Les trois mains de la porte

LES TROIS MAINS DE LA PORTE

Une partie de Mycorhizes à trois personnes pour une convergence de mort et de spiritualité. Un rapport par Damien Lagauzère.

(temps de lecture : 20 min)

Joué en ligne en textuel, en septembre 2019

Le jeu : Mycorhizes, jeu de rôle textuel (SMS ou réseaux sociaux) à deux dans l’univers de Millevaux

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Andrea Kirkby, cc-by-sa

Prémisses :

    Je propose une partie d’une dizaine de message avec maximum un message par jour. Pas la peine de se mettre la pression pour répondre du tac au tac. Vaut mieux, je pense, se laisser aussi le temps de la réflexion. On peut répondre dans l’immédiateté et se rendre compte quelques heures qu’on vient d’avoir une idée géniale mais qu’il est trop tard. Donc, je propose qu’on prenne son temps. En plus, en ce qui me concerne, je n’exclues pas de jouer l’errance de mon personnage avec Bois-Saule.

    Je pense qu’on peut comprendre le principe des Mycorhizes de différentes façon. Toutefois, je vous propose de considérer que ces Mycorhizes qui se trouvent sur les arbres, d’une certaine façon, « captent » les pensées de certaines personnes et les « redistribuent » sous forme d’ondes électriques que d’autres reçoivent et traduisent en mots.
    Ainsi, nos messages peuvent contenir une communication directement adressée à un autre personnage (en espérant que celui-ci passe à proximité d’un arbre et capte l’onde) mais aussi seulement les « pensées » du personnage, soit une description de ses actions ou de ce qui se passe autour de lui (action du décor).

    On décrit les actions de son personnage, pas de celui des autres.
    Quand on décrit l’environnement, on peut confronter son personnage à un problème (une question difficile) voire à un réel danger (monstre…). Si on décrit notre personnage s’en sortant avec trop de facilité, les autres ont la possibilité de nous répondre en nous infligeant une conséquence négative. Par exemple : certes mon personnage a battu ce horla dans la grotte mais… est-ce que cette petite plaie sur mon bras n’est pas en train de s’infecter ou bien n’ai-je pas perdu un objet précieux dans la lutte ?

    Nos messages peuvent contenir une description des actions de notre personnage ET/OU une description de ce qui se passe autour de nous (les autres captent les pensées) ET/OU une communication (le personnage s’adresse aux autres). Pour distinguer les pensées du message consciemment et volontairement transmis, le texte de la communication est placé entre 2 ll.

    Si un message devait contenir quelque chose qui vraiment ne nous convient pas, on peut le réécrire avec l’option « Revisitation ». Il s’agit de commencer son message par le mot « Revisitation » et de le faire par la version du message qui nous convient mieux. Ensuite, on enchaîne avec notre propre message. Dans l’histoire cela peut se justifier par une action étrange de l’Emprise ou de l’Égrégore qui auraient modifié la réalité ou altéré les perceptions de l’un ou l’autre des personnages, d’où la différence de message.

    Sans jouer le rôle de MJ les uns pour les autres, je propose qu’on puisse éventuellement mettre les autres personnages en « difficulté » ou en tout cas les confronter à des situations qui nous paraissent intéressante en leur posant la question. Exemple : ll Je crois que tu es passé près d’une zone avec des grottes. As-tu rencontré des ours ? ll Là, le joueur peut rebondir, répondre que oui et expliquer comment il a vaincu ses ours. Et s’il s’en est sorti un peu trop facilement, les autres pourront lui imposer une conséquence négative. ll Certes, tu as tué cet ours mais… tu as perdu beaucoup de temps. Il va falloir courir si tu veux être à l’heure à notre rendez-vous… ll

    Concernant l’action du décor et des figurants, la règle dit « Au cours de cette phase, tu dois amener une situation dangereuse pour l’autre personnage ou lui poser une question gênante. » Peut-être peut-on considérer que nos personnages, pour des raisons inconnues et peut-être à découvrir sont liés plus profondément qu’on ne pourrait le penser par les Mycorhizes. Aussi, peut-être qu’il peut aussi nous arriver d’avoir des visions, des flashs, de ce qui peut leur arriver. Mais, ces flashs décrivent-ils le passé, le présent ou l’avenir ? Ça, on ne le sait pas. Il faudra le demander au personnage concerné.

Mon personnage s’appelle NoAnde. C’est l’ancien shaman du Clan des Arbres. Il est devenu fou après que son peuple fut exterminé par des fanatiques religieux. Dans sa fuite, il a vécu une expérience des plus traumatisantes au terme de laquelle il a voué son âme à Shub-Niggurath. NoAnde est fou, au point qu’il ne sait plus si la tête de sanglier qu’il a sur les épaules est un masque ou sa véritable tête. Il cherche le point de jonction car il est convaincu qu’il s’agit d’un portail vers un autre monde qu’il veut contaminer avec la pestilence de Shub-Niggurath et Millevaux.

