LA CARAVANE DE L’OUBLI
Une partie charnue avec des quêtes difficiles qui laisse un arrière-goût de fatalité.
(temps de lecture : 7 min)
Le jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur
Joué le 05/07/18 dans les locaux de l’association Tabula Rasa, à Chalons en Champagne
Jglozik, cc-by-sa
L’histoire :
Une forêt aux arbres dont l’écorce écaillée semble risquer de se détacher à tout instant. Les marchebranches croisent une petite caravane, quelques roulottes tirées par des grosses bêtes à six pattes aux allures de tortues.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, le vent murmure des poèmes.
Parmi les marchebranches, il y a :
Linel, un humain a peu près normal. Il a un seul trait animal : des yeux de chat. Il a des Cheveux noirs, assez courts. Environ 30 ans. Grand, fin. Des mains fines et un peu abîmées. Des vêtements normaux. Un bâton fort bien orné, en buis, à peu près droit, gravé tout du long avec des formes géométriques, très finement taillé et travaillé. Linel est toujours en train de tailler un morceau de bois.
Noisette, une adolescente humaine-animale (avec des oreilles et des incisives d’écureuil, des cheveux bruns roux, des yeux noisette, de petites mains, une queue en panache). Son bâton est un shillelagh (un bourdon sculpté) avec deux sacs accrochés dessus.
Elle est plutôt sympa, attachante mais casse-pieds. Elle se sert de son bâton pour casser des noix. Elle est un peu écervelée.
Ruben est l’inverse de Noisette. C’est un loup-garou typé slave. Bourru, des yeux bleus. Costaud. Il passe sa vie sur les routes, il ne sent pas à sa place chez les sédentaires. Il porte un gros bâton de marche.
Saponine est une humaine adolescente, elle a des cheveux longs, raides, des yeux marron doré. Elle est assez maigre, la peau pâle, perdue dans ses pensées, tout le temps en train de se pencher pour remuer le sol, la terre, pour y trouver quelque chose. Elle a un don pour trouver des plantes, même dans les sols les plus inhospitaliers. Son bâton est un thyrse en bois de cornouiller recouvert de vigne, de raisin et de grenades. Elle veut rendre la terre plus nourricière. Elle est pensive, peu loquace.
Kari Zev est aveugle. Son singe Ragavan l’accompagne partout. C’est une humaine adolescente, costaude bien qu’elle paraisse assez jeune et famélique. Elle porte des haillons, des fripes. Son bâton est orné de gris-gris et d’un attrape-rêves. Elle erre dans les rues et les forêts, ne tient pas en place.
Il s’avère que la caravane est un rassemblement de personnes qui se sont associées pour éradiquer l’oubli. Une bien grande ambition. A la surprise des marchebranches, elle ne compte qu’un enfant, Érable, un petit garçon qui leur confie qu’il a vu les écorces bouger.
Les marchebranches rencontrent trois donneurs de quête.
Dame Fauconia, une femme-faucon, cheffe de la caravane, veut qu’on détruise une créature (la Masse) qui mange la mémoire des gens et serait située au cœur de la forêt des lumières. Elle confie qu’elle avait d’abord demandé à une marchebranche passagère de la caravane, Cornebique, mais celle-ci a accepté la quête sans pour autant s’en acquitter car elle est débordée (ce que Dame Fauconia lui reproche à mi-voix).
Les marchebranches rencontrent aussi Cornebique. C’est en effet une marchebranche elle aussi. Elle confesse manquer de temps, de ressource, et d’énergie pour mener à bien seule toutes les quêtes qu’elle a accepté. Elle leur en délègue donc une : porter une noix au nefmestre de la ville flottante.
La dernière donneuse de quête est Sable, une sculptrice qui fabrique des colonnes d’humus dans du verre. Ces colonnes contiennent des souvenirs. Elle pense que ses proches ont été remplacés par des horlas et charge les marchebranches d’enquêter là-dessus. Les marchebranches constatent de prime abord que son père et son frère ont un comportement étrange, un peu répétitif, mais il faudrait encore creuser. En guise de pré-paiement, Sable offre à Saponine une colonne d’humus qui semble comme dégouliner, se morfondre à l’intérieur. Fascinée par la terre, Saponine apprécie ce cadeau à sa juste valeur, mais veut attendre le bon moment pour l’ouvrir.
