Stratégies basse disponibilité

Quand le temps créatif se réduit, voici des astuces pour trouver de nouvelles interstices.
Et vous, comment cultivez-vous l’art de créer dans les marges de votre emploi du temps ?

(temps de lecture : 7 minutes, si vous lisez le texte des illustrations en diagonale)

Avertissement : dans le précédent article (Le service minimum), j’avais dit que j’en avais fini avec les articles sur la créativité. Or, j’avais oublié que j’avais écrit un article en réserve, donc je vous le livre 🙂

Il y a un temps, j’avais écrit un article sur les stratégies basse énergie qui contenait des suggestions sur comment rester productif dans des périodes de mou. J’aimerais maintenant parler de stratégies basse disponibilité, autrement dit tracer quelques pistes pour comment garder une activité créative même dans les moments où nous ne pouvons pas nous y consacrer pleinement.

Evan K., cc-by-nc-nd, sur flickr

Comme beaucoup de créatifs, j’ai d’abord exercé un travail à temps plein et mon activité créative se faisait dans les marges. C’est dans ce contexte que j’ai sorti, en quatre ans, des travaux déjà assez chronophages tels que Millevaux Sombre, Inflorenza, Musiques Sombres pour Jeux de rôles Sombres, ainsi qu’un paquet de comptes-rendus de parties et l’ébauche principale de Hurler dans les forêts zéro et l’Atlas.

À cette époque, j’ai développé des stratégies basse disponibilités qui allaient d’augmenter la productivité de mon travail salarié pour me dégager du temps où écrire en douce, au fait d’avoir toujours un carnet de notes sur moi, où à chronométrer mes activités.

Je réalise que j’ai progressivement abandonné toutes ces techniques quand j’ai quitté mon travail salarié pour devenir créatif à temps plein, à domicile. En fait, c’est de là que date mon immense propension à se disperser. Mais un an plus tard, je me suis retrouvé père, et la fête était finie.

Depuis, mon temps créatif s’est retrouvé réduit. En tout cas, le temps où je pouvais rester concentré sur la créativité 1 à 3 h d’affilée.

Et avec le confinement (puis le déconfinement et la réouverture très progressive des écoles), devant m’occuper de mon fils de l’aube jusqu’au coucher, ce temps s’est retrouvé encore plus réduit, disons 2 à 3 h par jour en moyenne

La solution la plus simple serait de revoir mon ambition créative à la baisse ou de booster ma productivité durant mon temps créatif et c’est d’ailleurs ce que j’ai heureusement fait, mais ça ne suffit pas.

Tout simplement parce que la créativité est une passion et un exutoire et j’ai donc viscéralement besoin de lui consacrer beaucoup de temps par jour, quel que soit le résultat en bout de chaîne.

Il me faut donc des astuces pour continuer à créer, même un petit peu, en dehors de ces temps privilégiés.

Pour bien comprendre ma situation, il faut savoir que si mon fils est réveillé et à la maison, je ne peux pas travailler sur l’ordinateur, alors que l’essentiel de mon travail créatif se fait là. Je peux y faire des micro-passages mais c’est plus frustrant qu’autre chose et ça représente une grosse perte de temps : je dois désactiver la veille et la fonction écraseur de clavier (très pratique quand votre enfant adore manipuler votre PC et fiche en l’air votre travail en cours), tout ça pour scanner mes réseaux sans répondre à rien.

Mes stratégies basse disponibilité doivent donc permettre des activités UTILES (celles qui me font avancer dans mes projets en cours plutôt que d’en créer de nouveaux), hors de l’ordinateur (du moins ne sollicitant pas clavier et souris), et me permettre d’effectuer des tâches ménagères et parentales en même temps.

Voici donc ma liste. Je suis ultra preneur de conseils, alors si vous avez d’autres astuces, le fil des commentaires vous est ouvert !

+ La première astuce n’en est pas tout à fait une, mais je voulais la signaler : supprimer un maximum de tâches de sa to do list, et cesser de prendre des engagements. Mon temps d’ordinateur réduit doit être consacré à l’essentiel.