    Maintenant, à nous de nous mettre d’accord sur la durée, la fréquence, le lieux et l’heure de la jonction. Y trouvera-t-on ce que nous sommes venus y chercher ? On verra bien…

XxXxX

NoAnde :   

Voici le premier jour des dix derniers jours. Dans dix jours exactement, je serai à la Porte. La Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux me l’a dit. Dans dix jours, je pourrai passer de l’autre côté. Et avec moi, j’apporterai la Mauvaise Mère,  la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux. Ce sera mon cadeau à cette nouvelle Terre.
    La nuit est brune. Je sors tout juste des Forêts Limbiques où la Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux m’a délivré son message, m’a confié ma mission. Je ne sais ni où je suis, ni quand je suis. Je me rappelle ces hommes tuant méthodiquement et avec acharnement ceux de mon clan. Je me rappelle ma chute et mon errance sous terre. Je me rappelle avoir vu et subi l’influence de la Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux. Je me rappelle avoir accepté mon sort et mon destin. Et puis… Et puis…
    Il n’y a aucun bruit ici et cela ne me rassure pas. L’air est saturé d’Égrégore. C’est certainement cela qui a chassé toute vie. Ou plutôt, qui a chassé toute vie capable de s’enfuir. Les arbres, eux, sont toujours là. Avant, ils me parlaient et je rapportais leurs mots à ceux de mon clan. Aujourd’hui, voudront-ils encore me parler ? Je m’approche de l’un d’eux, un vieux Noyer. Je lève le bras et me saisis d’une branche et je sens. Je les sens. Deux présences. Leurs pensées me restent incompréhensibles pour le moment mais je sais qu’elles sont là quelque part et qu’elles aussi sont en route pour la Porte. Qui sont ces présences ? Qui êtes-vous ? M’entendez-vous ? Parlez-moi !
    Et dans la nuit brune la lumière se fait. La lumière de la Révélation…

    ll Entendez-moi ! Nous sommes liés ! Nous devons nous retrouver à la Porte. Nous avons dix jours. Pas un de moins, pas un de plus. Je me nomme NoAnde. Et vous ? ll

    J’espère que ces deux « présences » ne verront pas les images qui défilent maintenant dans ma tête. La grotte souterraine, celle où j’ai été traqué par ce monstre, ce Horla ? Là où pour sauver ma vie j’ai voué allégeance à la Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux. Et pour me récompenser, elle a fait de moi ce que je suis. Elle m’a  fait perdre la tête et elle m’a fait perdre la vie…

    ll Hey, vous deux ? J’espère que vous n’avez pas vu ça ! Sinon… ll

Z :

Voici le premier jour des dix derniers jours. Dans dix jours exactement, je serai à la Porte. Dans dix jours, je pourrai passer de l’autre côté. Je ne sais pas qui me l’a dit, mais j’y crois, je suis certain qu’il s’agit de la vérité. Je ne sais par contre pas quelle est ma mission… Quoique. Ma mission principale est la suivante : survivre. Survivre dans cet environnement hostile. Survivre de ma maladie. Car, oui, tout ce que je sais de moi, c’est que je suis malade. Aucun souvenir sur mon prénom, mon nom, mon statut, mon origine, mon passé dans son entièreté… Je me sens vide, je me sens seul. J’ai perdu la notion du temps, mes repères géographiques. Je suis perdu… Mais j’ai envie de me battre jusqu’au bout. De rejoindre cette porte et de pouvoir mourir en paix à cause de ma maladie qui me ronge un peu plus chaque seconde.
Je m’approche d’un arbre, je m’y adosse, ferme les yeux, soupire, puis glisse le long du tronc pour me retrouver assis, toujours dos à l’arbre. Je soupire une seconde fois, exténué par ma marche de la journée… Et alors que je suis en train de me blottir dans les bras de Morphée, une voix arrive gentiment à mes oreilles… Ou à mon esprit. Je fronce légèrement les sourcils et tente de me concentrer davantage malgré ma fatigue. Au fil des mots, je me sens de plus en plus confus. Qui est-ce ? S’adresse-t-il vraiment à moi ? Ou alors… S’agit-il simplement de mon imagination qui me joue des tours ?
Malgré ça, je ne peux m’empêcher de ressasser ces paroles… Liés ? La fameuse porte ? Dix jours… Trop d’aspects coïncident. C’est vraiment très étrange. Ensuite, son prénom résonne dans ma tête. NoAnde. Et… Il espère qu’on n’a pas vu quoi ? Et sinon quoi ?!
Mon pouls s’accélère… J’ai peur, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je suis ensuite sujet d’une quinte de toux qui me fait perdre ma concentration et donc ce contact avec l’étranger… Je me rattrape pourtant rapidement.
– Hey !! Moi c’est… Moi c’est…
Quel est mon prénom déjà ?… Mince ! Pourtant, je me souviens de la première lettre, heureusement!
    • Je… Appelle-moi « Z »… Qu’est-ce qu’on ne devait pas voir ?

