Il existe deux types d’activités : la vocation et la servitude consentie.
Le travail choisi est un travail qui nous permet d’utiliser notre créativité dans le sens de nos valeurs. Il peut être rémunéré (comme un travail salarié) ou non (comme un parent au foyer), mais c’est surtout un travail qui a du sens pour nous.
Il a du sens pour nous parce que nous pouvons nous y montrer créatifs, mais surtout nous nous montrons créatifs parce qu’il a du sens pour nous. Le travail de pompier est un travail qui paraît à première vue dénué de créativité, mais un pompier par vocation fera à coup sûr preuve de créativité pour rendre son métier plus sûr, tout en protégeant efficacement les personnes et les biens.
Nos valeurs évoluent au cours de notre vie, aussi ce qui est une vocation aujourd’hui peut cesser de l’être plus tard.
L’essentiel de l’évolution de l’humanité est fourni par les personnes qui ont l’opportunité d’exercer leur vocation, car elles s’y donnent corps et âme, et surtout utilisent à plein régime leur créativité pour faire progresser leur vocation.
Une vocation sort parfois du cadre d’un métier ou d’une catégorie précise. Certaines personnes s’épanouissent dans des choix de carrière qui peuvent sembler opportunistes du moment qu’elles savent utiliser leur créativité en cohérence avec leurs valeurs au sein de cette activité.
La servitude consentie regroupe l’ensemble des activités qui sont hors de nos vocations. Autrement dit, ce sont des activités où nous sommes incapables d’utiliser notre créativité en cohérence avec nos valeurs.
Officiellement, l’esclavage a été aboli dans la plupart des pays. Mais partout dans le monde, on force encore des hommes, des femmes et des enfants à pratiquer des activités contre leur gré. Travail clandestin, travail en usine dans des conditions épouvantables, travaux forcés, enrôlement forcés dans des armées ou dans des troupes rebelles, esclavage sexuel. Il s’agit là de violations terribles des droits de l’homme, que nous devons combattre. Ce sont des cas où les personnes n’ont que le choix entre l’esclavage, la torture ou la mort (notre propre mort ou celle de nos proches, par exécution, malnutrition). Pour ces personnes, hélas mes propos n’auront aucune utilité directe. J’en ai fini de parler de l’esclavage.
La servitude consentie regroupe des activités contraires à nos valeurs dans lesquelles nous nous sommes engagés volontairement, c’est-à-dire que nous avions le choix de nous y soustraire, sans risquer la torture ou la mort. Il est des situations de servitude consentie ou le choix alternatif est douloureux : pauvreté, exil, exclusion de notre famille ou de notre groupe social.
Ceci regroupe différentes situations :
+ Accepter un travail éprouvant en usine pour échapper à une vie encore plus pauvre dans des campagnes aux sols épuisés.
+ Accepter une carrière pour céder à la pression de sa famille, de son clan ou de son groupe religieux.
Pour terribles que soient ces choix, ce sont des choix. Des alternatives existaient. Bien qu’on ait le sentiment que notre condition soit proche de l’esclavage, ce n’est en pas, car à la place, nous aurions pu choisir d’être plus pauvres, de nous exiler sur des terres plus clémentes ou de quitter notre groupe social pour vivre notre vocation. Voilà pourquoi j’utilise le terme paradoxal de servitude consentie.
Contrairement à l’esclavage, la servitude consentie peut être rémunérée et nous laisser une liberté de mouvement. C’est de l’esclavage mais nous forgeons nos propres chaînes.
La servitude consentie peut être mal rémunérée, être constituée d’activité pénibles ou dévalorisantes, avoir lieu dans des régions du monde en proie à la guerre, à la pauvreté ou à la dictature. Tout comme on peut être un banquier renommé et vivre en servitude consentie parce que cette carrière était contraire à notre vocation.
La servitude consentie peut être une activité où l’on est créatif. On peut être publicitaire et vivre en servitude consentie. Mais notre créativité est mise en œuvre sans conformité avec nos valeurs. Il nous est alors difficile de l’utiliser à plein rendement. Nous donnons juste ce qu’il faut pour faire illusion et conserver cette activité, rarement plus sauf si nous y sommes contraints par une force ou une autorité qui nous menace, nous surveille ou nous soumet.
La servitude consentie peut être une activité non rémunérée. On peut être parent ou garde-malade et le vivre dans une servitude consentie.
