Sturkeyville 2

STURKEYVILLE II

Un épisode d’enquête occulte dans l’Amérique Lovecraftienne des années 1920 que Millevaux envahit insidieusement. Un récit par Damien Lagauzère.

(temps de lecture : 35 mn)

deuxième chapitre d’une enquête du jeu Grey Cells avec des bouts de Bois-Saule, de Cœlacanthes,  de The Name of God et de La Trilogie de la Crasse dedans.

Le jeu principal de cette séance : Grey Cells, un jeu de rôle d’enquête contre la montre par Bogdan Constantinescu

Joué le 07/04/2019

Cette partie fait suite à une première partie, Sturkeyville I, qui était moins axée sur Millevaux.

29483699050_261a640509_c.jpg
Jonathan Haeber, cc-by-nc, sur flickr

L’histoire:

    Lewis Patrick Hatecroft se remet lentement des derniers événements. Ceux-ci ont été éprouvants tant sur les plans physiques que psychiques. Il doit non seulement se remettre de deux agressions mais aussi apprendre à vivre avec, sur la conscience, la mort d’une poignée de cultistes ; conséquence d’un rituel au cours duquel il s’est lié à un Sombre Rejeton de Shub-Niggurath.
    Toutefois, un mystère demeure. Comment Archer et ses complices ont-ils su qu’il possédait un exemplaire des Unaussprechlichen Kulten ? C’est une sottise, il le sait. Pourtant, convaincu que tous les complices d’Archer ne sont pas morts, il ne peut s’empêcher de tenter de les pousser à se dévoiler. Ainsi, par l’entremise de Lane, il fait publier dans la Gazette de Sturkeyville une soi-disant nouvelle dans la rubrique fiction, espérant susciter quelques réactions.
    Quelques jours après l’annonce du décès d’Archer, on pouvait lire :

    « Parce que tout a commencé par ce qui n’aurait pu être qu’un banal vol… Votre serviteur, qui tient malgré tout à conserver l’anonymat malgré le méfait dont il fut victime, a eu le triste privilège de constater la disparition d’une pièce très particulière de sa collection. Cet ouvrage se transmet dans notre famille de génération en génération. Ce livre, véritable relique au contenu antique, mystérieux, occulte… dangereux. De prime abord, pour le simple amateur de l’art du détective, aucun indice, aucune trace d’effraction. Pourtant, votre serviteur a retrouvé une unique cartouche.
    Votre serviteur a alors immédiatement couru s’informer du modèle de l’arme utilisant ce type de munition. Il s’agissait donc d’un fusil ayant servi dans l’armée allemande durant la Grande Guerre. Ainsi, comment le ou les auteurs de ce méfait sont-ils entrés en possession d’une telle arme ? Sont-ils des vétérans ? Sont-ils des proches ou des mercenaires au service d’anciens soldats ?
    Il est de notoriété qu’un de ces vétérans, un marginal, vit à la sortie de notre finalement pas si paisible Sturkeyville. Dire que votre serviteur fut accueilli sans courtoisie est un euphémisme. Point de violence physique – ce n’est que plus tard que votre serviteur fut par deux fois vigoureusement agressé – , mais des mots bien étranges évoquant autant les traumatismes générés par la guerre que les contenus occultes de l’ouvrage dérobé : la mort et la quête de la vie éternelle !
    Filatures, interrogatoires courtois, passage à tabac et, fort heureusement, l’apparition d’un allié aussi inattendu que providentiel, me permirent de tisser un faisceau de preuves convergeant vers une personnalité de notre cité et, certainement derrière elle, tout un réseau d’acolytes en quête également de la vie éternelle… à n’importe quel prix. Et, gardien de cet ouvrage dangereusement occulte, votre serviteur se trouve particulièrement bien placé pour savoir que ce prix peut être extrêmement élevé. Mais comment les confondre ? Comment mettre un point final à leurs sinistres projets sans pour autant faire la lumière sur des réalités devant rester dans l’ombre ? Une solution s’imposait à moi : combattre le mal par le mal !
    Mais, le gardien des savoirs interdits peut-il ne pas être au fait des sombres connaissances dont il a la charge de préserver le monde ? Non, il ne le peut pas ! Mais lui, à l’inverse des membres de cette sinistre secte, il ne veut pas payer ce prix. Et il ne veut pas que l’humanité le paye non plus. Toutefois, votre serviteur s’est vu contraint de risquer sa santé psychique, sa vie même! afin de préserver l’humanité des manigances de ces vétérans en quête d’immortalité. Alors, je me suis rendu dans les bois et j’ai obtenu des sombres esprits qu’ils mettent un terme aux agissements de ces sorciers. Le résultat ? Vous l’avez lu dans la rubrique nécrologique de la Gazette… Et maintenant, sommes-nous sauvés pour autant ? J’aimerais en être certain. Je fuis le sommeil autant qu’il me fuit, hanté que je suis par le prix que ces esprits de la forêt vont exiger de moi. Car ils viendront… Et ce jour là, je l’espère, le remède ne se révélera pas pire que le mal que j’ai contribué à endiguer. »

    A se relire ainsi dans le journal, Lewis Patrick avait conscience tout autant de la maladresse de sa démarche et de ses faiblesses littéraires. Il ne savait ce qui le toucherait le plus entre une réaction des cultistes ou un mauvais accueil de la part des lecteurs. Pour autant, un fait divers sanglant éclipsait sa prose. On venait de retrouver un cadavre ensanglanté et mutilé dans la forêt. Celle-là même où il s’était livré à ce terrible rituel. Le Sombre Rejeton hantait-il toujours les lieux ? Lane peut-il lui en dire plus à ce sujet ?

    Lewis Patrick convie donc son ami reporter à Hatecroft Manor afin d’en savoir plus à ce sujet. Mais Lane n’est au courant de rien. Il n’est pas sur le coup et a en réalité d’autres chats à fouetter. En effet, il est convaincu que le directeur adjoint de la banque de Sturkeyville se livre à quelques malversations. Il est sur sa trace depuis un bon moment maintenant. Il n’a pas l’instant rien trouvé mais Horace Mumford a forcément quelque chose à cacher. En effet, non seulement il a refusé plusieurs fois de répondre à ses questions mais il a également disparu de la circulation depuis plusieurs jours. Lane voit là un aveu de culpabilité. Se sachant traqué, Mumford se serait donc enfui. Ou, en tout cas, il se cache. Par ailleurs, un autre employé de la banque, Vernon Archer, est lui aussi absent. Y a-t-il un lien ? Sont-ils complices ?
    Lewis Patrick connaît le jeune Archer et a du mal à voir en lui quelqu’un de malhonnête. Pour autant, il en est conscient, cela ne prouve rien et tout est possible, vraiment tout… Il n’y a a priori aucun rapport entre l’enquête de Lane et le cadavre dans les bois mais Lewis Patrick ne peut s’empêcher de s’inquiéter pour Archer vis-à-vis duquel il se sent redevable, voire même quelque peu coupable. Mais, que faire ? Il est hors de question de révéler à Lane comment il a fait la connaissance du jeune homme, ni même pourquoi il s’intéresse à cette histoire de meurtre dans les bois.

    Le soir venu, Lewis Patrick est angoissé. Il traîne. Il lit, boit du thé, erre dans les couloirs d’Hatecroft Manor. En réalité, il ne veut pas se coucher. Il a peur de ce qui pourrait venir hanter ses rêves. Mais, bien après minuit, il se résout finalement à gagner son lit et le sommeil finit par le rattraper.