Sans-nom a écrit :

Voici le premier jour des dix derniers jours. Dans 10 jours exactement, je serai à la porte.
La forêt communique et je la ressens, moi, son humble serviteur. Nous ne faisons qu’un, une union parfaite et puissante !
C’est d’ailleurs elle qui me l’a demandé : la protéger coûte que coûte. Des intrus, dans MA forêt ! Que veulent donc ces envahisseurs ?
Je redoute mon arrivée à la porte, aurai-je le temps de remplir ma mission ?

Blotti au creux d’un arbre, mon corps vibre et mes sens sont en éveil : encore une autre voix…
Ces êtres ne me paraissent pas hostiles, mais ce sont justement les plus sournois.

ll Mon identité vous importe peu. Que souhaites-tu cacher à ma forêt, NoAnde ? ll

L’engourdissement me prend, je lutte, me remue un peu, mais mon esprit s’embrume. Qu’étais-je donc en train de faire ?

   
NoAnde :

ll Moi ? Je n’ai rien à cacher bien sûr ! Là n’est pas la question. Et tu peux parler, toi qui ne veut même pas dire ton nom. Mais peu importe. Si tu m’entends, le malade, décris-moi tes symptômes. J’étais le shaman du Clan des Arbres avant et je peux peut-être quelque chose pour toi. Et puis, vous deux, dites-moi aussi où vous êtes. Nous ne sommes peut-être pas si éloignés les uns des autres. ll
    Et c’est tremblant, appuyé à un arbre, que je capte et réponds à ces messages. Je viens à peine de ressortir de cet ancien château. Il fait nuit et il y a toujours ce quelque chose de bizarre dans l’air. Je sens très fortement la présence de la Mauvaise Mère. Je pense que ce lieu est chargé d’Égrégore. Moi, cela ne m’inquiète pas mais, pour d’autres, ça peut être synonyme de danger. Le château d’eau, l’intérieur était envahi par des cafards, des cloportes et autres insectes rampants. Il y en avait partout. Mais je devais aller plus en avant car quelque chose m’attendait, au fond. Je devais aller au delà du dégoût que m’inspiraient ces insectes. Là, je le savais, il y avait du Pétrol’Magie ! Je devais le prendre. Mais ces insectes m’en empêchaient. Pas parce qu’ils sont hostiles ou dangereux. Parce qu’ils sont… repoussants ! J’y suis parvenu évidemment. J’ai surmonté le dégoût. Mais maintenant, tout le monde va savoir que pour me fondre parmi les rampants, j’ai dû devenir moi-même un rampant, devenir moi-même un cafard, un cloporte… Je suis repoussant, encore plus qu’avant…

Z :

J’entends une seconde voix ! Nous sommes donc trois ? Ou même peut-être plus… Je sens une vague d’espoir s’emparer de tout mon être ! Je me colle davantage contre le tronc, de peur de perdre le contact si précieux !
-Je… J’ai mal, j’ai froid. Mais mes poumons me font le plus souffrir. Je peine à respirer et le moindre effort m’est extrêmement désagréable… D’ailleurs, lorsque je force mon organisme un peu plus que ce qu’il ne faudrait, je suis pris de quintes de toux plus ou moins violentes… Comment pourrais-tu éventuellement m’aider ?…
En réalité… Cette idée ne me paraît pas vraiment réalisable… J’ai peur de ce que je pourrais avoir. Et la simple idée de me battre pour sortir d’ici, pour survivre, est toujours désillusionnée lorsque j’ai autant mal et que j’ai l’impression que ma vie me quitte petit à petit… Je reprends pourtant la « parole » pour répondre à sa question.
– Je crois que je me trouve dans une zone avec quelques cerisiers en fleurs… Mais je ne connais pas cet endroit. Il est peut-être plus vaste qu’on ne le pense…
Je finis par ouvrir les yeux pour contempler l’environnement qui m’entoure. Mais la nuit est déjà bien tombée et j’ai du mal à distinguer les formes autour de moi. La peur s’empare à nouveau de moi et je me mets à frissonner sans arrêt. Je reporte mes jambes contre moi et referme les yeux pour revenir prendre ce précieux contact avec les deux autres.
– Je ne sais pas quoi faire… J’ai tellement peur. Qu’est-ce qu’on doit faire ? Savez-vous où est cette fameuse porte ?…
Je sens des larmes couler le long de mes joues. Par pitié, faite que ce cauchemar cesse !…


