Une nouvelle émission consacrée aux jeux narratifs qui changent la vie ! Pour ce format, nous enregistrons hors ligne dans des conditions « cocoon » pour parler des jeux à fiction qui nous bouleversent, qui nous font avancer, qui cultivent notre empathie, etc, qu’il s’agisse de jeux de rôles, de jeux de plateau, de story games, de jeux vidéo…, bref des jeux et des récits pour aller mieux, pour se sentir mieux, et pour penser mieux.
Et pour ce faire, un format : un thème par émission, une partie enregistrée d’une demi-heure suivi d’un débat d’une heure sur trois axes : les jeux, les pratiques, et les événementiels ludiques.
Le premier numéro est consacré à un sujet dense : le care. Inspirée par le manifeste Carewave imaginé pour les jeux vidéos, cette émission parle des jeux qui prennent soin de nous. Et nous en avons bien besoin !
Formats :
la partie d’Happy Together seule (1/2 h)
Crédits audio :
jingle : Pornophonique, cc-by-nc-nd
son de rembobinage : Joseph Sardin, libre de droits
chanson Loud and Clear (All Over Now) par Unwoman, cc-by-nc-sa
chanson Falling into the game, par Soft and Furious sur l’album You know where to find me, cc-by
chanson Emma par The Attraction, cc-by-nc-nd
chanson Lapse par Sioum sur l’album I am mortal, but was fiend ; cc-by-nc-nd
PLAN DU PODCAST :
Pour accompagner cette lecture, rien de tel que l’OST du jeu vidéo Celeste par Lena Raine
Le sujet :
Le care
Définition : Le point de départ, c’est le manifeste du carewave en jeu vidéo (par la développeuse Brie Code)
Pour résumer : des jeux qui prennent soin des joueuses, de leurs createurtrices et du monde
Partie de jeu narratif :
Le jeu choisi a été Happy Together, de Gaël Sacré ou du Ho’oponopono https://outsiderart.blog/hooponopono/
Le débat :
En point de départ, peut-être re-développer les points du manifeste carewave et parler de jeux emblématiques de cette tendance
Les points importants du manifeste :
+ remplacer les gameplay « fight or flight » par « tend and befriend » et la compétition par de la coopération
+ la volonté d’être non-oppressif (importance de la justice social, des mouvements queer et féministes)
+ adapter le niveau de difficulté au niveau d’énergie actuel de la joueuse
+ l’accent mis sur la guérison
Le décryptage du manifeste carewave par Talmo :
INTRO
Ce que représente aujourd’hui le monde du jeu et en particulier celui du jeu vidéo (ref : hebdomadaire “le1”, 4/12/19.)
Partie visible et connue,
-1,5 milliards de joueurs actifs. Chiffres de 2014, revus à la hausse.
– Des jeux tirés des films aux films tirés des jeux
– Un chiffre d’affaire qui dépasse les poids lourds de l’industrie culturelle (cinéma)
La partie immergée :
- Produits massivement en Chine et en Inde, qui connait les BATX (équivalent asiatique des GAFA) Baidu, Alibaba, TenCent, Xiaomi, de nouvelles multinationales surpuissantes?
- – Le marché du jeu vidéo a permis de développer la réalité augmentée, la 5G répondant aux besoins croissants des joueurs sur téléphone.
Le mouvement Carewave, issu de ce monde s’interroge judicieusement sur ce que représente et produit cette nouvelle consommation de masse.
1- Le care propose un regard critique et subversif sur la vision du monde qu’ils participent à créer:
a- Un monde de pouvoir et de domination
- la figure du “heros”: male blanc, hétéro, souvent brutal/guerrier
- La seule issue passe par le conflit. Gagner c’est trop souvent triompher de
- le stress/la difficulté de jeu. Créant très généralement de la tension, l’accroissement de la difficulté génère du stress.
B- Un monde de rapports sociaux anxiogènes
- Dans la fiction: Fortnite “chacun pour soi, beat them all”
- IRL, dans la vraie vie: Comment se passent les relations entre joueurs dans les MMO (techniquement: tchat/vocal/communication en jeu) (que propose l’objet du jeu? commerce/compétition/coopération..)
c- Le jeu vidéo tend à présenter un monde à l’imaginaire malade. (Question de l’Utopie car le Care est clairement un mouvement utopiste).
