Mon bilan personnel du défi Trois fois forgé

Voici mon retour d’expérience sur les coulisses du jury, les fiches de lecture, le ressenti sur les jeux et sur le déroulé global de ce concours qui démontre la toujours très solide émulation créative dans le monde rôliste !

(temps de lecture : 4 minutes)


Je vous avais annoncé que je serais membre du jury de la 9ème édition du défi Trois Fois Forgé organisé par le site rôliste Places to go people to be.

Ce fut chose faite, en compagnie de :

  • Anne Marchadier, blogueuse de « Ni pute ni soigneuse« 
  • Malaurie « Cúramach », traductrice chez PTGPTB

Vous le savez, je n’ai jamais moi-même remporté de concours de création de jeu de rôle. J’ai participé deux fois au Game Chef, ce qui a conduit aux jeux S’échapper des Faubourgs et Dragonfly Motel mais je n’ai jamais été finaliste.

Petit syndrome de l’imposteur donc, mais le format du défi Trois Fois Forgé était trop intrigant pour refuser. Je rappelle, pour qui l’ignore, que le défi Trois fois forgé consiste à créer un jeu de rôle à trois. Lors d’une première passe, vous créez un prototype de jeu, une deuxième personne transforme votre jeu lors d’une deuxième passe, et une troisième personne aboutit le jeu lors d’une troisième passe. Ce sont ces troisièmes passes qui sont évaluées par le concours, même si les passes précédentes peuvent être parfois des jeux terminés ou le devenir lors de corrections ultérieures. C’est ce processus de création collaborative et asynchrone qui attire ma curiosité.

En tant que membre du jury, il m’a fallu relire les cinq finalistes et leur adresser une fiche de retour, puis j’ai débattu avec Anne et Malaurie pour établir un classement.

La création de la fiche de retour était le moment le plus intéressant parce que cela donnait l’opportunité d’apporter quelque chose aux finalistes, un peu de ma modeste expérience en création de jeu et en théorie rôliste. J’espère que mes retours leur seront utiles.

Courez jeter un œil aux finalistes, chaque jeu m’a donné envie de jouer, quel dommage que les journées ne fassent que 24 heures et les semaines que 7 jours !

Les jeux non-finalistes valent sûrement également le coup, quelques pépites ont sûrement dû passer au travers du filet de l’évaluation par les pairs, et l’avantage du défi trois fois forgé et que le parcours est émaillé de nombreux retours et interviews de participant.e.s pour voir l’envers du décor.

Donc les finalistes sont :

Director’s Cut

Un jeu sur le cinéma et plus précisément sur les enfers de production qui vous fera beaucoup rire. Entre les galères des films fauchées et les blockbusters pilotés par des majors aux exigences délirantes, vous allez incarner les différents membres du staff, avec vos propres agendas idéologiques et des contraintes aussi assommantes pour les PJ que drôles pour les jouaires…

Ceci permet de rappeler que j’ai moi-même écrit un jeu sur les enfers de production au cinéma, dans une veine plus « sérieuse », l’halluciné A cursed movie in the deep and wild.

Dieu est dans les détails

Un très beau jeu de world building qui vous mettra dans la peau de divinités créant un monde et se jouant des humains… Mais gare ! Car ce sont eux qui écriront votre histoire par le biais d’un poète qui se permet de raconter les choses à sa sauce… Le jeu est émaillé de belles citations de textes sacrés qui mettent dans l’ambiance. J’apprécie évidemment le fait d’incarner des entités qui rend plus vivant le fait du world building. Et j’aime tout autant le principe du narrateur non fiable. Ce sont deux choses que j’ai exploitées dans mon propre jeu de world building, La litanie des êtres.

Gobs Death Robot 

Vous allez incarner des gobelins qui pour affronter un monde pas du tout à leur mesure, ont bricolé un robot géant… qui développe des sentiments… Un pbta d’exploration sous forme de hex-crawl plus tendre que le postulat apparemment décalé le laisse supposer au départ. Avec un jeu de tables aléatoires à haut potentiel ludique qui promet une bonne jouabilité malgré le format court.

L’Illégaliste

Un pbta qui vous propose d’incarner des anarchistes impliqué.e.s dans le banditisme par conviction politique peu après la chute de la fameuse Bande à Bonnot. Déjà, le thème est original et m’a fait plonger dans cette époque et dans cette idéologie de l’illégalisme que je connaissais mal. Cela fait forcément penser au légendaire jeu Lady Rossa qui proposait d’incarner les Brigades Rouges dans leur engagement tragique. J’ai beaucoup aimé la mise en page sous forme de journal.

Meurtre au dîner

Ce jeu vous propose tout simplement d’improviser votre propre soirée enquête / cluedo mais avec le confort du jdr sur table, donc sans costumes et bien tranquillement attablés autour… d’un bon repas qui est le petit élément GNistique / immersif du jeu, puisqu’on incarne des gens de la bonne société victorienne devisant, entre la poire et le dessert, sur qui d’entre nous pourrait avoir commis le meurtre qui a quelque peu dérangé le service du plat d’entrée. C’est un jeu plus tactique / plateau qu’un véritable jeu d’enquête mais il y a fort à parier qu’on peut beaucoup s’amuser à roleplayer les personnages archétypaux du whodunit. La génération procédurale d’intrigue et de personnages évoque bien évidemment des antécédents dans le monde du GN / huis-clos / GN rôlistisés que sont l’excellent Intrigues en huis-clos, de Thomas Solonce, ou Les Sentes, de votre serviteur.

Bilan global :

Dans l’ensemble, les finalistes (et je suppose les autres jeux du concours) ont eu à relever le difficile défi du format court (une limite haute de 28000 signes espaces compris). Les cinq jeux finalistes ont tous opté pour une approche assez mécanistes : les jeux reposaient sur une économie assez mathématique (dont il a m’a été difficile de juger l’équilibre, n’ayant pas eu le temps de playtester) et ils manquaient de place pour développer l’aspect roleplay… Espérons que nous verrons émerger davantage de jeux freeform pour les prochaines éditions, qui supprimeraient le signage dédié aux mécaniques et aux maths pour se concentrer davantage sur l’aspect narratif. Cette remarque reflète avant mon goût personnel des dernières années, l’abandon progressif et désormais complet des chiffres et même des mécaniques ayant été une épiphanie pour moi.

4 commentaires sur “Mon bilan personnel du défi Trois fois forgé

  1. Merci Thomas d’avoir pris le temps de remplir les fiches d’évaluations et de nous les avoir envoyées.
    Ce sont des aides précieuses pour améliorer nos jeux en vue de versions plus complètes (et moins limitées en signes ^^).

    Et pour te faire plaisir, au 3FF l’année prochaine, j’essayerai de faire un jeu avec un système light, narratif et sans nombres.

    Tolkraft, auteur de « Gobs Death Robot »

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