C’est enfin arrivé.
L’Apocalypse. Des Entités Mythologiques ont bousculé l’Humanité de son trône. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire… Mais ils n’ont rien écrit du tout !
En lieu et place d’une Europe autrefois florissante, un champ de ruines. Des bourrasques radioactives et des silhouettes fugaces sur la Place de la Concorde. Une forêt primale et sans limites recouvre Londres. Casablanca n’est plus qu’un gigantesque marais. Et Moscou une taïga gelée. Ils ne sont plus guère en Europe, les hommes… Deux millions tout au plus. Moins qu’au début de l’Empire Romain. Et ils ne se rappellent pas. Ils ne se rappellent pas qu’ils furent jadis autre chose que des bêtes sauvages, ils ne se rappellent pas de l’Age d’Or. Les rhapsodes qui évoquent cette époque sont traités de fous.
Voilà dans quel décor je vous propose d’évoluer. L’Europe post-apocalyptique pour le jeu de rôle Sombre.
Millevaux est un alambic où l’on aurait laissé un bouillon de culture trop longtemps.
Millevaux est forestier. La Nature sous la forme primale envahit et domine le monde connu. Les hommes survivent jusqu’au jour où ils disparaîtront ou deviendront de simples animaux. L’équilibre naturel sera ainsi rétabli.
Millevaux est post-apocalyptique. L’humanité a déjà perdu la bataille. Seuls les fous peuvent espérer de meilleurs lendemains.
Millevaux est sludgecore. Comme le genre musical dont l’adjectif est tiré, Millevaux est visqueux, rugueux, crade et sans pitié.
Cette publication est un grand jour pour ma carrière d’autoéditeur.
Millevaux est un univers de jeu de rôle dans lequel je me perds depuis six ans. Alors que j’abandonne l’idée d’écrire de la fiction linéaire pour un temps, je fais un cauchemar une nuit qui constituera la vision de départ de Millevaux. J’ai besoin d’exorciser cette vision, de futur obscur où les hommes sont retombés dans la barbarie, où la civilisation n’est que vestiges, où la forêt domine tout. Pour ce faire, j’utiliserai le jeu de rôle. Je réunis quelques amis un soir. Romain, Guillaume, Namik et Pierre créeront des personnages avec les règles de L’Appel de Cthuhu pour une partie placée sous le sceau de l’enfer. Un nain faussement jovial, un accordéon éraillé, une Auvergne noire d’apocalypse, un vieux manoir, un gnome savant fou. Et encore d’autres apparitions infectes. Un visage défiguré, un désert de chair meurtrie. Un gigantesque bouc en putréfaction qui vient s’abreuver dans un lac. Des scolopendres dans le sol et sous les frusques. Une ville boueuse et lourde de noirs secrets : Noirmont-Ferrand. La lourdeur du drone, du post-hardcore et du sludgecore en musique de fond. Noirceur, ténèbres, nuit. Le ciel, une couche de vomi au dessus des arbres. La lumière, bouffée à jamais par les frondaisons. Des oiseaux qui se cachent pour pourrir. Vision mystique. Drogues. Dans les tréfonds de l’humus… Shub-Niggurath, vastes plasmes d’yeux et de bouches.
Ce soir, nous avons réveillé la chose qui dormait au fond des bois. Nous n’avons toujours pas réussi à la rendormir à ce jour.
Six campagnes à travers tout le continent européen, les Etats-Unis, l’Afrique, le Japon et Mars. Une cinquantaine de parties one-shot. Et toujours, la forêt ne s’écarte que pour dévoiler d’autres couches d’horreur humaine, de sorcellerie, de volonté nuisible sous l’écorce. L’égrégore, somme de toutes les hantises, creuset de toute magie noire. Les Horlas, immondes entités surnaturelles. La langue putride, mère de toutes les langues, borborygmes.
Millevaux est mon plus grand aboutissement dans ma tentative de faire folklore. Ce Livre Source, s’il mit du temps à venir, n’est que le commencement.
En 2007, je fais la rencontre de Johan Scipion, auteur du jeu de rôle d’horreur Sombre, à la convention Eclipse, à Rennes. Nous sympathisons. Je découvre son jeu, déjà à l’époque un pur bijou de machinerie horrifique. Sombre grandira encore pour devenir un des jeux de rôles les plus testés sur le marché et vu de ma fenêtre, tout simplement le jeu de rôle d’horreur le plus abouti qui existe.
