il s’excite toujours quand le soleil se lève et chante à tue-tête. Il me redonne l’espoir en l’avenir, il est toujours tellement doux dans sa manière d’approcher les choses.
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8. J’aime bien me masturber dans les buissons d’orties, ça endort ma peau comme si des lianes de chairs m’entouraient. Quand je me sens triste et un peu ailleurs ça me redonne envie d’aimer les choses autour de moi.
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9. Il y a un songe qui me revient très souvent en ce moment. Un enfant dont les membres s’enfoncent dans la terre. Qui se plonge très loin dans le sol pour y trouver de l’eau sans jamais y parvenir. Je me réveille toujours avec une très grande soif quand mon sommeil se brise sous la force de cette image.
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10. Je ne sais pas pourquoi mais je ne cesse de penser à cet enfant et à vouloir rêver sans cesse pour le retrouver et observer ce qui lui arrive. Peut être est-ce juste la solitude ou peut être est-ce autre chose ?
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Scène individuelles de l’enfant
1. Ma maman me faisait des gâteaux à la cardamone quand j’étais plus jeune. Je réalise aujourd’hui que je n’ai jamais compris ou elle trouvait sa farine… C’était vraiment une magicienne quelque part.
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2. Cela fait déjà un moment que je n’arrive plus à dormir, pourtant mes paupières sont tellement lourdes… Qu’est-ce que je donnerais pas pour un bon dodo.
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3. J’ai trouvé une vieille toupie aujourd’hui, je l’ai appelé Hafida. Quand je m’ennuie, je la fais tourner dans tous les sens comme quand on dansait ensemble avec ma maman.
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4. Je crois que je me suis endormie. En plein cœur de la forêt des vélos immergés. Personne ne m’a fait du mal j’ai eu de la chance.
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5. Hafida m’aide à rêver. Je la fais tourner très fort et je ne tarde de pas à devenir comme du coton.
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6. Mes rêves me calment Je vois un oiseau couvert de tâches comme des champignons. Il me fait sourire avec ses petits bruits.
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7. L’eau a quelque chose, j’arrive pas à la boire. Elle coule dans la bouche comme un caillou bizarre. Je vais mourir de soif si je ne trouve pas à boire.
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8. J’ai gratté la terre avec mes mains nues jusqu’à les faire saigner. J’ai trop soif. Ma maman, je veux ma maman…
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9. Je sens la présence d’une personne. Je sais qu’elle est là, tout prêt. Je ne sais pas si elle me veut du bien ou du mal et ça m’inquiète un peu. Mais j’ai soif. Peut être qu’elle aura quelque chose à boire ?
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10. Dans mes rêves tout est chaud et beau. Et même quand c’est froid, cela reste doux. Je vais y rester un peu peut être, le temps de trouver mon chemin. Et il y a quelqu’un qui m’attend, ici, quelque part, alors je vais l’attendre aussi.
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C’est la dernière contribution de Frédérique Lilas à l’univers de Millevaux. A ma connaissance, elle ne fait plus de jeu de rôle. Vous avez pu profiter de toutes ces folles contributions à l’univers de Millevaux sous le pseudonyme d’Arjuna Khan. Je suis content qu’elles connaissent un peu de postérité ici.
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