+ Je me suis mis au Bullet Journal ! Quand cette mode est apparue, je l’ai regardée de haut car j’avais depuis un moment numérisé toute mon activité, y compris mes to do list. Mais c’est un outil intéressant quand on ne peut plus accéder à son ordinateur. Mon téléphone me servait de to do list annexe, mais c’est un outil qui a ses défauts (notamment la lenteur de saisie et de navigation). Je peux écrire sur mon bullet journal dès que j’ai un moment de calme. J’y consigne une troisième to do list, qui rassemble toute les petites choses à faire dans la maison dans un délai proche (école à domicile, rangement, appel aux proches…). Le papier est aussi un outil de brainstorming efficace. Il semblerait qu’on ait plus d’idées avec un stylo en main ! Mes brainstormings sont essentiellement au sujet de la méthodo et du désencombrement (physique et mental) : pas question de brainstormer sur des nouveaux projets alors que j’ai tant d’anciens projets à terminer.

C’est aussi un outil de rédaction pour des premiers jets : cet article a par exemple été rédigé sur mon bullet journal.

Mon fils s’intéresse à ce journal, il a le droit de griffoner dessus au crayon de papier et je lui demande de me dire quel code [ 😀 ou 🙂 ou :I ou 😦 ] mettre sur les activités d’école à domicile prévues.

Le journal m’a fait réaliser qu’un grand nombre d’activités n’étaient jamais notée dans mes to do list, pourtant elles contribuent à ma charge mentale, donc les noter sur le journal me décharge. Cette liste s’est avérée vite assez longue, donc j’ai déplacée la partie « école à domicile » dans une page dédiée (histoire de ne pas la recopier d’une semaine sur l’autre) et je mets des étoiles sur les tâches prioritaires.

Je note également sur mon bullet journal des tâches à reporter sur mon tableau de bord excel, attendu que j’écris plus vite sur mon journal que sur mon téléphone.

+ J’écoute également des podcasts diffusés depuis l’ordinateur, avec un casque bluetooth. Je suis aussi très friand des discussions sur les chats de Discord ! Je peux faire ces deux activités en même temps que mes tâches ménagères et parentales.

+ Je mets un livre dans les toilettes. Cela peut vous sembler cracra, mais ça me permet de lire un livre par semaine en moyenne, essentiellement des titres (fiction ou non-fiction) qui me semblent utiles pour mes travaux en cours (au moment de la rédaction de cet article, je lisais un guide… pour faire son bullet journal ! )

+ Je téléphone à mes proches pendant mes promenades avec mon fils.

+ Une chose qu’on peut faire presque n’importe quand, c’est brainstormer dans sa tête. J’ai souvent un problème à résoudre en tâche de fond (surtout des questions de méthode, je m’interdis de brainstormer sur de nouveaux projets).

+ Enfin, je garde toujours mes « antennes » déployées : autrement dit, à chaque fois que je vois ou que je lis quelque chose, je me demande si ça pourrait être retransposé dans l’univers de Millevaux ou dans un de mes projets, et je prends une note dans mon téléphone. J’en prends en moyenne une demi-douzaine de la sorte par jour.

Bien entendu, ces stratégies ne doivent pas se faire au détriment de mes tâches ménagères ou parentales. Il y a un équilibre à trouver. Mais ça me permet d’être moins frustré, et donc plus enthousiastes vis à vis de mon rôle de père au foyer. Je crois que ça procède de cette injonction des parents à mettre leur respirateur avant de le mettre à leur enfant, lors d’un crash d’avion : un parent épanoui est un meilleur parent. En me ménageant des temps créatifs au sein de ma vie de père au foyer, je suis un père au foyer plus attentif… et plus disponible car désormais, je ressens moins le sentiment de concurrence entre mon côté papa et mon côté créatif.

Fig 1 : Extrait de mon bullet journal. La page de la semaine comporte des traqueurs d’action, un mini-agenda, un gestionnaire de garde-manger, une liste d’appel à faire, d’articles à rédiger sur le bullet journal, et une to-do list de la semaine.

Fig 2 : Extrait de mon bullet journal. Cette to do list de l’école à la maison est trop longue pour être achevée en une semaine. Elle est donc reportée en page de garde. Les smileys correspondent aux degrés de préférence établis par mon fils.

Fig 3 : Extrait de mon bullet journal. Plan de rédaction d’un de mes articles. Je commence par lister mes idées dans le désordre, je leur attribue ensuite une catégorie (ici, LGA : les grands axes, DRP : les dérapages, M+ : la manipulation positive) qui correspond à une de mes grandes parties, puis je leur attribue ensuite un numéro qui les ordonne dans l’article. Ce plan devient ensuite une sorte de to do list. Un point signifie que l’idée n’a pas encore été rédigée, une croix qu’elle a été rédigée (on peut voir ici que l’article est presque terminé, il ne reste que le point 19).