Ils passent la nuit dans une barque attelée à la caravane, prévue en cas de navigation en mer. Linel fait un rêve. Il est dans les forêts limbiques, dans une clairière, il voient une fromagère qui fabrique des fromages à partir de chagrin. Il lui demande qui elle est, elle lui répond : « Pourquoi m’as-tu oublié ? »
Ces trois quêtes obligeront les marchebranches à se séparer en deux groupes et à arpenter la région. Voici les chemins depuis l’emplacement initial de la caravane :
Tour des fauconniers (2J de marche) : patte d’oie vers tour d’Ardence (+3 J) et Forêt de coraux (+2J)
Vers la forêt étrange à partir de laquelle les horlas ont commencé à remplacer les proches de Sable : 7 J
Cité des érudits : 4 J
Ville flottante : 5 J
Forêt des lumières : 3 J
Trajet effectué par la caravane entre le début de l’aventure et le moment où les marchebranches la rejoignent : 8J
Noisette et Ruben se chargent de convoyer la noix. Noisette est au supplice, très tentée de dévorer l’objet. Ils traversent une forêt et y rencontrent un horla chasseur de horlas, une créature aux pattes grêles qui ressemblent à des arbrisseaux, et au gros corps élevé au niveau des branches des arbres, qui porte un sac pour capturer ses proies. La créature leur explique qu’en ce moment, l’eau des rivières est empoisonnée : seuls les horlas peuvent en boire sans en souffrir. Il peut les aider à condition qu’il lui livre un horla. Craignant la noirceur, les marchebranches lui demandent ce qu’il va en faire. Il répond qu’il va l’amener dans « une forêt paradisiaque où il coulera heureux le restant de ces jours ». Ils capturent pour lui un horla qui s’abreuvait à la rivière et le prédateur le met dans son sac. Ils lui redemandent s’il veut le manger, le chasseur se cache moins, il dit qu’il peut le manger devant eux s’ils veulent, mais ils réclament quand même qu’il s’éloigne pour accomplir son forfait. Il revient avec un tonneau rempli d’un liquide noir : « vous pouvez le boire sans risque pour votre santé. » Ils boivent avec dégoût l’urine de horla. Durant ces péripéties, Noisette a contracté une noirceur. Elle a maintenant la phobie des noisettes. Dur. Ruben explique au horla chasseur de horlas qu’il pourrait trouver de nouvelles proies dans la caravane de l’oubli. Il se dirige vers elle avec un grand sourire.
Bon gré mal gré, ils suivent la rivière et arrivent à l’embouchure du fleuve. La ville flottante est une flotte de bateaux. Ils vont apporter la noix au nefmestre mais quand celui-ci l’ouvre, il s’en dégage un nuage de spores qui portent une grave maladie. Cette quête était un piège ! Ruben essaie de sauver un maximum de gens mais en fait il ne peut sauver que Noisette.
Linel, Saponine et Kari Zev se rendent à la tour des fauconniers. Ce sont des hommes-faucons qui vivent en autarcie dans la tour, à l’abri des dangers de la forêt. Ils utilisent leurs faucons apprivoisés pour récupérer des nouvelles du monde extérieur qu’ils marchandent aux voyageurs. Les hommes-faucons leur décrivent la Masse observée par les faucons au cœur de la forêt des lumières : c’est une grosse boule jaune qui dégage des ramifications fractales dans toutes les directions, ces dites ramifications parcourent toute la forêt des lumières et commencent à s’étendre au-delà.
Ils poursuivent leurs enquête en poussant jusqu’à la tour du mage Ardence. C’est un édifice de l’ancien temps, un village est installé sur les marches extérieures de cet édifice colossale, un peu en hauteur, en retrait des dangers immédiats de la forêt. Le mage Ardence est un vieil érudit que la sénilité commence à atteindre. Il a énormément de grimoires cependant. Saponine y découvre que la forêt des lumières recèle des espèces végétales délicieuses et extraordinairement nutritives. Elle y voit un grand intérêt, car elle a pour obsession d’éradiquer les famines et de nourrir un maximum de gens grâce aux plantes.
Ils comprennent que la Masse est une sorte de dieu et qu’elle nourrit la forêt de lumière en absorbant la mémoire des gens alentours. Ils ne veulent pas tuer un dieu et être touchés par la noirceur à cause de ça.