Johan me fera le grand honneur de s’intéresser à Millevaux. Il me motive pour mettre la chose par écrit et héberge sur le site de son association Terres Etranges le premier document, un pdf de 50 pages présentant l’univers de Millevaux comme un supplément amateur pour le jeu de rôle L’Appel de Cthulhu.
Avec Johan, nous échangeons nos points de vue sur l’horreur. Je lui fais part des limites, tant du point de vue du copyright que du game design, des limites du Basic System que j’utilise pour Millevaux. Je teste un de mes scénarios, Pélérinage en Enfer, avec le système de Sombre. Et ça marche. Le système s’avère beaucoup plus mortel et ne prête plus le flanc à l’optimisation comme c’était le cas avec le Basic System. Je vais enfin pouvoir proposer de l’horreur radicale pour Millevaux et non plus un mélange horreur-aventure. Johan me fait alors un deuxième honneur. Il me propose que Millevaux soit non pas un supplément amateur pour L’Appel de Cthulhu, mais un supplément pour Sombre. C’est alors le vrai début d’une collaboration qui a considérablement enrichi mon expérience en game design.
Le temps passe. J’écume les conventions pour proposer de nouveaux scénarios pour Millevaux et participer à l’intensive série de playtests qui conduira Sombre à la bombe logique qu’il est aujourd’hui devenu. J’ai beaucoup de projets de publications pour Millevaux, que je vois comme une gamme. Mais en ligne, il n’y a toujours que ce PDF de cinquante pages. Aux yeux du public rôliste, autant dire que Millevaux n’existe pas. Accaparé par mon travail salarié, je ne trouve pas le temps de mener mes projets de publication plus avant.
Puis Sombre sort en indépendant. De mon côté, en 2010, je fais un burnout qui me ménera à reconsidérer en profondeur ma façon de travailler, de vivre, et de gérer les priorités. J’ai accumulé énormément de matériel pour Millevaux. Une douzaine de scénarios présentés en convention, des centaines d’images en creative commons, des heures et des heures de jeu. Je m’intéresse à la sorcellerie et trouve enfin comment la sorcellerie pourrait fonctionner dans mon univers de façon cohérente. Un folklore très vaste continue à voir le jour, de messies sheitanites crucifiés dans le désert jusqu’à de blancs mechas kabbalistiques montés dans des laboratoires de savants fous en Helvétie.
Je me passionne pour les cultures underground, j’écris des chroniques musicales de dark ambient sur le forum de Terres Etranges, je découvre par hasard l’esthétique des fanzines punk des années 1980 et mon monde éclate en morceaux. J’enregistre aussi un podcast de la Cellule où je présente l’univers de Millevaux.
En 2011, un peu à la rigolade, je monte mon propre fanzine, Putride, avec une mise en page chaotique. Et là, il se passe des trucs. Le Scriptorium Ludique écrit un article sur le fanzine. Radio Rôliste en parle dans un podcast. Je commence à comprendre qu’il est temps pour moi de passer aux choses sérieuses. Certaines personnes en dehors de mon cercle de joueurs habituels ont envie d’explorer Millevaux. Le PDF de cinquante pages ne suffit pas. Pour satisfaire le public, il faut du concret. J’ai eu deux propositions d’éditeur que j’ai déclinées parce que je n’étais pas prêt.
En 2012, je réalise enfin que je vais crever si je continue à mettre mon activité créatrice sur l’oreille. Septembre 2012, je me lance dans la grande aventure de l’autoédition. Je veux sortir Millevaux mais en concertation avec Johan, nous décidons de prendre le temps de faire les choses bien. Je laisse donc passer quelques mois. Je bûche la théorie rôliste pour proposer des choses vraiment carrées. Je rédige alors un guide pour bien utiliser Sombre dans le cadre de Millevaux et un scénario. Deux choses qui manquaient cruellement dans le PDF de cinquante pages. Je développe un deuxième jeu de rôle, Inflorenza, qui me permettra de gérer mes envies d’horreur épique pour Millevaux, puisque Sombre est parfait pour faire de l’horreur radicale et que j’étais trop souvent tenté de le corrompre pour proposer de l’aventure.
Quelques allers et retours avec des relecteurs appliqués et impliqués, que je remercie très chaleureusement au passage. Valentin Crepeau, Isabelle Munier, Colin Niaudet, Thierry Salaün, merci pour ce grand coup de main.