La servitude consentie peut être autre chose qu’un travail. C’est une activité contraire à nos valeurs ou ne sollicitant en rien notre créativité. Se plonger dans un état second grâce à des substances psychoactives, vagabonder, consommer des biens culturels, se livrer à des dépendances, peut être de la servitude consentie, du moment que nous le faisons dans le choix d’échapper à notre créativité.
Vocation et servitude consentie sont des activités, des façons d’occuper notre temps. On peut partager son temps entre vocation et servitude consentie. Une activité peut être une vocation pour quelqu’un et de la servitude consentie pour une autre personne. Une vocation peut devenir de la servitude consentie ou une servitude consentie peut devenir une vocation, parce que nos valeurs évoluent, parce que ces activités évoluent.
Être champion de jeux vidéos peut être une vocation tant que nous avons pour valeurs d’améliorer nos capacités psychomotrices, d’explorer le jeu, ou que la compétition et l’esprit d’équipe sont importants pour nous. Cela devient de la servitude consentie quand nous ne jouons plus que pour conserver notre statut auprès des autres joueurs, ou que l’activité nécessite plus de temps que nous voulons lui accorder, nous forçant à délaisser d’autres activités, qu’elles soient des vocations, comme notre vie de couple, ou de la servitude consentie, comme notre travail d’installateur d’abonnements internet qui paye les factures mais ne contribue en rien à notre bonheur.
Être en état de servitude consentie correspond à une phase de léthargie, une phase de fuite. C’est un choix, mais c’est un choix en creux. Faire le choix d’être non-créatif, c’est faire le choix de ne pas s’exprimer. C’est mener la vie d’un autre. C’est être inconscient de sa propre vie.
La société est structurée par la servitude consentie. Mais la société n’est pas une personne. Elle est la somme des comportements de toutes les personnes. Par définition, la servitude consentie n’existe que parce que nous le voulons bien. Elle s’alimente elle-même.
Si nous sommes les esclaves consentants de la consommation, nous avons des besoins d’argent qui nous poussent à accepter des travails en servitude consentie. La servitude consentie nous condamne à mener une vie dépourvue de sens. Elle nous condamne à être malheureux. La servitude consentie nous enferme dans la servitude consentie, parce que nous résistons mentalement à cet état de fait, mais ne faisons rien pour changer les choses.
On peut échapper à la servitude consentie en changeant d’activité ou en changeant nos valeurs, ou en transforment notre activité, ou en réduisant le temps de servitude consentie.
La réalité économique actuelle semble reposer sur la servitude consentie. Les gens devraient pratiquer des activités qu’ils détestent pour fournir au monde les biens et les services nécessaires. Mais c’est faux. La servitude consentie est tout sauf une fatalité. C’est un choix. Si les personnes abandonnent leurs activités de servitude consentie pour entreprendre des activités de vocation, le monde s’adaptera. Les activités seront réparties autrement ou elles changeront de nature. Mais il serait absurde de croire qu’un monde où les gens s’adonnent davantage à leur vocation fonctionnerait moins bien que le monde d’aujourd’hui. Ce nouveau monde sera un monde plus créatif, un monde qui évolue plus vite. Un monde durable.
La servitude consentie de masse pousse le monde à sa perte et les activités de vocation de masse poussent le monde vers plus d’équilibre.
La solution politique proposée pour permettre ce mouvement est le revenu de base inconditionnel. L’idée : verser à tous un revenu suffisant pour vivre dans la dignité, sans demander de rechercher un travail en contrepartie. Les personnes se détourneraient alors de la servitude consentie pour subvenir à leurs besoins, et se livreraient corps et âme à leur vocation.
Outre que cette solution connaisse encore des freins sociétaux, elle ne réglera que le problème de ceux qui ont fait le choix d’être créatifs et connaissent leurs valeurs.
Ceux qui ont fait le choix d’être non-créatifs utiliseront leur revenu de base inconditionnel pour s’adonner à des activités de servitude consentie non rémunérée (consommation de biens matériels ou culturels ou de psychoactifs, vagabondage, ennui…) ou s’engageront dans des activités rémunérées de servitude consentie pour compléter leur revenu et consommer davantage de biens de servitude consentie.
Aussi, la solution viendra de chaque personne. C’est à chacune de réaliser l’intérêt de faire le choix d’être créative. Lorsque nous faisons ce choix, nous pouvons utiliser notre créativité pour nous libérer de la servitude consentie, que nous disposions d’un revenu inconditionnel de base ou non.
Le but de cette série d’articles n’est ni plus ni moins que de vous proposer ce choix.
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