Il n’y a pas de règles

Il n’y a pas de règles.

Si je devrais donner un seul conseil créatif, c’est bien celui-là.

On peut me répondre que bien sûr, il y a des règles.
Qu’un livre avec une faute de frappe par page n’est pas un bon livre.
Qu’une couverture rigide et un papier gaufré sont indispensables.
Que tous les personnages d’un roman doivent avoir une importance et toutes les intrigues expliquées à la fin.
Qu’un bon jeu de rôle doit se baser sur la culture geek.
Qu’un bon poème doit être hermétique et contenir des mots de plus de trois syllabes.
Que je devrais mettre ma photo sur mon blog.
Qu’un livre qui n’est pas disponible en boutiques n’existe pas.
Que seul un livre proposé par un éditeur est un objet culturel légitime.
Que seul un dessin nécessitant des années de savoir-faire académique et représentant des humains hétéronormés est digne d’intérêt.
Que je devrais mettre à tout prix des zombies et des règles sur les katanas dans mon prochain jeu.
Qu’on est soit auteur de romans, soit auteur de jeu de rôle, soit poète, mais que proposer les trois à la fois est du dilettantisme ou la marque d’une frustration.
Que je ne peux pas écrire une nouvelle œuvre sans lire des centaines de pages de biblio.
Qu’un livre en format pdf disponible en téléchargement gratuit n’existe pas.
Qu’un jeu de rôle ne peut pas avoir une prétention artistique.
Que je ne peux pas être brutal et cynique dans une œuvre, puis sensible et naïf dans la suivante.
Que je ne peux pas être brutal et cynique puis sensible et naïf à l’intérieur de la même œuvre.
Qu’on ne peut pas proposer une œuvre aboutie en seulement un mois de travail.
Qu’on doit répondre à la demande d’un public au lieu d’explorer ses obsessions personnelles.
Qu’en dessous d’un millier de lecteurs, vous n’existez pas en littérature.
Qu’il faut absolument avoir un lecteur pour écrire.
Que vous devez être coopté par une intelligentsia pour écrire.
Que vous soyez obligé d’être rigoureux, original, académique, surprenant et génial pour avoir le droit de vous servir d’un stylo.
Qu’il faut toujours traiter du même sujet avec le même style.
Qu’il faut respecter toutes les règles de typographie sur les nombres de mots par ligne, les colonnes, les veuves et les orphelines, les polices.
Que vous ne devez partager votre contenu que dans l’optique de recevoir des critiques.

Je peux vous dire une chose. Vous pouvez respecter toutes les règles précitées et ne pas rencontrer votre public pour autant. Vous pouvez aussi bien rencontrer votre public et avoir l’impression de n’avoir rien proposé qui vous ressemble.

Il n’y a pas de règles. Ce sont simplement des conventions voulues pour le confort du public. Ne croyez jamais que ce sont des martingales. Ne croyez pas non plus que le public soit si attaché à la forme. Il s’exprime beaucoup sur la forme car ça n’engage pas sa sensibilité. Notre culture incite le public à ne pas se sentir légitime pour parler du fond. Écoutez ceux qui ont été assez touchés pour vous en parler quand même. Le public vous demande du fond. Il vous demande de l’engagement.

Il vous demande d’être sincère. Finalement, il vous demande de ne pas vous soucier de ce qu’il vous demande.

Soyez vous-même, avec toute la maladresse et l’imperfection que ça implique. Identifiez vos choix, assumez-les.

Faites de l’art avec ou sans majuscule, et moquez-vous des conséquences.

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