Les deux groupes se rejoignent et suivent les traces de la caravane de l’oubli qui a continué son périple. Quand ils la rejoignent, elle a perdu un certain nombre de son équipage. Le horla chasseur de horla les a emportés vers une forêt paradisiaque. Y compris… Érable
En quelque sorte, la quête de Sable est accomplie mais elle est atterrée parce qu’elle a perdu un certain nombre de ses proches. Elle donne quand même sa carte de tarot.
Ils trouvent Cornebique dans sa caravane. Elle est en train d’absorber toute la mémoire qu’il y a dans ses nombreuses cartes de tarot glanées de quête en quête. Elle ne veut pas succomber à l’oubli mais elle est devenu complètement accro aux cartes.
Les souvenirs que les marchebranches récupèrent ne sont pas roses.
Noisette découvre qu’elle a lui-même créé la noix toxique pour un mystérieux commanditaire, un mage noir qui lui a fait don des ingrédients.
Linel découvre qu’il était le mari de la fromagère. Elle voulait un enfant, pas lui. Alors il l’a quitté, il a traversé la forêt, c’est ainsi qu’il a perdu la mémoire et est devenu un marchebranche.
Il voit l’écorce d’un arbre frisonner comme si quelque chose derrière voulait éclore. Il ose regarder. Il écarte l’écorce…
FIN
Feuilles de personnage :
Kari Zev
force, artisanat, vagabondage
Notes : singe compagnon (Ragavan)
Noisette
âme, artisanat, chasseur de reliques
Niveau 1 :
Souvenir : j’ai créé malgré moi la noix toxique grâce à un don d’un mage noir
Spécialité : identifier les plantes comestibles
Linel
esprit, artisanat, menuiserie
Notes : morceau de bois taillé en corail
Niveau 1
Carte / Souvenir : Pape à l’envers / Refus d’avoir un enfant ? rancœur de ma femme
Spécialité : reconnaître un arbre
Saponine
âme, artisanat, cultiver les plantes
bocal d’humus avec souvenir ( a provoqué une famine pour sauver une communauté)
recettes à base de plantes de la forêt des lumières (très nutritives)
Commentaires :
Durée
1h briefing, création de personnage, 3h1/2 de jeu, 1/2h de debriefing
Profil de l’équipe :
Expérimentée dans les jeux traditionnels, un peu plus en découverte sur les jeux narratifs
Retours de l’équipe :
Joueur de Noisette :
+ Je pense que ça a du potentiel
+ Y’a peut-être des choses à améliorer mais je ne sais pas quoi.
Joueur de Saponine :
+ Très vicieux et très difficile. [Réponse de Thomas : j’avais décidé de jouer à un niveau assez hardcore ce soir : 3 quêtes en simultané, des niveaux 0, deux entourloupes sur les trois quêtes, des quêtes un peu compliquées, la gestion des climats…]
+ L’univers est super riche et très original.
+ Une certaine impression d’impuissance. On a trois grandes missions et pas forcément la capacité à les résoudre.
Joueur de Linel :
+ J’ai pas trop le feeling avec les jeux narrativistes.
+ L’univers est sombre et intéressant. J’accroche beaucoup plus.
+ J’ai du mal à me mettre dans un univers, surtout avec des mécaniques pas naturelles, il faut un temps d’adaptation mais c’est intéressant, c’est une bonne chose.
+ Je m’interroge sur la complexité des scénarios.
Retour personnel :
J’ai permis à Noisette et Ruben de guérir leurs noirceurs par une péripétie sans lancer de dés. Je m’interroge si je dois généraliser cette pratique ou si parfois, guérir d’une noirceur impliquerait un lancer de dés (ce qui comporte le risque, comme je l’ai déjà observé, qu’un marchebranche prenne une noirceur pour guérir celle d’un autre). Je pense que ça relève d’un réglage de difficulté qui revient à l’arbitre et à la table.
C’était intéressant de prendre son temps afin de mettre en place une ambiance. Je suis dès le départ parti sur l’idée qu’on tiendrait la soirée sur seulement trois quêtes. L’ambiance de plus en plus triste s’est mise en place un peu malgré moi, je crois que je voulais changer de beaucoup de mes parties qui étaient plus feelgood, alors j’ai suivi la pente fataliste que le jeu porte en lui. Du coup, on a vraiment exploré le côté clair-obscur de Marchebranche
On continue avec cet enthousiasmant marathon de récits de parties de Marchebranche ! En espérant que ça vous fait patienter pendant que le livre progresse 🙂
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