Sans-nom a écrit :

Enfin, je gagne la lutte pour récupérer mes sens. Je suis bien trop proche de cette nature, et l’égrégore me submerge.
Un vent de panique m’envahit alors : – Forêt ! Laisse-moi accomplir ma mission, et arrête d’encombrer ma voie ! ». Je sais que mes cris se perdront dans l’immensité du lieu, et ma supplication restera vaine.
Que le Shub-Niggurath m’en soit témoin, je suis son émissaire, son allié. Il lui faut des yeux et des oreilles parmi ses présences indésirables.

ll Dis moi, NoAnde, tu es bien sur tes gardes pour quelqu’un qui ne cache rien… N’as-tu pas peur que la forêt te punisse si tu omets la vérité ? Prends garde aux racines. ll

Il ne m’inspire pas le moins du monde. Mon esprit ne sera pas en paix tant qu’il ne se sera pas dévoilé. J’arrive, Shaman…

ll Z, sois prudente. Cette terre peut t’offrir le meilleur comme pour le pire. Sache qu’ici, tout peut basculer en un rien de temps alors fais très attention à ce que tu approches. Un être dans ces bois peut t’être utile, on dit que les Ramedjeru, des belettes aux allures de serpents, peuvent guérir tous les maux. ll Son angoisse est palpable et me parvient, j’ai de la peine pour cette personne. À moins qu’elle ne cache son jeu, elle me semble juste perdue.

J’écarte les feuillages de mon arbre tatoué et j’observe. Le monde sous mes pieds est rempli de ronces, mais elles ne me font pas peur.
Je me laisse glisser le long du tronc pour en descendre, il est temps que je me mette en route.

   
NoAnde :

Bah ! Pas besoin d’avoir quelque chose à cacher pour être prudent ! Qu’est-ce qui n’est pas dangereux ici ? Je vous le demande ? D’ailleurs…

    ll Tu sais ? Nul besoin d’avoir quelque chose à cacher pour être sur ses gardes. Même en tant qu’ancien shaman, je sais bien que la forêt recèle bien des dangers. D’ailleurs, certains d’entre eux m’ont l’air de t’être bien familiers. Ne seraient-ils pas tes amis ? Ne serais-tu pas l’amie des Horlas? ll

    Raaah ! Que ces provocations sont vaines. Je suis en train de me laisser détourner de mon but. Je ne dois pas oublier la Porte. La Porte et Shub-Niggurath. Et cette Z, dans quel état est-elle ?

    ll Dis-moi, comment tu te sens ? Tu as parlé de cerisiers. Y en a-t-il toujours autour de toi ? Nous ne sommes peut-être pas si éloignés que ça l’un de l’autre. Si tu as besoin d’aide… En tout cas, si tu veux atteindre le Portail rapidement, je te conseille de marcher vers l’Est. ll

Z :

Je hoche la tête lorsque l’une des voix me dit de rester prudente et je me recroqueville un peu plus sur moi-même. Cette voix est chaude, douce, rassurante… Elle me donne le courage et l’envie de me battre.
Je hoche une seconde fois la tête lorsqu’elle me parle de ces animaux fabuleux, prête à aller découvrir davantage le monde pour avoir une chance de trouver et, ainsi, d’augmenter mes chances de guérir.
L’autre voix parvient ensuite à mes oreilles et je décide de répondre.
– J’ai mal et je suis épuisée… Mais il faut que je trouve un Ramedjeru. Je vais me remettre en route, vers l’est, marcher quelques heures. Je verrai bien jusqu’où je peux aller avant que je m’arrête pour faire une pause, pour reposer mes jambes. Et oui, il y a encore quelques cerisiers là où je me trouve. Je vais marcher quelques temps vers l’est et je vous redirai ce qu’il s’y trouve. À plus tard…
J’ouvre les yeux et soupire avant de me lever en grognant un peu. Mes jambes me font encore mal, mais il faut y aller. Je n’ai pas le choix. Alors, en repensant aux sages paroles des deux individus, je me gonfle de courage et reprends la marche.