    Lewis Patrick se réveille. Il sait qu’il dort, qu’il rêve. Il est de nouveau dans la forêt. Mais ce ne sont pas les bois de Sturkeyville. C’est autre chose. C’est… Millevaux ! Il porte ses vêtements habituels mais ils sont vieux, troués, raccommodés, élimés. Il n’y a pas grand chose dans sa besace en cuir. Un peu de viande séchée, une poignée de noix, son exemplaire des Unaussprechlichen Kulten.
    Il voit dans ces rêves récurrents l’influence de Shub-Niggurath. La Chèvre Noire tente de le rallier à elle. Elle l’attire en ce lieu pour le corrompre mais lui, contraint d’y errer, entend bien y trouver quelques  vérités afin de combattre l’influence néfaste des Anciens. Combattre le mal par le mal, faire flèche de tout bois… serait-ce là son nouveau credo ? On dirait. Mais il sait qu’il y a toujours un prix à payer. Il a d’ailleurs conscience d’être précisément en train de le payer. Mais il craint malgré tout les intérêts. Et ces dernières réflexions « financières » le font penser au jeune Archer qui travaille à la banque et à l’enquête de Lane sur le directeur adjoint. Mumford ? Oui, c’est ça.
    Dans le rêve, il ne sait plus quel jour il est dans l’éveil. Mais ici, nous sommes le 14ème jour du mois de Serpente. Et ces mots, différents à chaque fois, résonnent à ses oreilles :

« Tu montres une telle confiance, une telle générosité… Tu as un parfait profil de victime.
À moins que tu ne sois un bourreau en puissance. »

    Hum… La confiance et la générosité font-elles partie de ses qualités ? Il ne sait plus trop. Est-il vraiment généreux ? Est-ce généreux que de se résoudre à d’immondes rituels pour mettre fin aux activités d’adorateurs des Anciens ? N’est-ce pas plutôt un prétexte ? Il en a conscience. Il le sait. Il sait que son altruisme n’est qu’une façade mais qu’en réalité il n’a qu’une envie, celle d’explorer les sombres mystères dont il est le gardien. D’une certaine façon, il est le gardien d’une boîte de Pandore et lui aussi l’a ouverte. Mais parviendra-t-il à la refermer et à ne pas succomber à la tentation de ne pas l’ouvrir à nouveau ?
    La nuit est brune. On y voit pas très bien. C’est bizarre car le temps est sec mais, pourtant, il est trempé, comme s’il pleuvait à verse. Et surtout, Lewis Patrick a faim. Il aperçoit un vieux bâtiment en ruine. De loin, cela ressemble un peu à la scierie de Sturkeyville. Il court pour s’y abriter. Mais de quelle pluie ? Il espère y être au sec et à l’abri…
    Il a de nouveau senti cette présence. Cela fait plusieurs fois que, dans ces bois, il sent une présence, quelqu’un, quelque chose le suit depuis plusieurs rêves. Il ne l’a qu’entraperçue, une silhouette haute, très musclée, recouverte de fourrure. Pas tout à fait un ours mais pas tout à fait un homme non plus. Il y a tant de choses étranges qui peuplent cette forêt. Il ne sait pas si cette chose le traque pour le tuer ou seulement pour jouer. Il est certain que, si elle le voulait, cette créature ne ferait qu’une bouchée de lui. Et il repense à cette affaire de cadavre dans la forêt.
    Lewis Patrick se laisse glisser le long d’un mur. Peut-il s’endormir dans un rêve ? Et dans ce cas, où se réveillerait-il ? Dans son lit ou… un autre rêve ? Alors qu’il se laisse aller à ces pensées, son regard se porte sur le pan de mur qui lui fait face. Une nuée d’insectes (des araignées?!) courent dans tous les sens et tissent une toile immense et improbable à vitesse accélérée. La toile et les araignées elles-mêmes forment des mots sur le mur : La Capitale de la Douleur !
    A la vue de ces mots, et il ne sait pas pourquoi, Lewis Patrick se met à trembler. Ses mâchoires se contractent douloureusement. Ses muscles se tétanisent. Il voudrait se lever et arracher cette toile, piétiner ces araignées. Il voudrait hurler mais ces mâchoires restent soudées l’une à l’autre. Ses mains et ses doigts sont soudain agités de mouvements saccadés et incontrôlables. Ses yeux sont grands ouverts, exorbités. Lewis Patrick a l’impression qu’ils vont quitter son crâne. Un hurlement retentit au loin. Il bave de rage. Il veut tourner la tête en direction du hurlement mais ne peut détacher son regard du mur et des araignées.
    Le hurlement… est… le sien ! Lewis Patrick se réveille en sursaut. Il se jette hors de son lit et secoue les draps à la recherche d’araignées ! Il est convaincu que des insectes grouillent dans ses draps. Mais après quelques minutes d’agitation frénétique, il se rend à l’évidence. Il n’y a rien. Toutefois, demain, il se rendra à la droguerie et fera provision de poudre insecticide.

    Aujourd’hui, et au grand dam de ses domestique, Lewis Patrick fait donc la chasse à l’arachnide. Il traque la moindre toile dans le moindre recoin. Il s’agite dans tous les sens en marmonnant des propos plus ou moins intelligibles et cohérents concernant la Capitale de la Douleur et invectivant la peste des insectes. Mais c’est lorsqu’il entreprend de répandre ses poudres dans la pièce où il conserve les éléments les plus obscurs de la collection dont il est le gardien que son sang se glace. Deux pièces manquent à l’appel ! Deux fragments de journaux intimes. De mémoire, il s’agit du journal d’un guerrier viking qui aurait accosté en Amérique il y a fort longtemps, bien avant la conquête espagnole. Et il décrit là ses contacts avec les indiens et comment il a appris leurs coutumes, leurs mythes et légendes. Mais il n’est plus vraiment certain du contenu. Il ne les a que survolés il y a déjà fort longtemps. Pour autant, un second vol si peu de temps après le premier, cela ne peut pas être une coïncidence. Et si la publication de sa fausse nouvelle dans la Gazette avait finalement l’effet désiré ?
    Lewis Patrick donne congé à tous ses domestiques. Il veut être seul à Hatecroft Manor pour examiner les lieux du crime et tenter d’y déceler un indice. Celui qui s’est introduit ici a bien dû laisser une trace de son passage. Et surtout, cela confirme bien que quelqu’un à Sturkeyville est au courant des raretés qu’il conserve au manoir. Il ne pense pas un seul instant que ses domestiques puissent être mêlés à cette effraction. Toutefois, s’il ne devait trouver aucune autre piste, il faudra peut-être se résoudre à les suspecter.
    Mais, après avoir fait plusieurs fois le tour de la pièce et en avoir examiné le moindre recoin, rien ! Lewis Patrick ne trouve rien! Pourtant, il est certain que cela est en lien avec l’affaire Archer sauf que… il ne peut même pas contacter le jeune Archer puisque celui-ci a disparu, en même temps que son patron ! Alors, désespéré, il se prépare une tasse de thé et s’installe dans la pièce où il organise ses soirées spirites. Il songe alors que cela fait longtemps maintenant qu’il n’en a pas organisé une. Et si…
    Il ne suffit que de quelques appels téléphoniques pour que les choses se précipitent. Myrtle Veneti sera là bien sûr. Mais aussi Greg Benson, le pharmacien et Julius Andrew, le notaire. À eux quatre, ils devraient parvenir à contacter un esprit. Et peut-être que ce dernier saura ce qui s’est réellement passé à Hatecroft Manor aujourd’hui.
    Le soir venu, les invités s’installent dans cette pièce qu’ils connaissent bien. Il y a à boire et à manger mais personne n’y prête vraiment attention. Lewis Patrick est nerveux. Il espère vraiment qu’un esprit va se présenter pour lui apporter des réponses mais sans toutefois trahir auprès de ses convives sa fonction de gardien de savoirs occultes. Il pense pourtant ne pas pouvoir faire autrement que prendre ce risque. Tous s’installent autour du guéridon. Lewis Patrick se fait le maître de cérémonie, comme à son habitude.
    Au bout de quelques minutes, tous remarquent que Myrtle Veneti est animée de quelques légers tremblements. On dirait que quelque chose la dérange mais personne n’ose prendre la parole pour lui demander quoi. Puis, elle laisse échapper un long souffle rauque.

    « La Capitale… de la… Douleur… »

    Lewis Patrick se fige. Comment est-ce possible ?

    « Les Araignées tissent leurs toiles en l’honneur de leur déesse ! Mais elles craignent les Champs de Feu, Lewis Patrick. Elles craignent les Champs de Feu… »

    Lewis Patrick se lève de sa chaise. Il se penche vers Myrtle Veneti et la presse de questions. Mais l’esprit s’en est allé, la laissant là dans un état hébété, à moitié endormie. Benson et Andrew restent silencieux et proposent de prendre congé. Ils se chargent de reconduire Myrtle chez elle. Lewis Patrick se retrouve donc seul avec ses pensées. Oui, manifestement tout est lié. Son dernier rêve millevalien, les araignées, cette Capitale de la Douleur… Tout cela paraît lié avec la déesse des araignées et ces Champs de Feu qu’elle craindrait. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Il est maintenant tard. Aussi se résout-il à laisser son inconscient trier ses informations. La nuit porte conseil, non ?

