Un atelier d’écriture contaminé par la forêt

Un atelier d’écriture contaminé par la forêt

Et si vous aussi, vous tentiez d’infiltrer un atelier d’écriture pour explorer votre univers en contrebande ?

(temps de lecture : 5 min)

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bDom, cc-by, sur flickr.com

Le contexte :

Le 21 mai, j’ai participé en tant que simple public à un festival sur ma commune de Moustoir-Ac : Tohu-Bohu chez les Chas Du

Pendant une heure, j’ai eu notamment le plaisir de participer à un atelier d’écriture animé par Marie Baudry et inspiré d’un livre : Animer un atelier d’écriture pour tous, par Evelyn Plantier.

L’atelier était composé de 7 exercices rapides, qui nous invitaient beaucoup à parler de nous et de notre autobiographie. L’aspect autobiographique a son intérêt (il permet de fournir du matériau à l’infini quand on manque d’inspiration) mais j’ai personnellement décidé de l’esquiver et à la place, j’ai situé mes soumissions dans l’univers forestier de Millevaux.

C’est pour cela que j’ai décidé de vous montrer les exercices et les soumissions que j’ai faites. Cela illustre très bien la combinaison qu’on peut faire entre un univers fictionnel et des contraintes créatives, et cette approche peut vous intéresser pour toute pratique d’écriture ou de création, qu’elle soit romanesque, rôliste ou autre.

J’ai ici reproduit le tempo de l’écriture manuscrite rapide qui m’a poussé à faire beaucoup de saut de lignes, comme une versification.

Merci à Marie Baudry qui m’a autorisé à reproduire ici le déroulé de l’atelier.

Exercice 1 : Brise-glace

À nos pieds se trouvent plein de cartes postales. On nous demande d’en choisir une et d’expliquer notre choix en relation à qui nous sommes ou comment nous nous sentons maintenant. Logiquement, je prends une carte représentant une forêt puisque c’est ma thématique phare. Ensuite, nous recevons la carte qu’avait prise une autre personne et nous devons relier à notre propre vécu / ressenti. Je reçois une carte qui montre une horloge et je précise que je viens juste d’avoir 40 ans. Je réalise après coup que j’aurais pu relier au thème de la mémoire et du passé, rapport à Millevaux, mais je n’avais pas encore décidé d’esquiver l’aspect autobiographique.

Cet exercice m’a forcément beaucoup fait penser au jeu de rôle Les petites choses oubliées, qui pourrait d’ailleurs aussi bien convenir comme exercice d’atelier d’écriture que comme jeu pour l’univers de Millevaux, vu l’exploitation du thème de la mémoire.

Exercice 2 : « J’ai envie de répondre… »

Après l’exercice brise-glace, il est temps de prendre les stylos et d’écrire. Marie Baudry nous demande de trouver une suite à cette phrase. À partir de cet atelier, j’esquive la contrainte autobiographique et je localise mes soumissions dans l’univers de Millevaux.

Voici ma soumission :

J’ai envie de répondre à cette lettre trouvée
dans cette boîte à lettres que j’ai défoncée
pour chercher de la nourriture.
Je fus saisi du sentiment qu’elle m’était adressée
bien que ce fut impossible.
J’ai écrit une réponse et j’attends.

Exercice 3 : « Il luttait contre la tentation… »

À nouveau une phrase à terminer.

Voici ma soumission :

Il luttait contre la tentation de mordre.
Ça lui prenait depuis quelques jours et la rencontre avec
le renard. Mais ce soir, c’était son premier rendez-vous
et ce serait dommage de tout gâcher.

Exercice 4 : « Le jour où on l’a eu… »

À nouveau une phrase à terminer.

Voici ma soumission :

Le jour où on l’a eu
c’était un beau jour d’hiver
et on était très contents
c’est juste dommage
que ça ne soit pas vraiment
un enfant

Exercice 5 : « Je me souviens… »

Cet exercice (assez connu, je crois), inspiré de l’écrivain Georges Perec, nous invite à énumérer une liste de souvenirs en scandant chaque début de phrase par « je me souviens ».

Ma soumission :

Je me souviens des trous qu’il y avait dans les choses
Je me souviens des arbres sans arbres au milieu de la clairière
Je me souviens du bruit que ça faisait quand ça venait
Je me souviens des gamelles suspendues aux branches
Je me souviens des filtres à café pleins de terre
Je me souviens de ce qui poussait dedans
Et je me souviens de ce qu’on mangeait
            la bouche pleine de dents

Exercice 6 : « Celui qui… / Celle qui… »

Une autre énumération (peut-être un exercice oulipien comme le précédent, mais je ne suis plus sûr. Le livre d’Evelyn Plantier doit certainement préciser ses sources.), cette fois-ci de personnes. Comme le précédent, on nous a explicitement proposé d’exploiter notre autobiographie, mais vous avez compris, j’ai à nouveau détourné la consigne 🙂

Ma soumission :

Celui qui tendait son gobelet
Celle qui prenait des vessies pour des lanternes
Cellui qui ne fumait que des Celtiques
Celle qui chantait des chansons ringardes
Celui qui avait le cœur sur la main
Celle qui l’a lâché
Celui qui t’aurait vendu un frigo alors qu’y a pus de jus
Celle qui l’avait acheté avec ses plus beaux souvenirs
Cellui qui faisait du tapage pour éloigner le mal
Celle que ça faisait danser

Exercice 7 : on développe un personnage du précédent exercice.

Chacun notre tour, nous devions lire notre liste de l’exercice 6 à une autre personne participante afin qu’elle en choisisse une ligne, charge à nous de développer dessus dans ce dernier exercice. On m’a choisi « Cellui qui faisait du tapage pour éloigner le mal. »

Ma soumission :

Cellui qui faisait du tapage pour éloigner le mal
iel croyait que l’argent poussait dans les arbres
iel perdait toujours le chemin pour en trouver un meilleur
iel fabriquait des bonbons avec on sait pas trop quoi
iel collectionnait les feuilles mortes,
        quelle collection stupide
            quand on y pense
iel avait trois doigts à un un pied
        ce qui lea rendait très fier e
   
    le reste on sait plus trop

Conclusion :

J’adore les ateliers d’écriture pour y avoir déjà participé en tant que public ou animateur. J’ai assez nettement piraté mes derniers ateliers d’écriture en tant qu’animateur pour amener l’univers de Millevaux ou au moins mes marottes personnelles. Mais c’est la première fois que je pense à le faire en tant que public. C’était très instructif et ça a été apprécié, dans le sens où, comme c’est fréquent dans les ateliers d’écriture, Marie Baudry était ouverte à ce qu’on s’approprie les consignes.

Cela rejoint évidemment très fortement mon projet actuel d’exercices de style poétiques dans l’univers de Millevaux qui s’appelle La Tourbe et la Paupière.

Pour aller plus loin :

[Collection d’articles] Thomas Munier, Narration interactive, sur Outsider
[Livre] François Bon, Tous les mots sont adultes : Méthode pour l’atelier d’écriture, éditions Fayard
[Livre] Gianni Rodari, Grammaire de l’imagination, éditions Rue du Monde

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