   
NoAnde :

Je poursuis mon chemin. Mes pas me mènent jusqu’à des marais. Il fait presque nuit et il règne un silence absolu. J’y vois le signe de l’influence d’un Horla. Je me méfie. Je continue ma route. Je n’ose pas m’arrêter. Prendre un peu de repos serait risquer de m’endormir. Et là, je serais une proie des plus faciles. Alors, j’avance. Je suis fatigué mais j’avance. Je veux quitter cette zone au plus vite. Je m’enfonce au cœur du marais. Je ne veux pas perdre de temps à essayer de le contourner. Je préfère tracer ma route tout droit, quitte à me retrouver en plein cœur de cette région. Le danger est plus grand mais j’y serai exposé moins longtemps. Autour de moi, à mesure que je m’enfonce dans les marécages, jusqu’aux chevilles puis jusqu’au genoux, je vois les plantes autour de moi changer de forme. Plus j’approche du cœur du marais et plus elles sont marquées par l’influence de Shub-Niggurath. J’ai renoncé à la raison et même à la vie. Je me suis voué à la Mauvaise Mère, à la Chèvre Noire. Et pourtant, je la crains toujours. Pour autant, je me rapproche de ma destination. Là, non seulement je trouverai cette porte mais j’y trouverai aussi ces deux autres voyageurs. Eux aussi doivent se rendre à la Porte. L’un d’entre eux pense y trouver un remède à son mal. L’autre a l’air d’avoir une mission envers la forêt. Ça fait un bon moment que je n’ai plus de leurs nouvelles. Je m’approche d’un arbre et pense aussi fort que je le peux :

    ll Hé ! Vous deux ! Vous êtes toujours là ? Que devenez-vous ? J’approche de la Porte. Et vous ? Comment se passe votre voyage ? Et toi, l’amie, ta santé ? Tu te sens mieux ? ll

    Je pose la question mais je sais que sa santé décline. Je le sens. De toutes façons, comment ne pas décliner dans cette forêt ? Tout décline. La vie n’est qu’un lent déclin vers la mort. La maladie est un voyage plus rapide vers cette dernière. Finalement, la forêt n’est peut-être rien d’autre que la vie en plus rapide ? Même si parfois la route paraît longue.

    J’approche du cœur du marais. Il n’y a toujours aucun bruit mais je vois une lueur dans la brume. Je distingue une silhouette également. Elle est maigre et tremblante. La lueur, comme la vie, semble la quitter. La silhouette tombe à genoux dans la boue et la lueur qui était en elle se jette elle aussi dans la boue. Il n’y a toujours aucun bruit. Pourtant, on s’agite sous l’eau. Émerge alors ce que je sais être un nouveau Horla. Issu du mariage de la lueur, du cadavre et de la boue, le nouveau maître des lieux est prêt à prendre possession de son domaine. J’en ai assez vu.

    Je m’éloigne, d’abord à pas lents, prudemment, puis je me mets à courir. Je ne m’arrête pour reprendre mon souffle qu’une fois certain d’être sorti du marais. Je crois entendre une voix… dans ma tête ou derrière ?


Sans-nom a écrit :

Comme il me semblait, j’ai passé la zone de ronces sans la moindre égratignure… Mais je ne sais pas combien de temps s’est écoulé. Mes phases d’oubli se font de plus en plus fortes, et je me fatigue vite. Au fond de mon esprit à résonné la voix du Shaman, mais j’étais trop épuisé que pour répondre. Je me force néanmoins à enregistrer ses paroles, il me faudra lui répondre plus tard.

Me voici face à une nouvelle zone, des ruines. Un cimetière, je crois. La contourner me prendrait tellement de temps…Assez pour rater mon rendez-vous avec les intrus et je ne peux me le permettre ! Alors, pas le choix. Je caresse une dernière fois les plantes avant de m’engouffrer dans ce terrain sans vie.
Je suis complètement perdu dans cet immense lieu. Les ombres me survolent sans cesse, et je n’ai aucune nature auprès de laquelle tirer un peu de force et de courage… Cet éloignement me fait du mal, je suis seul pour lutter contre le mal de cette terre.

Une voix me sort de ma torpeur, c’est Z. Je me surprends alors à être content de sa détermination : -Quel imbécile, tu n’es pas là pour te réjouir ! Allez, concentre-toi un peu… Je me secoue vivement et reprends ma marche éreintante.

La fatigue me reprend alors que le mal rode, je le sens… les kilomètres se ressemblent et je ne vois pas le bout. Bientôt, je vais craquer. Mon pied se prend dans les restes d’une tombe et je m’écroule. L’égrégore est là, et je n’ai rien pour m’aider. Je lutte, mais c’est plus fort que moi, je sombre alors dans le néant…

Une Voix ? Oh, ce shaman… J’ouvre doucement les yeux et prends conscience de mon état. Je fais peine à voir, écroulé dans le sable et la poussière. Je me force pour retrouver mes esprits et répondre à tous ces messages que j’ai ignorés :

II Shaman, n’oublie jamais que les horlas vivent à travers chacune de nos peurs. Ils n’ont pas d’amis ! Ne confonds jamais la camaraderie avec une alliance, et je vous transmets la seule chose nécessaire. À savoir, de trouver cet animal pour aider Z. Il me semble qu’elle a besoin de toi, non ?
Je suis tout proche de ta position, je t’entends tellement distinctement…
Z, continues ainsi et la forêt sera ton guide. II

Assis au milieu de ce cimetière et pour la première fois, je commence à craindre cette expérience.