    Lewis Patrick dort d’un sommeil agité. Ses songes le conduisent de nouveau à Millevaux. Il fait nuit et il se retrouve à descendre le long d’un tronc couvert de veinules et de débris de mues monstrueuses ou humanoïdes. Il y a aussi des objets chargés de mémoire incrustés dans les parois : camées, horloges, fleurs… Au fond, deux sphincters géants avec chacun une pancarte : « les meilleurs souvenirs » et « les pires souvenirs ». Mais il y a une gardienne : une grosse limace garnie de rangées de seins gonflés de pus avec une tête de femme crâniotomisée, le cerveau sous verre, la peau autour des yeux déchirée, à vif. Elle a des pattes d’araignée à la place de la bouche et des cornes ensanglantées en guise de bras. À la vue de ses pattes arachnides, il pousse un hurlement. Il sait qu’il rêve et il espère que son propre cri va le réveiller mais…
    … cette chose immonde se jette sur lui avec une rapidité surprenante. Et lui, est littéralement paralysé par la peur. Le monstre s’écroule sur lui de tout son poids et insère ses pattes dans la bouche de Lewis Patrick, étouffant ses cris, l’étouffant tout court…
    … et Lewis Patrick se réveille, en nage. Il a le souffle court. Il a l’impression de s’être noyé. Il a un goût horrible dans la bouche. Il boit et recrache plusieurs verre d’eau et se lave même la bouche avec du savon. Et c’est devant le miroir de la salle de bain qu’il se rend compte, qu’il voit…
    … sa peau… a… changé… de couleur ! Il a maintenant le teint de ses fiers Incas ou Mayas. Comment cela est-il possible ? Qu’est-ce que cela signifie ? Mais surtout, comment va-t-il pouvoir se montrer en ville maintenant ?

    Tôt le lendemain, Lewis Patrick informe son personnel de maison qu’il doit se rendre en urgence auprès d’un membre de sa famille à New York. Son absence risquant d’être un peu longue, il les invite donc à en profiter pour prendre quelques vacances bien méritées. Ainsi, il pourra rester à Hatecroft Manor sans que personne ne puisse témoigner de sa nouvelle apparence.
    Et maintenant, que faire ? Impossible de quitter le manoir ainsi ! Sa couleur de peau a changé mais pas ses traits. Il ne peut même pas se faire passer pour un étranger de passage. Le jeune Archer, au fait des manigances occultes de son père, aurait peut-être plus facilement que d’autres accepté cette transformation mais il a disparu. Vers qui se tourner ? Lane ? Pas sûr. Et il semble si occupé par son enquête sur Mumford et… Archer justement puisque les deux employés de la banque ont disparu quasiment en même temps. Myrtle doit encore être trop secouée par son expérience de la veille. Il l’appellera plus tard pour prendre de ses nouvelles. Andrew, Benson ? À eux, il pense pouvoir leur faire confiance et garder ce secret. Il leur téléphonera dans la journée.
    Pour l’heure, Lewis Patrick a besoin de faire le point sur les événements. Tout d’abord, la mort de Lawrence Archer, Jonas Parker et tout ou partie de leurs sbires suite à l’invocation du Sombre Rejeton de Shub-Niggurath. Puis, la découverte de ce corps dans la forêt. Ensuite, la disparition de Mumford et du jeune Archer. Parallèlement, ces rêves étranges où il vagabonde dans une forêt sans fin, suivi de loin par une créature humanoïde rappelant un ours. Et puis ce message écrit par des araignées, repris par Myrtle. La Capitale de la Douleur. La Déesse Araignée. Les Champs de Feu. Et ces carnets qui lui ont été dérobés. Tous ces faits apparemment sans lien mais, pour qui sait lever le voile, alors les fils apparaissent. Mais comment lever ce voile ? Lewis Patrick va-t-il encore devoir se résoudre à user de magie pour contraindre le réel à lui dévoiler ses secrets ?
    Soudain, des rires se font entendre en provenance du sous-sol ! Ils sonnent étrangement… creux ! Lewis Patrick se lève d’un bond. Son premier réflexe est de se précipiter à la cave mais il a subitement peur de se retrouver nez à nez avec quelques insectes et… araignées ! Il attend quelques instants. Les rires ont cessé. N’était-ce que son imagination ou y a-t-il réellement quelqu’un d’autre au manoir ? Malgré sa peur, il ouvre la porte de l’escalier et crie à l’attention d’un éventuel importun de se montrer immédiatement. Et quelque chose sort de l’ombre…
    Un petit garçon d’une douzaine d’année se tient là, de bout, au pied des escaliers et fixe Lewis Patrick en souriant. Il reste silencieux mais on entend encore résonner cet étrange rire creux. Il semble venir de derrière l’enfant. Il n’est donc pas seul.

    « Montrez-vous ! » ordonne Lewis Patrick, qui tente de conserver une certaine contenance.

    Et l’enfant fait un pas en arrière, disparaissant dans l’ombre…

    Lewis Patrick reste un moment là, figé devant la porte, scrutant l’obscurité. Mais il n’y a plus rien, ni personne. Puis, il trouve enfin le courage de descendre. Une fois en bas, il appelle de nouveau. Et de nouveau, il entend ce rire mais plus distant cette fois. Comme si son auteur s’en allait. Il allume alors la lumière et constate avec soulagement que, contrairement à ce qu’il craignait, il n’y a pas de colonies d’araignées courant sur les murs. Par contre, par terre, une montre de gousset. Lewis Patrick la ramasse. Elle est tout ce qu’il y a de plus banal si ce n’est… qu’elle tourne à l’envers !

    Quand Lewis Patrick lève la tête, il n’est plus dans sa cave mais dans une grotte. Il porte de nouveau ses vêtements usés typiques de ses voyages à Millevaux. Il rêve donc. Mais il se sent mal. Il a froid et est en proie à de violents tremblements. Il a de la fièvre. Peut-on souffrir de la grippe dans le rêve ? Est-ce ainsi que son corps et son esprit lui hurlent qu’il est en danger et qu’il doit tout faire pour s’enfuir, rentrer à Sturkeyville et, surtout, retrouver une vie normale ? Mais comment ? Malgré la nuit brune, il parvint à peu près à y voir dans cette caverne. Il s’approche de la paroi. Elle est humide. Il y colle son front et savoure cette fraîcheur.

    Nous sommes le 22ème jour du mois de Messe.

« Rouges les rivières, rouges les racines et rouges mes bras. Bat ma poitrine et bat l’écho.
Une forêt de sang, d’artères et de cœurs battants. »

    Lewis Patrick regarde ses mains. Elles sont couvertes de sang. Ce n’est pas de l’eau qui suinte de ces murs mais du sang. Par réflexe, il porte ses mains à son visage et étale encore plus de ce sang qui fait de lui… un peau rouge ?
    Et il sent une présence derrière lui. Il n’ose se retourner car il sait qui se tient là. L’homme ours ! Alors, collant de nouveau son front contre la paroi ensanglantée, il se met à marmonner :

    « Je suis la Feuille !
    Ici et maintenant, pour m’adapter aux changements, je m’en remets au dieu du vent !
    Je suis la Feuille ! »

    Et il souffle alors un vent violent et son assaillant laisse échapper un cri de surprise. Lewis Patrick ferme les yeux. Il serre les dents puis, après quelques minutes, alors que le vent est retombé, il se retourne. La grotte est déserte.
    Adossé à la paroi, il se laisse tomber et se met à sangloter. Alors, il est envahi par une douce chaleur semblant venir de lui-même, de son cœur. Et cette chaleur se répand et chasse les frissons et la fièvre.
    Il veut dormir, se réveiller. Sa vie est devenu un cauchemar. Les événements tragiques s’enchaînent depuis ce rituel dans les bois. Et il n’a toujours aucune piste.