Puis c’est un long tunnel de photomontage. Je décide de conserver le look fanzine élaboré avec Putride. Je m’éclate à détourner plus d’une centaine de photos pour composer toute une imagerie post-apocalyptique, forestière et sludgecore. Je m’enfonce dans cette forêt de clichés déglingués, textures crades, exploration urbaines, sans-abris pris sur le vif. Je suis dans la forêt. Dernier mois, je coupe au plus ras dans mon emploi du temps pour pouvoir boucler pour la convention Eclipse. Revenir là où les choses ont commencé.
Les lecteurs m’ont signalé des similitudes avec d’anciens univers de jeu illustres : Hawkmoon, Tribe 8, Vermine. Et des jeux dont l’écriture a été contemporaine avec celle de Millevaux : Les Ombres d’Esteren, Summerland, Wasteland. Je reconnais volontiers ces similitudes et je recommande ces jeux comme source d’inspiration. Phénomène de convergence des imaginaires. Je n’ai en revanche pas peur d’affirmer que Millevaux a son identité propre et une saveur unique : la saveur sludgecore.
Je n’ai pas voulu sacraliser cet univers. J’avais envie qu’on puisse jouer à Millevaux sans attendre aucun supplément, parce que le livre source donne les clefs pour construire sa propre vision de Millevaux et aussi parce qu’il regorge déjà à lui seul d’idées de scénarios. Surtout parce que Millevaux ne m’appartient pas. Il existe déjà dans votre inconscient collectif, vous le savez intimement. Néanmoins, le suivi ne manquera pas. Je continuerai à faire des comptes-rendus de partie, je répondrai avec assiduité à tous les mails et messages sur le forum et surtout je vais sortir d’autres livres. Putride 2 et l’Atlas sont déjà rédigés, en attente de relecture et de maquettage. Le scénario Mildiou, quant à lui, est déjà maquetté au tiers. Il y a aura donc au moins une deuxième sortie Millevaux Sombre en 2013.
C’est avec un immense plaisir que je peux enfin vous dire que Millevaux existe. Je vais pouvoir tuer des arbres pour que d’autres explorateurs arpentent ce folklore sombre et forestier. J’ai voulu cette édition aussi luxueuse que possible pour un ouvrage indépendant. Si Sombre est déjà un jeu complet, j’ai quand même voulu proposer un livre source aussi abondant que possible. Pour rendre honneur à Sombre. 280 pages entièrement illustrées dans un noir et blanc cauchemardesque. Un livret d’aides de jeu gratuitement téléchargeable pour le scénario. Une version texte pure gratuitement téléchargeable. Et enfin, une trentaine de comptes-rendus de partie sur le forum de Terres Etranges.
Millevaux est le premier univers publié sous la licence Sombre. Jamais bûcheron aussi hirsute n’aura brandi une hâche aussi aiguisée !
Et pour ceux qui voudront varier leur façon d’explorer cette forêt, Inflorenza, en approche, leur proposera d’incarner des héros, des salauds et des martyres dans l’enfer forestier de Millevaux. J’y fais mes premières armes en tant que game designer autonome en proposant un jeu de rôle d’horreur épique centré sur les personnages et sur l’histoire.
Et pour boucler la boucle, je pensais depuis le premier jet d’Inflorenza que Millevaux avait besoin de trois systèmes différents pour être arpenté dans tous les sens. Cet intense week-end passé à la convention Eclipse m’a permis d’échanger avec bien des personnes inspirantes. A peine Millevaux Sombre sort-il qu’une nouvelle idée est tombée avec le fracas d’un chêne abattu. Ce troisième système s’appellera Arbre. Ce jeu de rôle sans dé utilisera des cartes designées par les joueurs et se focalisera sur l’ambiance « chair et sang » et les nomades de Millevaux.
Maintenant, je vous attends à l’orée. J’ai envie de vous prendre par la main pour vous accompagner à la découverte de cette forêt. Et une fois que nous serons arrivés en son cœur, nous bivouaquerons à la nuit tombée. Prétextant prendre le premier quart de garde, à la lueur du feu crépitant, ne prêtant pas attention aux bruits qui s’amplifient du côté des arbres, je tournerai les talons, je vous abandonnerai dans votre sommeil, en ricanant dans la langue putride, la mère de toutes les langues.
Iä ! Iä ! Je suis le ver et je suis la chair.
Je suis la peau et je suis les os.
Je suis la nouvelle manne et l’ancienne pourriture.
Millevaux Sombre : Livre source, en vente en livre, en ebook illustré et disponible en version texte librement téléchargeable.