- Surabondance de scénarios apocalyptiques, omniprésence de la guerre (est il indécent de simuler des guerres qui sont bien réelles et font des victimes civiles?)
- Quelle place est faite à l’émerveillement, la découverte, l’échange entre joueurs…
- Quels sont nos futurs désirables?
2- Que propose de faire le manifeste care?
a- Aux auteurs de jeu et aux joueurs aux-même
- Prendre conscience de l’influence et du pouvoir exercé par une expérience de jeu et des responsabilités qui en découlent.
- Le jeu comme une certaine expérience d’un rapport au monde. exemple du tutoriel: proposition de faire ses premiers pas dans un monde nouveau, qu’apprends-t-on? Comment appréhende-t-on dans ce jeu? Souvent de canarder sur tout ce qui bouge…
- Le jeu comme vécu émotionnel. Le care se propose d’accompagner les joueurs dans leurs expérience. Ce n’est donc pas purger le jeu de toute violence mais de penser à lui donner un sens dans l’expérience, de la penser, être en mesure de la mettre en mots.
b- Résister, refuser, faire autrement
- Si le jeu est une expérience émotionnelle, intellectuelle et sociale, le CareWave encourage l’innovation sur ces trois piliers du jeu.
Les jeux vidéo qu’on peut associer au care :
- Celeste de Matt Thorson :
un jeu de plateforme sur une jeune femme, Madeline, qui gravit une montagne, un jeu qui aide à combattre l’anxiété et la dépression, une difficulté ajustable (invincibilité, ralentir ou simplifiée le jeu), le jeu s’adresse à la joueuse et l’encourage.
- Florence du studio Mountains :
Un jeu sur la charge émotionnelle dévolue aux femmes dans les relations amoureuses hétéro, se concentre sur les petites interactions du quotidien (définition de la charge émotionnelle par la dessinatrice Emma : “C’est le souci principalement porté par les femmes de mettre son environnement à l’aise au dépend, souvent, de leur propre confort à elles ». Elle livre des exemples : au bureau, les femmes vont avoir tendance à s’occuper du bien-être de leur entourage, comme de la déco, rapporter un goûter pour tout le monde ou des cagnottes pour les pots de départ des collègues « en plus de leur tâche professionnelle », précise Emma. Cette charge émotionnelle va aussi se traduire par un comportement qui s’adapte aux autres afin de ne pas mettre mal à l’aise son entourage : rire à des blagues que l’on ne trouve pas drôles pour ne pas gêner l’autre personne, par exemple.)
- Undertale de Toby Fox :
le jeu, sorti en 2015, est antérieur à la carewave, mais me semble précurseur. C’est un RPG où on a le choix entre combattre des monstres ou socialiser avec, la deuxième option étant
Les jeux de rôle qu’on peut associer au care :
+ Traverser l’hiver, un recueil de jeux narratifs inspirés de la carewave
+ Sad Oni de David Kentaro Jackson (un OSR « décolonial » basé sur le tend and befriend) et la vague Sword Dream en OSR (= jdr old school non oppressif)
+ Happy Together de Gaël Sacré (on réalise ses rêves grâce à nos amis qui nous poussent)
+ Girl Underground, par McManamon & Ross (un jeu inspiré d’Alice au Pays des Merveilles et du Magicien d’Oz pour aller au-delà de ses messages limitants)
+ Trois étés à Bonneville, de Daniel Danjean
Vous êtes une bande de copains à Bonneville, une petite ville perdue dans les bois entre fabrique de cigarette, barrage, frontière et scierie. Enfants, vous avez un plan fun dans ce super terrain d’aventure. Ado, un plan drague dans les endroits isolés. Adulte, un plan fuite de cet endroit pourri. Mais une constante : la poisse. L’amitié qui vous lie y résistera t’elle ?
3 étés à Bonneville est un jdr avec meneur qui donne la patate. Explorez les frontières du rêve et de la réalité, de l’intime et du commun, du bien et du mal, mais avec le sourire.