    Ce matin, Lewis patrick a toujours ce même teint qui le fait ressembler à un indien. Aztèque, Apache, Incas, Sioux ? Quelle tribu a cette couleur de peau ? Ce changement n’est-il le fait que d’un triste hasard ou a-t-il une quelconque signification ? La sonnerie du téléphone le tire de ses pensées.
    Une voix volontairement étouffée commence par affirmer savoir que son intérêt pour l’occulte est de notoriété. Toutefois, des choses plus sérieuses et plus graves se trament à Sturkeyville. Ça, il s’en doutait ! Le calme de Sturkeyville n’est qu’apparent et c’est la raison même pour laquelle cette petite ville attire tous ceux dont les activités les plus sombres nécessitent la plus grande discrétion. Et là, Lewis Patrick se demande si ce n’est pas pur une même raison que son oncle défunt s’est installé ici avec sa collection secrète. Shub-Niggurath, Rlim Shaikorth, Atlach-Nacha… Les astres s’alignent selon une funeste configuration. Ceux qui savent doivent alerter le monde. Et ceux qui le peuvent doivent tout tenter pour arrêter les adorateurs des Dieux Anciens. Ainsi parlait cet homme… ou cette femme d’ailleurs, sans laisser le temps à Lewis Patrick d’en placer une. Mais l’information qu’il n’attendait plus finit par venir. Jonas Parker était fou de la Chèvre Noire et elle l’a tué. Horace Mumford était fou du Ver Blanc et il l’a tué. Ken Cellys est fou de la Déesse des Araignées mais… le tuera-t-elle ou parviendra-t-il à la satisfaire ?
    La communication s’est arrêtée depuis quelques instants et Lewis Patrick a toujours le combiné collé à l’oreille. Il murmure en boucle ce nom : « Ken Cellys ». Qui est-ce ? Un adorateur d’Atlach-Nacha, la Déesse des Araignées, manifestement. Il finit par reposer le combiné et réfléchit. Trois adorateurs de divinités Anciennes, sans compter leurs complices, se livrent à des rituels en leur honneur. Pour deux d’entre eux, leur Dieu s’est retourné contre eux. Qu’en sera-t-il du troisième ?
    Avant tout, vérifier que Mumford est bien mort. En effet, Lane atteste de sa disparition mais pour l’heure rien ne le mêle aux affaires des Anciens. Mais si tel devait être le cas, cela pourrait signifier que lui aussi, comme Archer et ses complices, s’est livré à quelques rituels. Ironie du sort, Archer vénérait Shub-Niggurath et c’est un Sombre Rejeton de la Chèvre Noire que Lewis Patrick a invoqué pour les arrêter… définitivement. D’après cet informateur anonyme, une même ironie aurait frappé Mumford. On dirait que les Anciens sont sans pitié vis-à-vis de ceux dont Ils ne sont pas satisfaits. Et ce Cellys alors ? L’espace d’un instant, Lewis Patrick se laisse aller à espérer que ce dernier déçoive sa Déesse et que celle-ci ne se débarrasse tout simplement de lui.
    Si Mumford est bien mort, il peut attendre. Ce Cellys, par contre… Une recherche dans l’annuaire indique les numéros et adresses de Kendall Cellys mais aussi de Kenneth Cellys. Il faut bien commencer, va donc pour Kendall !
    Ce Cellys habite à la périphérie du centre-ville. Nous sommes encore dans les « beaux-quartiers » mais pas très loin d’une zone d’habitations plus populaire. Le vent souffle très fort aujourd’hui et c’est une excellente raison pour porter chapeau et imperméable. Lewis Patrick espère ainsi croiser peu de monde dehors et, surtout, qu’on ne le reconnaîtra pas. Et il espère surtout qu’un homme errant dans les rues par un temps pareil n’attirera pas l’attention. Mais la réussite de son entreprise est au prix de ce risque.
    Les rues sont désertes. Le vent et la pluie s’abattent méthodiquement sur Sturkeyville. Kendall Cellys est manifestement chez lui. Il y a de la lumière au rez-de-chaussé. Lewis Patrick, confiant, s’approche. Il ouvre le portillon donnant sur le petit bout de jardin. Certain que personne ne peut le voir, il s’approche et regarde par la fenêtre. Cellys est dans son salon. Il s’agite et fait les cent pas devant un groupe d’une demi-douzaine d’hommes et de femmes. Il note d’ailleurs qu’il y a une majorité de femmes dans cette assemblée. D’ailleurs, il n’est pas sûr de lui mais il se demande s’il n’a pas croisé l’une d’elle lors d’une soirée mondaine. Mais il se recentre sur Cellys. Il déambule toujours dans son salon, nerveux. Il agite ce qui est manifestement une dague de sacrifice rituel. Va-t-il assister là à un rite sanglant ? Pourvu que non. Il essaye d’entendre ce qui se dit à l’intérieur mais n’entend rien à cause du vent et de la pluie. Mais il a dû trop s’approcher car un cri retentit. Il est repéré. Là, à travers la fenêtre, un homme s’est levé et le pointe du doigt. Lewis Patrick s’enfuit et rejoint son auto en courant.
    De retour à Hatecroft Manor, il remercie intérieurement ce mystérieux informateur. Cellys a bien quelque chose à se reprocher et quelque chose se trame. Maintenant, il lui faut creuser cette piste, en savoir plus et l’arrêter. Mais il doit aussi confirmer les propos concernant Mumford. Et il y a tout à croire que là-dessus non plus on ne lui a pas menti. Et s’il mettait Lane sur le coup ? Et si lui aussi devenait un informateur anonyme ? Bonne idée mais… comment connaître alors le résultat des investigations de son ami ? Celui-ci accepterait-il de tout lui révéler lors d’une conversation « anodine » ? Lewis Patrick décide de laisser la nuit lui porter conseil.

    Lewis Patrick dort mal. Il éprouve une sensation désagréable autour du cou. Cela finit par le réveiller. Il se rend alors compte qu’il est nu et qu’une sorte de cordon ombilical s’est enroulé autour de son cou. Ce cordon est relié à un gigantesque arbre creux, calciné et mourant sous un soleil brûlant qui racornit tout. L’arbre se dresse sur un désert qui s’étend à perte de vue et reflète l’aveuglante lumière d’un soleil rouge sur le point d’exploser.
    Il commence par désenrouler le cordon et tire doucement dessus. Il ressent une légère douleur. Conscient qu’il ne pourra pas s’éloigner de l’arbre sans couper le cordon et que le faire pourrait se révéler, par contre, assez douloureux, il préfère s’approcher du tronc et regarder à l’intérieur du creux. La morsure du soleil est cruelle. Il veut se mettre à l’ombre mais, à l’intérieur du tronc, il voit une espèce de poisson doté de trois paires de bras humanoïdes foncer vers lui, une gueule munie de plusieurs rangées de crocs acérés grande ouverte.
    Souffrant toujours plus du soleil, il met autant de distance que lui en permet le cordon entre lui et cette créature. Il se retrouve alors face à un pendu qui pourrit. Ses viscères dégoulinent hors de son abdomen. Lewis Patrick s’avance vers le pendu. Un coup d’œil en arrière lui indique que le monstre a renoncé à le poursuivre. Il lève les yeux vers le cadavre et reconnaît son visage !

