Un petit billet d’humeur pour parler de méthodologie. Ça faisait longtemps !
Je voulais parler d’une forme de travail qui peut être à la fois une grande force et une grande faiblesse. J’ai décidé de l’appeler infra-travail pour sa dimension invisible. Pour le coup, l’image de la part cachée de l’iceberg s’impose tout à fait.
(temps de lecture : 3 min)

Sulfate de fer. James Sowerby, domaine public
J’emploie le terme d’infra-travail pour le différencier du travail au noir, du shadow work (un concept psychanalytique jungien qui consiste à se confronter à ses ombres), ou du deep work (qui est du coup le total opposé de l’infra-travail puisque le deep work désigne une phase de travail à haute concentration et à haute valeur ajoutée).
L’infra-travail recouvre toutes les formes de travail / productivité / créativité qu’on a pas vraiment tendance à considérer comme du travail car se produisant dans les interstices du travail ou même du loisir.
On se figure le travail comme une plage de temps continue consacrée à une activité mono-tâche mais bien sûr rien n’est plus faux (sauf si vous faites partie de ces extraterrestres capables de rentrer en phase de deep work).
En réalité, nous interrompons fréquemment cette activité monotâche pour :
– prendre une note (information, to do list, amendement d’une check-list) ;
– ou réaliser une petite tâche.
Ce genre de choses intervient pour de bonnes raisons :
– urgence ;
– respect de la règle des deux minutes préconisée par la méthode GTD qui préconise que quand nous vient l’idée de faire une tâche importante qui prend moins de deux minutes (ou une minute, ou trente secondes, selon votre braquet), mieux vaut la réaliser dans l’instant plutôt que de la noter à faire plus tard ;
– tâche accomplie dans le cours d’un déplacement dans notre espace de vie ou de travail, selon le principe de « la marche en avant ».
– et tout simplement qu’il faut noter les tâches importantes dans notre to do quand elles nous viennent à l’esprit, sinon elles seront oubliées très rapidement
Ce genre de choses intervient aussi pour de mauvaises raisons :
– procrastination ;
– déconcentration ;
– incapacité à établir des priorités ;
– désorganisation…
Qu’il soit fait pour de bonnes ou de mauvaises raisons, cet infra-travail réalisé dans les interstices du temps, représente, en bout de courses, une masse de travail qui peut se révéler colossale.
Pour prendre mon exemple personnel, cet entrelacs de départs de feu fait qu’aujourd’hui, ma to do list stagne toujours autour de 10 000 actions… Ce chiffre est certes dopé par la micro-organisation (le fait de fractionner les tâches au plus possible, ce qui augmente considérablement la taille des to do) et par les tâches mortes (des tâches en réalité achevées ou obsolètes qui restent dans la to do).
Vous pouvez considérer l’infra-travail comme une colossale dispersion de votre énergie (qu’il s’agisse du fait d’interrompre votre travail pour réaliser des micro-tâches ou pour faire exploser la taille de vos to do lists) et tâcher de l’éradiquer en vous dirigeant le plus possible vers une approche du deep work et en limitant au plus possible le nombre de projets en cours.
Vous pouvez aussi considérer l’infra-travail comme une chance énorme. Vous voilà littéralement les fesses sur un trésor inestimable : des années de travail invisible qui se sont amassées et produisent des résultats. C’est au fur et à mesure, une optimisation considérable de vos check-lists qui vous fait gagner du temps. C’est le remplacement progressif des distractions vides par de l’infra-travail. C’est des montagnes de notes qui par exemple vous permettent d’écrire des livres impressionnants qui n’auraient jamais pu voir le jour avec une approche traditionnelle de documentation et de rédaction par grands blocs.
Ce trésor de dragon, il vous faut le considérer. Il représente sûrement des années de ressources qui ne restent plus qu’à miner. Mais il représente également un casse-tête patrimonial. Nous sommes malheureusement susceptibles d’avoir des accidents de vie (et aussi des accidents de disque dur). Sauvegarder et transmettre votre infra-travail en cas de coup de dur devrait être votre préoccupation.