Cet article est paru initialement sur le forum des Ateliers Imaginaires. Celui-ci étant hors-service (j’espère temporairement), je reposte ici l’article à des fins de référencement.
(temps de lecture : 5 minutes)
Sir John Tenniel, domaine public
INTRODUCTION
Pourquoi vouloir gérer le rythme et le temps en jeu de rôle ? Parce qu’on veut faire des séances courtes, pour éviter l’ennui ou encore pour rechercher une aventure trépidante. Trois attentes différentes, qui peuvent conduire à des solutions différentes, à piocher parmi les propositions suivantes.
PRÉPARATION
+ Une préparation sert à aller plus vite en jeu, en préparant les éléments qui prendraient trop de temps à improviser (statistiques d’adversaires, plans des décors, éléments d’enquête, évènements-clefs…).
+ Éviter les préparations qui au contraire freineraient le jeu (fouillis de notes longues à consulter, scènes trop détaillées, longs documents à faire lire aux joueuses…).
CHRONO
+ Connaître à l’avance la durée de la partie.
+ Se fixer un temps maximum par scène et programmer une alarme qui sonnera au terme de ce délai. Conclure alors la scène en une minute. Passer à la scène suivante de façon elliptique (ce que Johan Scipion appelle « le montage cut »).
Pour aller plus loin :
[Scénario] Johan Scipion : Sombre 4, scénario White Trash
[Compte-rendu de partie] Thomas Munier : Mildiou 5 : comment faire jouer au pas de charge un scénario officiel.
+ Décréter des pauses entre deux chronos. Ces pauses aussi peuvent être chronométrées ! Quand on revient en jeu, tout le monde est plus concentré.
+ Limiter le temps disponible à chaque joueuse pour décider de son action, soit en comptant jusqu’à trois, pour que la joueuse prenne sa décision, soit en dédiant un chrono à la rédaction d’ordres d’action sur papier.
Pour aller plus loin :
[Jeu] Johan Scipion : Sombre 1
[Compte-rendu de partie] Thomas Munier, Mercenaires ! / 5.2 Déclaration d’intention papier
PRIORITÉS
+ Identifier ses intentions ludiques et narratives : qu’est-ce qui est important à faire jouer ?
Pour aller plus loin :
[Podcast] Sébastien Delfino & Kobal : Les carnets ludographiques #1 : les intentions narratives
[Podcast] Sébastien Delfino & Kobal : Les carnets ludographiques #2 : les intentions ludiques
+ Faire des introductions in media res, c’est-à-dire démarrer l’aventure directement dans l’action.
Pour aller plus loin :
Jérôme Larré (et 32 autres personnes) : 119 intros in media res
+ Éviter de faire tout jouer. Utiliser des ellipses. Ne jouer que les péripéties importantes.
+ Se tenir prêt à sacrifier des scènes intermédiaires pour caser son climax à la fin de la séance.
+ Dans le cadre des enquêtes, donner les indices gratuitement, c’est-à-dire sans demander un jet de dé, ni même sans attendre que les joueuses déclarent fouiller l’endroit. Cela permet d’aller directement à la phase d’analyse des indices. Multiplier les indices convergents pour accélérer le passage à la phase de confrontation avec les suspects.
Pour aller plus loin :
Justin Alexandrer : la règle des trois indices
RÉSOLUTION
+ Utiliser un totem de jungle speed ou une sonnette pour tirer l’initiative. Les joueuses vont devoir compter sur leurs réflexes ! La joueuse qui a l’initiative donne ensuite la main à qui elle veut, personnage ou figurant, et ainsi de suite jusqu’à la fin du round (méthode tirée du jeu de rôle Marvel Super Heroes)
Pour aller plus loin :
Bartab, Kevin « Netzach » Baussard, Romaric Briand, Thomas Munier, Nelyhann, Johan Scipion : Podcast de la Cellule HS : Suspense…
+ Résoudre par conflit plutôt que par action. On résout une épreuve par conflit quand on fait un seul jet de dé pour tout le groupe. Le jet est réussi, l’épreuve est surmontée. Le jet est raté, l’épreuve est un échec. Alors qu’une résolution par actions décompose l’épreuve en étapes, ce qui favorise l’immersion et la liberté d’action des joueuses, mais prend beaucoup plus de temps.
+ Résolution freeform. Le freeform est une mécanique de résolution légère : peu ou pas de chiffres. Limitez vos figurants ou vos épreuves à quelques statistiques, voire à un seul seuil de difficulté ou à un score de points de vie.