Z :

Chaque pas me blesse les pieds. Chaque pas me fatigue un peu plus. Chaque respiration devient de plus en plus douloureuse… Je gémis, fais un pas de plus, puis un autre, puis… Je m’écroule à genoux dans la boue… Mes oreilles se mettent à siffler. Je prends ma tête entre mes mains, hurle de douleur, me recroqueville sur moi-même… Et je pleure. Le souffle commence sérieusement à me manquer, mes forces me quittent… L’angoisse s’empare de tout mon être, ne faisant qu’aggraver la situation. J’entends finalement les voix des deux autres, mais je n’ai pas la force de leur répondre. J’ai mal. Je suis éreintée. Je n’en peux plus. Je ne peux plus supporter cela… Mes paupières, lourdes, se ferment, je me mets à tousser encore et encore… Le souffle me manque. Je suffoque. Je tente de le reprendre, en vain. Je sombre dans les néants de l’inconscience…


Sans-nom a écrit :

Je ne sais combien de temps je suis resté dans cet état de torpeur, assis dans les crasses à regarder dans le vide. Me suis-je endormi ? Suis-je d’ailleurs toujours au même endroit ? Pas moyen de récupérer la notion du temps.
Ça fait longtemps que je n’entends plus personne, c’est étrange.
Je dois vite retrouver de la verdure, elle pourra me dire, me faire sentir ce qu’il en est deux.

Ma décision prise, je me lève et observe. La fatigue est tellement intense qu’elle me bouffe, je vois flou. Quoi qu’il en soit, je dois continuer.

La reprise de la marche est tellement épuisante ! Qu’importe, je continue à placer un pied devant l’autre.

Les heures passent, et je crois voir enfin une zone plus familière…

Z! Je reconnais sa voix, mais pourquoi ce hurlement ?

Attendez… Était il dans ma tête ou l’ai-je vraiment entendu…?

   
NoAnde :

ll Oui, tu as bien entendu. Et notre ami va mal. Mais je ne suis pas inquiet. En effet, je viens d’arriver à la Porte et il sera guéri. Ça ne ressemble pas du tout à ce que je croyais. Laissez-moi vous décrire cet endroit. Vous allez bientôt arriver là où trois arbres forment un triangle. Leurs troncs sont reliés par une sorte de voile aux reflets iridescents. Au centre, il y a une femme assise en tailleur. C’est elle la Porte. C’est elle que nous devrons traverser pour quitter cette forêt. C’est elle que tu devras traverser pour être guéri. Elle a les yeux fermés. Je ne sais pas si elle dort ou si elle médite. Son ventre est gros. Il y a quelque chose qui bouge dedans. Ça grouille. Pour l’instant, je reste à l’écart. Je vous attends. Ll

Z :

Je m’éveille enfin… Combien d’heures se sont écoulées? Ou combien de jours?… Oh non… Je n’en sais rien…
Je me lève péniblement et tousse puis je regarde autour de moi… Il faut que je me batte. Allez, encore un petit peu… Un tout petit peu…
Je me remets alors en route et, au bout de plusieurs minutes, je vois enfin quelqu’un. Je ne perds pas une seconde et je me mets à courir vers lui aussi vite que je le peux. Enfin quelqu’un… Enfin……


Sans-nom a écrit :

Mhhh… J’entends presque physiquement la réponse du shaman, cela veut-il dire que nous sommes tout proches !
Quel tour nous joue donc la nature, pour que la porte soit représentée ainsi ? Je n’y comprends décidément plus rien, elle se joue de nous. La déception m’envahit : comment puis-je vouer mon existence à une vie qui se dit mon partenaire mais me complique la route ?! Bref. Je garde en ligne de vue les arbres et me dépêche d’y arriver.

Je fixe mon but, et vois du mouvement à l’entrée des bois, à quelques centaines de mètres de mon arrivée. C’est rapide, quelqu’un qui court peut-être ? Je prie pour que ce ne soit pas de nouveau une mauvaise chose, mes poils se hérissent.
Je presse le pas, et j’arrive enfin. Je les vois de loin, ces arbres… Et cette personne debout devant. Je m’approche lentement. Mes mains caressent les branches qui m’entourent :

II Shaman ? C’est bien toi. Je suis là, juste derrière. Mais j’ai vu du mouvement, un peu plus loin. Prions pour que soit Z et non un caprice de la forêt…II

J’avance pour être à sa hauteur, mais ce que je vois me stupéfie. Quel est donc ce sentiment que j’éprouve ? Mais surtout, qu’est ce qui bouge là-dedans ?