Un mot d’Eugénie sur ce jeu :
“Dans 3 étés à Bonneville, il n’y a pas vraiment de « violence extérieure », dans le sens où tu joues des tranches de vie. Genre échapper à ses devoir pour aller se baigner au lac avec les copains, affronter le regard des autres en maillot de bain, se frôler alors que les sentiments sont tout troubles… Tu fais passer ton personnage par plusieurs états (Soucieux, En urgence, A sauver) et ce sont les autres qui viennent te sortir des situations dans lesquelles tu mets ton perso. Qui peuvent être potentiellement honteuses, dangereuses, douloureuses… mais il n’y a pas une violence extérieure qui vient frapper le groupe, c’est juste la vie quoi. Par contre, le principe du jeu fait qu’on passe son temps à se jeter dans le vide et à compter sur les autres pour nous rattraper, et vice versa à rattraper les autres qui nous font confiance pour ça.”
- The Watch, d’Andrew Medeiros
Ce jeu propulsé par l’Apocalypse prévoit un « player agenda » (comme le « MC agenda » d’un PbtA classique) qui comprend deux choses : partager l’écran avec les autres et les rendre géniaux d’un côté, garder l’œil sur le bien-être émotionnel de chacun/chacune et être gentil avec eux (« be kind to one another »).
- Ho’oponopono, de Thomas Munier
Un jeu de rôle où l’on joue une famille en proie à une maladie qu’il faut guérir par un rituel de réconciliation collective.
- Origami, de Thomas Munier & Adrien Toulon
Où l’on joue un cercle d’amis marqué par des disputes brutales qui doivent se réconcilier un par un via un rituel impliquant des papiers pliés et une bougie.
- De mauvais rêves, de Julien Pouard
Une famille au coeur de la laponie en proie aux rudesses du climat et aux dissensions internes va devoir se serrer les coudes pour affronter les cauchemars.
+ les jeux esthétiques ou sociaux sans compétition
Les GN qu’on peut associer au care :
- le GN Minuit nulle part, de Hoog
Ce GN te demande de montrer l’installation de la solitude et de la dépression et qui est conçu pour te sortir de là ensuite à travers des éléments très simples.
- Le GN Comme le houx de Hélène Henry :
Comme le Houx est un jeu petit format pour deux personnages féminins. Il met en scène pendant une heure environ la discussion téléphonique entre Laetitia et Véro, deux amies qui ont été très proches, le sont peut-être encore, et ont besoin de se confier l’une à l’autre.
Comme le Houx est un jeu réaliste dont le thème est l’amitié, ses fous rires inoubliables et ses promesses non tenues, l’illusion de la proximité, la tentation de la fusion, l’inéluctabilité de la déception, la permanence de ses liens malgré tout
Les jeux de plateau qu’on peut associer au care :
- Feelings, de Vincent Bidault et Jean-Louis Roubira, un jeu sur les émotions et l’empathie
Les serious game qu’on peut associer au care :
+ Du côté de la théorie des jeux : The evolution of trust par Nicky Case : Game theory has shown us the three things we need for the evolution of trust:
1. REPEAT INTERACTIONS
Trust keeps a relationship going, but you need the knowledge of possible future repeat interactions before trust can evolve.
2. POSSIBLE WIN-WINS
You must be playing a non-zero-sum game, a game where it’s at least possible that both players can be better off — a win-win.
3. LOW MISCOMMUNICATION
If the level of miscommunication is too high, trust breaks down. But when there’s a little bit of miscommunication, it pays to be more forgiving.
What the game is, defines what the players do.
In the short run, the game defines the players. But in the long run, it’s us players who define the game.
Les outils de design qu’on peut associer au care :
A voir : les Design Kits avec plusieurs modules (empathie, gentillesse, santé mentale, coopération, esprit de croissance, curiosité, gratitude, objectif, pardon, optimisme, zeste)
Les pratiques qu’on peut associer au care :
+ La sécurité émotionnelle
+ Remplacer l’approbation par le soutien mutuel
+ Passer des scénarios classiques en mode carewave :
Exemple : L’Astrolabe
J’utilise le jeu de rôle Fripouille pour maîtriser un des tous premiers scénarios Millevaux faits par la communauté. Où l’on s’amuse à détourner un scénario d’action lovecraftien pour en faire une aventure hautement empathique et contemplative.
Les communautés et événementiels qu’on peut associer au care :
+ La Queervention
+ L’association Ludiqueer
+ A revoir ou à réécouter : Sandra Laugier, une philosophe spécialiste de l’éthique du care
3 commentaires sur “Podcast « Le dé sur le cœur » – #1 : Le care”