Pour aller plus loin :
Jonathan Walton : The Beginnings of Structured Freeform (Draft)
+ Chaque jet compte. Limiter les jets de dés aux seules actions vraiment cruciales ! Cela maximise la tension ludique. Gérer le reste des actions en narratif pur, éventuellement en se basant sur les statistiques des forces en présence pour en déduire l’issue sans lancer les dés.
+ Un seul jet de dé par enjeu : échec et réussite sont définitifs.
Si le jet d’escalade est raté, le personnage reste au pied de la falaise : cette escalade est définitivement hors de sa portée. S’il est réussi, le personnage grimpe toute la falaise : on évite de refaire un jet tous les trois mètres.
Pour aller plus loin :
Fabien Deneuville : Animer la partie en jeu : Quelques bonnes idées de Mouse Guard à réutiliser ailleurs…
+ Limiter la chasse aux bonus. Faire comprendre aux joueuses qu’elles peuvent se passer d’expliquer chacune de leurs actions en détail dans l’espoir d’augmenter en efficacité, en supprimant la notion de « bonus au roleplay » et la notion d’avantages narratifs qu’il faut se donner la peine de traquer.
NARRATION
+ Les scènes sont intéressantes si elles ont un enjeu ludique ET narratif : éviter les combats sans impact sur l’aventure (enjeu ludique sans enjeu narratif), les longues cinématiques (enjeu narratif sans enjeu ludique) ou les scènes d’entraînement (peu d’enjeu ludique, peu d’enjeu narratif).
+ Préférer les temps de choix aux temps de description.
+ Faire parler ses figurants au style indirect.
+ Mixer combat et roleplay à la mode shonen.
+ Quand on improvise : la meilleure idée est toujours la première. Limiter les temps de « blanc » à réfléchir sur la meilleure chose à raconter. Préférer la fluidité à l’originalité.
JOUEUSES
+ Les joueuses sont tout aussi responsables du rythme que la personne qui maîtrise le jeu. Les avertir que cela fait partie des préoccupations de la partie.
+ Avertir les joueuses du temps que durera la partie. Préciser qu’il n’y aura aucune séance de rattrapage : il faut boucler ce soir.
Pour aller plus loin :
Eugénie Bidet, En direct de Pyongyang
+ Demander aux joueuses de se mettre dans l’état d’esprit d’un one-shot, même si on joue en campagne. Elles adopteront un jeu plus nerveux, plus recentré.
Pour aller plus loin :
Grégory Pogorzelski : L’éloge du coup d’un soir
+ Enlever l’opportunité aux personnages de se préparer. Cela permet d’éviter qu’une aventure prévue comme trépidante débute par une longue session d’enquête, de boutiques et d’artisanat, à l’initiative des joueuses. Trouver un prétexte pour que le temps manque aux personnages pour se préparer, ou faire une ellipse sur cette préparation.
Exemple 1 : « À l’issue de votre préparation, chaque personnage a eu le temps de collecter un objet. Quel objet votre personnage a récupéré ? »
Exemple 2 : « Je vous ai fourni des personnages prétirés. Leur équipement est déjà prêt et ils dont déjà collecté tous les renseignements qu’il était possible de glaner sur place. »
+ Dans les jeux à missions, jouer les supérieurs des personnages comme des personnes pressées qui demandent fréquemment des rapports. Comme les personnages doivent rendre souvent des comptes, les joueuses vont se concentrer davantage sur la mission.
+ Jouer contre la montre, et annoncer des conséquences lourdes en cas de retard.
Si les joueuses échouent à trouver le criminel avant cette nuit, il y aura une nouvelle victime. Peut-être aussi que le criminel s’en prendra à leurs proches, ou que leur réputation d’enquêteur sera entachée. Il est possible de cumuler contre la montre narratif et contre la montre ludique.
+ Savoir dire oui aux propositions des joueuses (Initiatives des personnages, supposition méta des joueuses) : Refuser le jeu vide.
+ Mais aussi savoir dire non quand il le faut : refuser les digressions.
CONCLUSION
Quand la gestion du rythme et du temps sont importantes, on gagne à comprendre les subtiles interactions entre temps ludique et temps narratif, et à jouer avec. On retient pour autant le besoin de ménager des respirations, des temps de pause et d’introspection, qui vont enrichir le jeu, à moins de jouer des aventures frénétiques qui poussent les joueuses à prendre des décisions brutales.
Pour aller plus loin :
[Article] Frédéric Sintes, Création : le syndrome orphelin du « tout conflit »
Salut,
Une soupape pour échapper au syndrome du tout conflit: les spotlights mechanics.
https://nickwedig-libraryofhighmoon-com.translate.goog/2022/02/spotlight-mechanics/?_x_tr_sch=http&_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=en
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Merci DeReel, tu trouves toujours des mécaniques sorties de la Lune à nous faire découvrir 🙂
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