    Lewis Patrick se réveille en sursaut et court dans la salle de bain pour se regarder dans la glace. Mais il a toujours ce même teint qui le fait ressembler à un indien. Mais, ­ est-ce à cause de ses propres traits caucasiens inchangés ? -, il ne saurait dire s’il ressemble désormais à un indien d’Amérique du nord ou du sud.
    Quoi qu’il en soit, la nuit lui a porté conseil, malgré ce cauchemar. Ou peut-être grâce à lui. En effet, est-ce que, confronté à sa mort, il a alors saisi l’urgence de passer à l’action ? Il décide donc d’appeler la Gazette de Sturkeyville et demande à parler à H. P. Lane. Dès qu’on le lui passe, il colle un chiffon sur le combiné pour masquer sa voix et explique que les activités louches et occultes de Mumford ont causé sa mort. Et il raccroche avant que Lane ne puisse poser la moindre question. Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre que le reporter mène son enquête. Il le rappellera dans quelques jours sous prétexte de prendre des nouvelles et tentera alors de lui tirer les vers du nez. Mais pour l’heure, que faire ? Comment confondre et arrêter Cellys ? L’espace d’un instant, il songe à retourner dans les bois pour demander au Sombre Rejeton de se charger de lui mais… de quels stigmates sera-t-il alors affligé ? Et quels cauchemars hanteront ses nuits ? Non, le prix qu’il doit déjà payer est bien assez élevé. Mais il a néanmoins une idée. Il croit bien avoir reconnu parmi les complices de Cellys une femme qu’il pense avoir croisée lors d’une soirée mondaine. Et s’il organisait une soirée à laquelle il inviterait le gotha de Sturkeyville ? Cette femme devrait alors être là et il pourrait l’identifier, voire la confondre. Mais comment organiser une soirée au manoir alors qu’il a donné son congé à son personnel et qu’il ne peut se montrer en public avec cette nouvelle couleur de peau ? Un nom s’impose : Myrtle Veneti, bien sûr ! Il avait d’ailleurs promis de la rappeler suite à leur dernière soirée spiritisme.
    Au téléphone, Myrtle affirme aller bien mais Lewis Patrick la sent quelque peu tendue, voire à cran. Lui en veut-elle de cette étrange soirée ? Non, bien sûr mais elle aurait souhaité que les choses se passent comme… d’habitude.

    « Cahcallah nohuiyan ?nentlah… coc?c… »

    A ces mots, Lewis Patrick l’arrête tout de suite et lui demande de répéter mais Myrtle répète les derniers mots qu’elle a prononcés avant de parler dans cette langue étrange. Et elle ne voit pas du tout de quoi Lewis Patrick veut parler. Ce dernier comprend que ce n’est pas la peine d’insister mais demande à son amie de patienter, le temps de s’emparer de quoi noter et tenter de bien se rappeler ce qu’il a entendu. Ceci fait, il reprend alors la conversation sur un ton plus léger et lui propose d’organiser une fête costumée. Il explique qu’il aurait bien organisé cela à Hatecroft Manor mais son personnel de maison étant en congés, Myrtle accepterait-elle d’accueillir les festivités ? Mais, à son grand étonnement, il se heurte à un refus catégorique. Et il sent bien que ce n’est pas la peine d’insister. Lewis Patrick prend alors poliment congé et raccroche. Jamais son amie ne lui a parlé sur ce ton. Et jamais elle n’a refusé de participer ni d’organiser une réception. Que se passe-t-il ?

    Le 10ème jour du mois de Chien…

« La sarcomancienne vous greffe la peau tatouée d’étrangers ;
alors leurs souvenirs et leurs émotions coulent encore chaudes dans vos veines. »

    Lewis Patrick est de nouveau dans cette forêt, Millevaux. Il regarde ses mains. Dans le rêve aussi sa peau a changé de couleur. Et il repense à l’historiette. Et si les souvenirs de cette peau étrangère se mettaient à couler dans ses veines ?
    La Nuit Brune, encore, et il pleut, encore. Lewis Patrick est à la recherche d’un abri. Il ne cherche pas à se protéger de la pluie mais de ce qui le traque. Car, il le sent, il le sait, cette chose est de nouveau derrière lui. Elle approche.
    C’est quand on cherche qu’on ne trouve pas et c’est quand on ne cherche plus qu’on trouve. Fatigué, ruisselant de pluie, Lewis Patrick continue de marcher mais sans plus prêter attention à là où ses pas le guide. En réalité, il est ailleurs. Il rêve, il le sait. Mais il est encore ailleurs. Son corps est dans son lit, à Hatecroft Manor. Son esprit, ou du moins une partie de son esprit, est ici dans ces bois. Mais une autre partie de son esprit a quitté le rêve pour retourner à Hatecroft Manor, dans la bibliothèque. La bibliothèque secrète, celle où sa famille cache depuis des générations ces livres aux contenus mystiques, occultes, ésotériques, interdits, dangereux. Là, il compulse un ouvrage relatif à une créature venant du fin fond de l’espace et du temps. Le chapitre décrit un conglomérat de cadavres d’êtres issus de tous les mondes et de toutes les époques, de toutes les dimensions. Et cette chose, quand elle s’approche d’un nouveau monde, diffuse ses spores morbides. Et ces spores infectent alors les habitants de ce nouveau monde. Ces derniers mutent. Leurs corps subissent d’horribles transformations. Mais leurs esprits changent également. Ils se reconnaissent, se fédèrent, s’organisent et œuvrent afin de hâter la venue de ce géniteur qu’ils considèrent comme une divinité devant se repaître de toute la vie présente ici-bas. Eux, ils seront sauvés car ils rejoindront le conglomérat.
    Lewis Patrick referme le livre et le repose dans le coffre, juste à côté de ces vieux carnets. Par curiosité, il en prend un.

    « J’ai passé beaucoup de temps à écouter les légendes du peuple de Nokomis. J’ai aussi passé beaucoup de temps à chanter et danser pour voir son autre monde. Cette forêt est bien étrange. Elle est sans fin. Là, j’ai croisé la route de bien des esprits et certains m’ont parlé de celle qu’ils appellent la Mauvaise Mère ou encore la Chèvre Noire. Curieux, je l’ai cherchée. Je ne pouvais croire que celle qui avait crée cette forêt pouvait réellement être mauvaise. Cette forêt ne m’apparaissait pas comme une malédiction. Je ne comprenais pas l’ingratitude de ces esprits face à la beauté de ces lieux et à la vie foisonnante qui les peuplait. Esprits, créatures chimérique, hommes et femmes de tous les âges semblaient s’être donnés rendez-vous là, sous l’égide bienveillante de Shub-Niggurath. Pourtant, tous n’appréciaient pas ce don. Millevaux est un cadeau. Et Millevaux m’a offert Echidna, une voyageuse solitaire parcourant Millevaux. Je ne sais pas d’où elle vient. Elle vient d’une autre Terre, d’une autre époque. Elle me parle de son monde mais je ne comprends pas. Elle me parle de Mouches et de Cafards. Elle rêve, elle aussi. Nous nous retrouvons de plus en plus dans cette région de Millevaux qu’elle appelle les Forêts Limbiques. Là, nous nous abandonnons au rêve. Nous nous abandonnons l’un à l’autre. Je ne veux rien lui cacher. Alors, je lui fais don de cette partie de mon passé qui déjà devient floue. Je fais d’elle la gardienne de ma mémoire, d’une partie de ma mémoire. Je compte désormais sur elle pour me rappeler qui je suis.

    Le temps passe. Echidna m’initie aux secrets du Foutre de Mouche, de l’Opium Jaune et de la Viande Noire. Même dans le rêve, nous rêvons. Nous parcourons d’autres mondes, parfois merveilleux, parfois horribles. Nous croisons la route d’autres hommes et d’autres femmes venus de tous les mondes et de toutes les époques. Certains nous prennent pour des esprits, des hallucinations. D’autres ne nous voient même pas. Et une nuit, alors qu’Echidna se repose, il me prend de consommer seul de cet étrange Jus de Singe. Et quand je me réveille, j’ai quitté Millevaux. Je suis de nouveau… chez moi ? Combien de temps a passé ? Je ne reconnais rien, ni personne. Où sont Echidna et Nokomis ?