   
NoAnde :

Alors les voilà. C’est eux ? Le premier a l’air encore plus mal en point que je ne le pensais. Et l’autre, je ne sais pas quoi en penser justement…
    Mais peu importe, ils ne sont là que pour servir les buts que m’a fixé la Mauvaise Mère. Ils serviront de viande afin d’ouvrir le Portail vers cet autre monde que la Mauvaise Mère pourra s’en aller corrompre.
    La malade ne posera pas de grandes difficultés, vu son état. Alors, je m’empare de ma lame de pierre et saute sur l’autre ! Il sera le 1er à tomber, pour la gloire de Shub-Niggurath !!

Z :
Je souris mais suis essoufflée comme jamais… Je suis si heureuse de les avoir retrouvés! Enfin…… Ils vont me sauver, je vais survivre grâce à eux… Je veux rester avec eux et sortir de ce cauchemar… Pas question que l’un d’entre nous meure ! Ou que je tue quelqu’un avec ma maladie qui est peut-être transmissible……. Pourtant, je vois l’un des deux sauter sur l’autre pour le tuer… Surprise et sous le choc, je lâche un cri terrifié…


Sans-nom a écrit :

J’entends un hurlement strident et me retourne pour voir ce qu’il se passe. Trop tard, le shaman est déjà sur moi et m’entaille le bras avec son arme de fortune. Je me débats, le repousse du mieux que je peux, mon dernier assaut le fait reculer et trébucher sur une tombe. Ah forêt, merci ! Il s’écroule en criant.

Quel imbécile ! Je vis seul dans des environnements hostiles depuis si longtemps… Je n’ai pas peur d’un misérable pareil, ce traître. Mais, ce fou est tenace. En quelques secondes, il se redresse et me saute dessus plus enragé que jamais.

J’avais raison de me méfier de lui, ma mission n’était donc pas vaine ! Mère Nature, moi, ton fidèle serviteur, je te défendrai au péril de ma vie ! Mais j’en suis certain, je le tuerai !

   
NoAnde :

Je ne comprends pas. Pourquoi l’autre se défend ainsi ? Il dit devoir protéger la forêt mais… la Forêt est la Mauvaise Mère ! Alors pourquoi se retourner contre moi, son fidèle serviteur qui a tenté de lui ouvrir la Porte vers un autre monde ?
    Est-ce que tout cela ne serait qu’une épreuve ? La Chèvre Noire aurait voulu tester ma loyauté et ma détermination ? Mais maintenant, que dois-je faire ? Le sang a coulé. Mais l’autre se jette sur moi. Les voies de Shub-Niggurath sont impénétrables, comme le sont les plus sombres profondeurs de la forêt, là où je m’enfuis afin de panser mes blessures et… penser…

Z :

Mon cri me déchire la gorge à un tel point que je finis par venir saisir mon cou à deux mains, comme pour calmer la douleur… Ma vision commence à se brouiller, mes oreilles à siffler douloureusement, mon équilibre devient précaire… Je veux hurler encore, mais ma gorge me fait tellement, tellement mal. Je finis par tousser de plus en plus fort tandis que mon estomac se noue… Je pensais que nous étions là pour nous entraider, nous sortir d’ici… Mais non… Et si tout cela n’était qu’une illusion?… Je manque de souffle, je tombe à genoux… Je sens une force s’emparer de tout mon être comme une moisissure envahit un fruit ou comme une colonie d’insectes envahit une vieille souche d’arbre… Ma gorge se serre, je ne vois plus rien, n’entends plus rien… J’ai, à cet instant précis, l’impression d’être le néant, mais aussi l’infini… Tout est si proche, mais aussi si lointain…

La mort s’empare un peu plus de mon corps… J’ai l’impression de saigner de l’intérieur… J’ai mal… J’ai tellement mal… Je veux regarder les deux autres, mais j’en suis tout bonnement incapable… J’ai mal. Je suis aveugle. Sourd. Puis… Mort. Je lévite dans un espace d’un noir profond… Aussi vide que plein, aussi petit que grand… Plus rien. Plus aucun son. Plus aucune lueur. Plus rien. Le néant. L’infini… J’ai échoué…. La forêt, la mort, m’a englobé…..…


Sans-nom a écrit :