    Ce monde a changé. Je ne l’aime pas. La forêt me manque. Il y a de plus en plus d’hommes blancs. Ils ont apporté la guerre. Ils ont détruit la forêt pour construire des villes toujours plus étendues, toujours plus hautes. Avant, leurs maisons étaient en bois. Maintenant, elles sont en pierre. Je me réfugie de plus en plus dans les forêts limbiques. Là, je cherche la paix. Ou, au moins, je cherche la solitude. Et peut-être que je finirai par trouver, sinon l’oubli, la Chèvre Noire. Alors, je saurai… mais quoi ? Et pourquoi ? Et c’est parce que l’oubli me gagne, me ronge, que j’écris ces quelques lignes. Je fixe là ma mémoire. Mais pourquoi et pour qui ? »

    Lewis Patrick referme le journal. Il n’a pas le temps de le replacer dans le coffre qu’il est de nouveau dans Millevaux. Ses pensées ont retrouvé le chemin du rêve. Il stoppe net ! Il pleut toujours. Il regarde autour de lui. Il sent la présence du monstre qui le traque. Et il sait maintenant qu’il s’agit d’un être dévoué à Shub-Niggurath. Est-là le prix qu’il doit payer pour avoir invoqué un Rejeton de la Chèvre Noire ? Et ce carnet ? Il fait partie de ceux qu’on lui a volé récemment. Quel message le rêve cherche-t-il a lui délivrer ? Qui est cette Echidna ? Que sont ce Foutre de Mouche et cet Opium Jaune ? Et Nokomis ? C’est un prénom indien.
    En tout cas, bien des gens parcourent cette forêt, que ce soit en rêve ou réellement. Et il y a des moyens d’accéder volontairement à Millevaux, pas seulement au hasard d’un rêve mais en utilisant certains produits. Mais pourquoi l’auteur de ce carnet est-il sur ses traces ? Et si… et s’il voulait récupérer ses carnets ? Et si c’était lui qui les avaient volés ? Mais dans ce cas, pourquoi continuer à le pourchasser ? À moins que ce ne soit quelqu’un d’autre qui les ait dérobés, sachant qui en était l’auteur…
    D’une certaine façon, Lewis Patrick est rassuré. En effet, s’il retrouve ces carnets, il pourra tout simplement les rendre à leur propriétaire et tout devrait rentrer dans l’ordre. Du moins l’espère-t-il…
    Bien qu’il pleuve toujours, il s’assoit et s’adosse à un arbre. Il ferme les yeux et se réveille.

    Lewis Patrick sort de son lit et gagne la salle de bains. Dans un premier temps, il n’y prête pas attention mais sa peau a de nouveau changé de couleur. Elle est redevenue comme avant. Il laisse éclater un cri de joie en même temps que le téléphone sonne.
    Lane ne prend pas la peine de le saluer.

    « C’est vrai ce qu’on raconte ? On dit que si on ne te voyait plus ces derniers temps, c’est parce que tu étais interné dans un asile Psychiatrique. »

    Lewis Patrick n’en revient pas. Qui a pu raconter de telles sottises ? Lane n’en sait trop rien, c’est un bruit qui court. Et il court d’autant plus que cela fait plusieurs jours que personne ne l’a vu en ville et que les seuls contacts qu’il a pu avoir furent par l’intermédiaire du téléphone. Lane lui rappelle qu’il a donné son congé à ses domestiques et qu’il peut très bien avoir passé ses appels d’un sanatorium. Mais s’il est à Hatecroft Manor ce matin, cela veut-il dire qu’il est de retour ? Et que tout va bien ?
    L’espace d’un instant, Lewis Patrick craint que ce ne soit Myrtle Veneti qui ait lancé cette rumeur. Mais pourquoi ? Pour se venger de cette douloureuse expérience ésotérique ? Il ne ne saurait peut-être jamais. Mais pour autant, il devait profiter d’avoir Lane au téléphone pour en savoir plus au sujet de Mumford. Et, innocemment, il lui demande de ses nouvelles, notamment au sujet de ces investigations pour la Gazette. Et à sa grande surprise, Lane ne se fait pas prier. Il raconte avoir remonté la piste de Mumford et l’avoir retrouvé mais… que faire maintenant ?
    Lewis Patrick apprend ainsi que son ami s’est introduit, pour la seconde fois, par effraction chez le banquier. Et cette fois, dans la cave, il fut le témoin d’une scène des plus étranges, horribles et inimaginables. Oui, Horace Mumford avait bien des choses à se reprocher. Mais rien concernant la falsification de comptes et de vulgaires histoires d’argent. La cave de Mumford s’était révélé le théâtre d’un meurtre rituel. Et la victime innocente n’était autre que le jeune Archer ! Mais le plus étrange, outre le froid régnant là, était que Mumford était présent lui aussi, mais… congelé, littéralement réduit à l’état de statue de glace. Il tenait à la main une sorte de couteau ouvragé qu’il n’a pas réussi à lui ôter mais, par contre, il a fait main basse sur un livre qui avait l’air important. Lane est étonnant désemparé. Face à une telle scène, il n’a pas appelé la police. D’une part parce qu’il aurait eu à justifier son effraction et le vol de ce livre, ces Manuscrits Pnakotiques, et d’autres part parce qu’il était tout simplement incapable d’expliquer l’état de Mumford.
    Lewis Patrick est quelque peu honteux car il a conscience qu’il va profiter de la détresse de son ami mais il lui propose toutefois de l’aider à condition de lui remettre cet ouvrage et de l’introduire chez Mumford. Une fois qu’il aura fait sa propre enquête, il verra comment en informer la police sans que Lane ne soit inquiété. Après tout, il est une figure locale de Sturkeyville. Il a des relations. Et, ayant retrouvé sa couleur de peau, il va pouvoir de nouveau se montrer en ville et faire taire cette rumeur. Peut-être même que Myrtle Veneti se montrera plus affable.

    Maintenant, il s’agit d’être efficace et d’élaborer un plan d’action. Lewis Patrick a invité Lane au manoir pour le lendemain. D’ici là, il va rappeler son personnel de maison et organiser cette soirée mondaine qu’il voulait organiser chez Myrtle. Maintenant, il peut l’organiser à Hatecroft Manor. Il appelle donc certaines personnalités de Sturkeyville, les invite à cette « soirée de retour » et les charge également de faire circuler l’information. Il espère ainsi que la complice de Cellys sera là et qu’il pourra la confondre d’une manière ou d’une autre. D’ici cette soirée, il aura visité la cave de Mumford et peut-être trouvé un lien entre lui et Cellys. Par définition, la Déesse Araignée tisse sa toile donc, d’une manière ou d’une autre, tout doit être lié.
    Lewis Patrick s’endort ce soir avec le sourire. Il a le sentiment que tout va aller pour le mieux maintenant. Les choses lui semblent rentrer dans l’ordre. Il sait qu’il va rêver mais il est sûr que ce sera un beau rêve. Il ne va pas se rendre dans Millevaux cette nuit. Il n’affrontera pas le vent et la pluie. Il ne sera pas traqué par cette créature étrange. Non, il rêve d’une grande maison de terre cuite, d’une seule pièce, avec des fours et des athanors en ébullition. Chouettes, chats sauvages, araignées (il frissonne en y pensant) et crapauds grouillent dans les ombres. Racines, fougères, lierre et champignons envahissent les lieux. Une grande armure humanoïde faite de terre cuite et de matériaux composites trône au milieu. Et elle est là, la Magicienne. Elle lui explique qu’il faut aller demander l’aide… de la personne qui incarne la Magicienne pour avoir une chance de vaincre les Abysses.
    Lewis Patrick comprend que cette armure est sensée lui permettre de gagner ce que la Magicienne appelle le « Méta-Monde ». Là, il doit retrouver celui dont elle est l’avatar, celui qu’ on appelle « le Joueur ». Lui sait. Lui peut. Il joue pour jouer. Il joue pour connaître la suite de l’histoire. Peu lui importe que les Anciens ou les Cœlacanthes triomphent. Peu lui importe la fin de l’histoire. Il veut simplement la connaître, la jouer. Mais, affirme la Magicienne, il peut la changer. Il peut décider de leur sort à tous. Alors, Lewis Patrick doit enfiler cette armure et convaincre le Joueur de faire triompher la Lumière.

    Quand Lewis Patrick se réveille, il se sent bizarre. L’espace d’un instant, il a peur d’avoir de nouveau changé de couleur mais ce n’est pas le cas. Il est toujours lui-même. Mais, se dit-il, après tout il est toujours lui-même quelle que soit la couleur de sa peau. Pour autant, il a l’impression que quelque chose a changé. Si ce n’est pas lui, c’est autour de lui. Il a ce sentiment désagréable que la réalité qui l’entoure n’est plus aussi consistante que la veille, qu’elle n’est plus aussi… réelle…

    Aujourd’hui, Lewis Patrick doit donc prendre connaissance et tenter de comprendre ce qui s’est passé dans la cave d’Horace Mumford. Il doit aussi prendre possession des Manuscrits Pnakotiques. Aussi, il attend Lane avec une certaine impatience doublée d’une nervosité non moins certaine.
    Lane arrive en fin de matinée. Lui aussi est nerveux. Pas à l’idée de rentrer par effraction chez un citoyen de Sturkeyville mais à celle de revoir cette scène étrange et ces cadavres, l’un sacrifié, l’autre… gelé. Lewis Patrick, lui, est toujours sous le coup de son rêve de la veille. Il repense aux propos de la Magicienne, aux Joueurs, à cette armure en terre sensée lui permettre de changer de monde. Durant le trajet, il survole les Manuscrits Pnakotiques. Et son attention se porte sur les paragraphes concernant Rlim Shaikorth, le Ver Blanc. Mumford aurait donc été un adorateur de ce monstre. Ne prêtant aucune attention à ce que lui raconte Lane, il poursuit sa lecture et apprend que le Ver Blanc vivrait dans la Contrée des Rêves. Dans le rêve, comme Millevaux ? La Millevaux de Shub-Niggurath ? Là serait le lien tissé par Atlach-Nacha ? Le rêve semble être le nœud où tous ces fils se retrouvent et s’emmêlent.
    Et quelques minutes plus tard, après s’être étonné de l’aisance avec laquelle Lane force, une fois de plus, la porte de derrière de la maison de Mumford, Lewis Patrick descend les marches menant à la cave. À chaque marche, il a l’impression que la température baisse. Réalité ou simple impression ? En bas, tout est comme Lane l’a décrit. Il n’a touché à rien, si ce n’est aux Manuscrits Pnakotiques. Le corps de Mumford est parfaitement conservé, gelé, alors que celui du pauvre Archer, malgré le froid ambiant, commence déjà à montrer des signes de pourriture et à sentir. Même s’il ne prévient pas la police, les voisins devraient le faire d’ici quelques jours car ils seront indisposés par l’odeur et ils se poseront des questions. Mais avant tout, il est là pour examiner la scène de ce crime rituel. Y a-t-il ici un indice qui aurait échappé à Lane ou un indice que seul un spécialiste des sciences occultes pourrait trouver ? Peut-être bien oui !
    Une poupée d’enfant… Que fait-elle là ? Et pourquoi Lane n’a-t-il pas remarqué un objet à la présence aussi improbable en ces lieux ? Lewis Patrick repense à sa vision, celle qu’il a eu dans sa propre cave. Un rire, un enfant et quelque chose derrière. C’est là qu’il avait trouvé cette montre étrange qui l’avait précipité dans Millevaux. Cette montre, il l’a toujours… Mais, que doit-il comprendre ?
    Atlach-Nacha tisse sa toile, donc tout est lié d’une manière ou d’une autre. Lewis Patrick réfléchit. Cette montre l’a projeté dans le rêve. Le Ver Blanc vit dans le rêve. Mumford a certainement accédé au monde du rêve lui aussi. A-t-il utilisé une montre ou autre chose ? La Magicienne lui a dit de trouver le Joueur, d’aller le chercher dans son monde en utilisant l’armure de terre. Mais cette armure se trouve dans le rêve. Le rêve est la clé, la porte…
    La clé et la porte… Pourquoi ces mots tournent ainsi dans sa tête. La clé et la porte. La Clé et la Porte ! Yog-Sothoth ! Lewis Patrick a lu des choses concernant cette horreur. Et il repense à Atlach-Nacha dont on dit que quand sa toile sera achevée, cela sera la fin du monde. Est-il possible que Cellys et ses complices souhaitent en réalité s’attirer les faveurs de Yog-Sothoth en lui offrant la fin du monde ? Ce serait donc à cette fin qu’ils tenteraient de hâter les plans d’Atlach-Nacha ? Il faut vraiment être… tordu pour échafauder un pareil plan, pour avoir de telles pensées mais… la folie n’est-elle pas le guide des adorateurs des Anciens ?
    Lorsque Lane lui demande s’il a trouvé quelque chose, Lewis Patrick ne sait quoi répondre. Oui, il a trouvé quelque chose, mais comment expliquer ça à quelqu’un comme Lane, quelqu’un de… normal !

    « Je… Je dois rêver. Maintenant !
    Non, tu ne rêve pas. Mumford est bien congelé et…
    Tu ne comprends pas ! Je sais que je ne rêve pas. Mais je dois rêver. Je dois rêver maintenant ! Il faut que je rêve ! »

    Et Lewis Patrick fouille dans ses poches mais il ne trouve pas la montre. Il saisit Lane au col.

    « Herbert, je dois dormir ! Tout de suite ! Fais moi dormir ! C’est une question de vie ou de mort ! C’est la fin du monde ! »

    Et Lewis Patrick a dû se montrer particulièrement convaincant car son ami lui décoche un crochet au visage qui le plonge dans les ténèbres et le ramène… dans la maison de la Magicienne.
    Et elle est là, assise sur un petit tabouret de bois. On dirait qu’elle attendait. Qu’elle l’attendait. Elle lui sourit. On dirait qu’elle sait. Elle s’approche de l’armure de terre, l’ouvre et explique son fonctionnement. Elle explique aussi qu’il ne faut surtout pas en sortir car l’air du méta-monde pourrait lui être fatal, à lui, être de fiction. Mais il faut faire vite. Cellys et ses complices ont déjà commencé leur rituel. Lewis Patrick n’a aucune idée de ce qui lui permet d’affirmer cela mais il la croit. Aussi, il entre dans l’armure et la Magicienne la referme sur lui.

    On ne voit pas très bien à travers les deux ouvertures faisant office d’yeux. Sa vision se trouble. Les murs de la cabane de la Magicienne laissent la place à des murs blancs. Comme chez la magicienne, il y a peu de meubles. Mais point d’athanor ou de créatures dans des bocaux. Là, il n’y a que quelques livres sur des étagères blanches ou en bois. Il y a deux malles bleues devant lui. Mais son attention est attirée par un raclement venant de sa droite. De l’autre côté d’une porte ouverte, un homme est penché sur une sorte de machine à écrire dont émane un halo lumineux. Lewis Patrick fait un pas dans sa direction. L’homme ne lui parle pas. Il se borne à taper sur son étrange machine et Lewis Patrick entend les mots résonner dans sa tête.

    « Bonjour Lewis Patrick Hatecroft. Je suis le Joueur. À l’occasion, on m’appelle aussi Demian ou Demian Hesse. Mais aujourd’hui, je suis le Joueur. Tout ne s’est pas passé comme prévu. Cellys et ses complices sont passés à l’action plus vite que je ne le pensais et tu n’as plus beaucoup de temps si tu veux sauver ton monde. La Magicienne a raison. Je peux faire quelque chose. Je peux décider qu’Atlach-Nacha ne finira pas sa toile aujourd’hui. Je peux décider que ce ne sera pas la fin du monde, que Sturkeyville ne deviendra pas la Capitale de la Douleur. Je peux décider que Yog-Sothoth ne viendra pas apprécier ce cadeau et récompenser ceux qui le lui ont fait. Mais je suis le Joueur. Je joue pour connaître la suite de l’histoire. Si je fais ça, l’histoire s’achève. Mais si je ne le fais pas… elle s’achève aussi. À moins que je ne choisisse de  jouer dans un monde ravagé par les Anciens… Lewis Patrick, tu connais l’expression « mourir pour renaître » ? Si tu acceptes de mourir pour renaître, pour vivre une autre histoire et de nouveau combattre les Anciens, je sauve ton monde. Mais tu as conscience que si tu accepte, ce sera un autre Lewis Patrick Hatecroft qui se réveillera demain. Tu ne seras plus le gardien d’ouvrages occultes. Tu ne vivras peut-être même plus à Sturkeyville. Il ne te restera que ton nom et ta volonté de combattre les Anciens et leurs adorateurs. Acceptes-tu ? »

    Et le joueur s’empare d’un dé à six face.

    « Pair, tu accepte. Impair, tu refuse. »

    Et le dé tombe sur six !

Feuille de personnage avec les règles de Bois-Saule :

Destin fatal : (Le Jugement) Le bien précieux est une chose légendaire, s’en emparer peut transformer votre destinée.
Chassé par : un monstre (un vampire ?).
Chasse : les cultistes.
Une question : Pourquoi ces rêves étranges ?
Une certitude : les bois de ses rêves sont en lien avec ceux de Sturkeyville. Il y a un mystère dans les bois de Sturkeyville.
Une croyance : ce qu’il y a dans les livres du mythe est malheureusement vrai. Notre monde est menacé.
Une vertu : il veut vraiment combattre le mal et protéger l’humanité.
Un vice : il est attiré par les forces obscures et combattre le mal par le mal lui donne un prétexte pour s’adonner à ces noires magies.
Un souvenir qui te hante : le rituel d’invocation d’un Sombre Rejeton.
Ta quête : la vérité et le triomphe de la Lumière sur les ténèbres incarnées par les Anciens et leurs adorateurs.
Tes symboles : le Bâton qui guide les fidèles & l’Essaim aux milles mains et aux milles visages.
Tu possède un objet important : un exemplaire des Unaussprechlichen Kulten.