La bataille continue, mais j’ai mal. Très mal. Mais d’un coup, le shaman s’enfuit. Je veux le poursuivre, mais me rappelle que je ne suis pas seul dans ce lieu. Plus un bruit autour de moi, pas même les cris presque hystériques de Z. Ma vision se trouble, je ne pense pas être en état de chercher. Appuyé contre un morceau de roche, je réfléchis et regarde le sang s’écouler de mon ventre. Et bien, j’avais raison de me méfier de lui… Mais une question pointe alors le bout de son nez : avais-je réellement raison, où tout cela est encore une manipulation à laquelle je n’ai pas été convié.. ? Mère Nature est tellement Grande, jamais elle ne me révélera ses secrets, quel idiot je fais. Qu’importe, j’ai fait ce que j’ai pu. Je crois que mère nature me joue un drôle de tour pour la dernière fois. Alors que je m’enfonce doucement dans le néant, je souris.

Commentaires de Thomas :

A. «  Mon personnage s’appelle NoAnde. C’est l’ancien shaman du Clan des Arbres. Il est devenu fou après que son peuple fut exterminé par des fanatiques religieux. […]. Il cherche le point de jonction car il est convaincu qu’il s’agit d’un portail vers un autre monde qu’il veut contaminer avec la pestilence de Shub-Niggurath et Millevaux. »

Sympa ton perso 🙂

B. Vous faites des posts nettement plus longs que ce que j’avais en tête quand j’ai conçu le jeu, vu qu’il était avant tout conçu pour du jeu par SMS / smartphone, mais c’est cool 🙂

C. «  j’ai dû devenir moi-même un rampant, devenir moi-même un cafard, un cloporte… Je suis repoussant, encore plus qu’avant… »

Oh, un cafard à tête de sanglier, mignon 🙂

D. Finalement, as-tu utilisé du Bois-Saule pour meubler tes RP ?

E. Sans-nom : «  II Shaman ? C’est bien toi. Je suis là, juste derrière. Mais j’ai vu du mouvement, un peu plus loin. Prions pour que soit Z et non un caprice de la forêt…II

J’avance pour être à sa hauteur, mais ce que je vois me stupéfie. Quel est donc ce sentiment que j’éprouve ? Mais surtout, qu’est ce qui bouge là-dedans ? »

Je trouve très élégant comment le joueur de Sans-nom introduit, sans sortir de son personnage, une adversité ou un mystère dans le climax de fin, en vous laissant rattraper la balle au bond.

F. La particularité de votre partie c’est que vous faites jamais le MJ pour les autres, alors que c’est ce que prévoit le jeu. Mais l’important, c’est que ça fonctionne pour vous. Le résultat est plus immersif : on lit juste des journaux de bord et des monologues.

G. En lisant la confrontation finale, j’avais un peu peur, parce que vous restez en RP pour résoudre les résultats des attaques, alors que selon les procédures, on pose des questions, on s’assure que c’est bien clair que chaque joueuse décide de soi-même si son perso survit aux attaques. Mais vous vous en sortez bien, donc c’est cool.

H. J’aime bien la fin en cliffhanger 🙂

I. J’ai trouvé que tes partenaires de RP s’en sortaient bien ! Comment ils/elles ont vécu l’expérience ?

Réponses de Damien Lagauzère :

A. hé hé, j’ai repris le tout premier NoAnde que j’ai joué pour Millevaux ? il avait mal fini…

B-la longueur doit tenir à ce qu’on a joué via la messagerie de FB et puis, par expérience, je sais qu’Allicia aimant beaucoup le RP textuel, elle a du mal à faire court XD. pour le D, je ne sais plus mais c’est fort probable car je le ressors souvent pour mes partis «  en forêt ».
n
F. Je crois que ça tient là encore à nos expériences passé de RP textuel qui ressemble plus, je trouve à de l’écriture à 4 mains ou du cadavre exquis. j’avais fourni les règles aux deux autres joueuses mais en partant du principe que les règles ne devaient pas être un carcan non plus et que le plus important restait l’histoire. et pour le dernier points… et bien je ne sais pas trop en vérité ^^ c’est vrai qu’on a pas spécialement débriefé. dans un autre genre, quoi que, j’ai testé La Sorcière de l’écorce, et… c’est vrai que ça rend carrément pour du Millevaux. Ses tables de rencontres aléatoires sont intéressantes et pourraient bien se mixer avec celles de Bois-Saule, justement. et il y a tout un bestiaire  qui me plaît bien aussi. bref, je l’ai inclue à ma campagne actuelle ^^

Un commentaire sur “Les trois mains de la porte

  1. Une partie de Mycorhizes très littéraire au vu du dispositif initial prévu pour du RP léger par sms ou réseaux… Mais le résultat est très intéressant et nous permet de patienter en attendant l’arrivée prochaine… d’un forum RP Millevaux !

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