Commentaires de Thomas :

A. Hatecroft Manor ? Un jeu de mots avec Lovecraft ?

B. Pour cette partie, j’ai l’impression que l’apport de Bois-Saule se borne à tirer l’historiette du jour. On devrait alors plutôt dire qu’il y a des bouts d’Almanach plutôt que des bouts de Bois-Saule

C. D’où vient le changement de carnation du héros ? Est-ce que c’est une conséquence d’avoir vécu un cauchemar de Coelacanthes ?

D. Tu innoves en introduisant des cauchemars de Coelacanthes différents de ceux que tu utilise d’habitude, c’est cool.

E. J’y pense comme ça, mais si tu cherches un cadre d’enquêtes surnaturelles contemporaine en Amérique du Nord à investir avec du Millevaux dedans, je te conseille chaudement L’Autoroute des Larmes, qui se prêterait certainement fort bien à un crossover Psychomeurtre / Grey Cells.

F. « Maintenant, il peut l’organiser à Hatecroft Manor. Il appelle donc certaines personnalités de Sturkeyville, les invite à cette « soirée de retour » et les charge également de faire circuler l’information. Il espère ainsi que la complice de Cellys sera là et qu’il pourra la confondre d’une manière ou d’une autre.  » ça fait très Agatha Christie comme procédé 🙂

G. « Ne prêtant aucune attention à ce que lui raconte Lane, il poursuit sa lecture et apprend que le Ver Blanc vivrait dans la Contrée des Rêves.  » On pourrait imaginer que Millevaux envahisse notre monde en transitant par les Contrées du Rêve, ce serait cool 🙂  [et ceci dit, c’est plus ou moins ce qui se passe dans Cœlacanthes, mais utiliser les Contrée du Rêve lovecraftiennes comme passage serait assez cool.]

H. « De l’autre côté d’une porte ouverte, un homme est penché sur une sorte de machine à écrire dont émane un halo lumineux. » : j’adore la description d’un ordinateur vu par un homme de 1920 🙂

I. Sacré ironie que le joueur propose un choix au personnage, mais tire ensuite un dé pour savoir ce qu’il choisit.

J. « Tes symboles : le Bâton qui guide les fidèles & l’Essaim aux milles mains et aux milles visages. » : d’où tire-tu ces symboles ?

Réponse de Damien :

A, oui, c’est carrément ça Lewis Patrick Hatecroft = LPH=HPL love/hate etc. ^^

B, j’ai surtout joué avec Grey Cells au niveau technique. Bois Saule m’a servi pour poser certains éléments d’ambiance. ces derniers temps, j’ai pas mal utilisé Millevaux comme une contrée des rêves alternatives pour mes scénars de Chtulhu.

C, oui, c’est un effet du cauchemar. comme il est mort dedans, j’ai tiré sur la table de Cœlacanthes et voila.

D,j’ai pas fait exprès. je tire les cauchemars coelacanthes au hasard. des fois, je tombe sur les mêmes, des fois non. mais c’est toujours au hasard.

E, oui ^^ je suis déjà tombé dessus

F héhé, là je joue un « Socialite » c’est l’archétype du mondain dans Grey Cells et effectivement c’est plus pour jouer des scénars à la Christie. J’ai trouvé que ça collait bien avec le perso.

G,et oui, c’est ça, j’ai utilisé Millevaux comme une contrée des rêves et j’ai finis par tilter que si j’utilise plus Millevaux comme une menace de corruption de notre monde par cette foret que comme « terrain de jeu » cela vient justement de Cœlacanthes. je pense reprendre cette notion quand je me lancerai dans ma campagne de Mantra-Crasse-Millevaux.

H. j’ai un peu repompé ce passage sur le final d’un autre de mes solos ^^ mais j’aime bien cette idée que les persos puissent voir le joueur à l’œuvre mais lui non… ce serait casser la magie ^^.

I bah disons que j’essaie de ne pas trop tricher ^^ mais j’aime bien le meta-jeu comme ça. j’aimerais en faire plus.

J, ces symboles? ils sont sortis tout droit de Terres de Sang est Millevaux ^^ d’ailleurs, il faudrait que je me refasse un mix de Terres de Sang et Sphynx car j’ai eu une idée pour améliorer la jouabilité en solo en utilisant le questionnaire de préparation des ruines de la même façon que la fiche du serial killer dans Psychomeurtre. Il s’agirait de visiter les ruines et tenter de répondre à toutes ces questions: savoir qui vivait là, comment et pourquoi ils ont disparu etc.

voila, j’espère ne pas avoir été trop fouillis dans mes réponses car je ne suis pas sur le bon PC et n’est plus le CR sous les yeux. en tout cas, demain je me fais un ptit one shot de Silent Hill en version Sombre Max et je pense ensuite attaquer Mantra-Crasse-Millevaux avec de nouvelles incarnations de Haze, Corso et Lewis ?

Réponse de Thomas :

C. Ce qui est intéressant, c’est que dans Cœlacanthes, le changement de peau a en fait très peu d’influence : tout le monde s’en fout 🙂 Alors que retransposé dans les USA des années 20, ça a beaucoup plus d’impact : le héros doit se cacher, etc.

G. Le thème de l’invasion des mondes par Millevaux est encore plus présent dans Millevaux Mantra.

J. En fait, la fiche du serial killer de Psychomeurtre est inspirée de la liste des révélations de Sphynx : le procédé est juste plus transparent et ordonné. Mais du coup, réincorporer la fiche de Psychomeurtre pour créer un liste de révélations plus transparente et ordonnée pour Sphynx, ce serait un intéressant renversement de situation 🙂

K. Cool pour Mantra-Crasse-Millevaux. Tiens-moi au courant !

Damien :

ouais, j’avoue que j’ai tiqué quand je suis tombé sur cette transformation car je me suis vraiment demandé comment j’allais m’en sortir. Limite, j’aurais préféré de bon gros tentacules dans le dos ^^ disons que comme Cœlacanthes aura été ma porte d’entrée sur Millevaux ça conditionne plus ou moins consciemment plein de choses dans ma façon d’intégrer Millevaux dans mes scenars. et comme je compte mélanger ces univers et jeux que sont Millevaux, la Crasse et Mantra, au final, ça devrait coller ^^ pour Sphynx, je me suis rendu compte que je le faisais de manière informelle mais je me suis dit que mon RP gagnerait peut-être en qualité ou fonctionnerait peut-être mieux si je formalisais cela justement. sinon, je continues mon Silent Hill que j’ai commencé en prenant pour situation de départ un texte court d’Anton Vandenberg publié sur sa page FB ^^ ensuite, je voudrais tester le jeu solo de Matthieu Bé et ensuite j’attaque la Crasse. Normalement, j’aurais 3 persos: 1 Mouche, 1 Cafard et un mort-vivant. les 3 bosseraient pour Black rain et enquêteraient donc sur le meurtre de l’Hommonde mais aussi sur une nouvelle manifestation de l’Entropie : Millevaux! dont les agents seraient les Horlas et les Cœlacanthes. Et je compte aussi intégrer (si je peux) une nouvelle sorte de créatures plus ou moins hostiles ^^ ensuite, quand j’aurais reçu Mantra, je compte en remettre une couche en terme de Méta-jeu en faisant de nouveau apparaître le personnage du Joueur que j’ai déjà « joué » dans d’autres solos. le Joueur serait donc un Ancien de Mantra et les 3 autres ses avatars de la Crasse. enfin, c’est l’idée… après, ça prendra ptete une autre forme, on verra bien. et côté technique, je pense jouer la mouche avec Grey Cells, le mort-vivant avec Black Star Rise et le cafard avec divers système mixé à Parasite (de Fabulo).

Laisser un commentaire