Au secours, on bolosse mes PNJ !

Quand face aux plus puissants protagonistes du scénario, les PJ joue les bouffons ou la mouche du coche, le roi est nu. Un sujet léger en apparence, mais qui soulève bien des questions sur ce qui est attendu en jeu de rôle.

(temps de visionnage : 34 min) / (temps de lecture : 4 min)

Petit erratum : le concept de gentivité… en fait n’existe pas. C’est dû à une faute de frappe dans un essai d’anthropologie que j’ai lu. Je vais supprimer la notion du Wiki Nonobstant 🙂

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Le petit bonhomme en plâtre est une photo de Thomas Hawk, cc-by-nc

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Le script de la vidéo :

Je crois que chaque MJ a eu cette expérience où les PNJ sont convoqués ou s’invitent eux-mêmes chez un PNJ important, le roi, le parrain de la mafia, le prince dans Vampire, Yog-Sothoth, etc, et se mettant à lui parler mal en mode : « Non, je ne te respecte pas » et « je vais te chier dans le cou ».

On va parler de ce problème car il est beaucoup plus profond qu’il n’y paraît : on ne sait pas comment jouer au jeu de rôle, et les avis divergent sur tous les sujets. D’un côté, on pourrait dire que les PJ sont libres que s’ils ont envie de disrespecter le roi, grand bien leur fasse. On peut alors parler de gentivité, qui est en gros le concept d’agentivité ramené au groupe. La gentivité, c’est la capacité d’un groupe dominé à résister aux injonctions d’un groupe dominant. En jeu de rôle, on peut exprimer par le terme de gentivité la capacité ou la légitimité des jouaires en tant que groupe à s’opposer à la volonté du MJ ou à s’opposer au jeu. Ceci passe par l’attitude des personnages, mais on peut aussi y voir une guerre pour la narration, une forme de narration partagée forcée (qu’on reverra en détail dans une prochaine vidéo intitulée « hack ton MJ en partageant la narration »). Un exemple tout à fait dans le thème, c’est l’article de Grégory Pogorzelski « le chambellan qui pue » qui amène à dire que si les jouaires décident collectivement que le chambellan a une haleine de phoque, et bien cela advient, par les commentaires ou attitudes des PJ, même sans se concerter avec le MJ.

Après, d’autres MJ disent « tant qu’ils sont prêts à accepter les conséquences » : ce qui signifie le plus probablement être condamnés ou jetés en prison, ou du moins devoir gérer un combat où a priori ils ne partent pas gagnants… C’est là ou on va avoir un problème avec la politique de la liberté d’action des personnages (cf vidéo sur le sujet) : suis-je libre de tout entreprendre si certaines actions peuvent avoir des conséquences très néfastes sur mon perso ? Certains diront non, d’autres diront oui dans le sens où la liberté des PJ, c’est aussi celle de mourir bêtement et forcer MJ à jeter son scénar aux orties.

Justement, il y a le débat du scénario. Généralement, quand il y a une rencontre avec une grosse légume, si c’est scénarisé, c’est que cette rencontre a un but :

  • d’exposition ;
  • d’information ;
  • de proposer une mission ;
  • de poser une menace…
    Alors si on lance un combat contre le roi, ça met tout par terre.

On peut résoudre ça par une immunité narrative, des murs invisibles, ou tout simplement en donnant des stats abusées au roi ou à ses gardes, ce qui est une forme d’immunité narrative qui ne dit pas son nom : rappelons que dans le jeu traditionnel, tout ce qui arrive ou n’arrive pas reste sous le contrôle de MJ. Ne pas pouvoir défier le roi ou ne pas pouvoir triompher si on le défie est un dit du MJ.

À ceci on pourrait préférer un contrat de table ou un « S’il te plait, ne fiche pas mon scénario par terre ». Ou encore parler de sécurité émotionnelle pour MJ, cf mon article « Ne tuez pas mes PNJ« 

Il y a aussi la question de la cohérence. On pourrait aussi se dire que les PJ n’auraient jamais l’idée de se rebeller et que c’est plutôt une idée de jouaire sur des bases contemporaines ou tout simplement que les jouaires n’ont pas bien conscience qu’un personnage cohérente ne prendre pas ce genre de décision suicidaire.

Du coup MJ est légitime à balancer un « ton personnage ne ferait jamais ça ». Est-ce abusif ? On peut considérer que c’est une approche paternaliste ou intrusive, mais laisser les PJ faire n’importe quoi et leur faire payer leur erreur le prix fort l’est tout autant.

L’argument qui plaide le plus en la faveur de pouvoir faire ce genre d’imprudence, c’est l’agentivité. Mais concrètement, l’agentivité pure, l’empouvoirement total, c’est un peu hors-sol : qu’un personnage puisse pouvoir tout tenter sans limite ni cohérence ni logique, voire qu’il puisse tout réussir, est-ce que ça a encore de l’intérêt ? Cf ma vidéo sur les MJ bisounours.

Une bonne boussole pour la juste agentivité, c’est la combativité : avoir une certaine marge de manœuvre pour son personnage, mais défendre aussi ses intérêts. Dans ce paradigme, bien que tu détestes le roi, tu vas pas forcément vouloir le fight en frontal.

Ceci dit, le respect de la combativité, ne vaut que si unn jouaire prend une décision qui reste en cohérence avec son concept de personnage. Cette cohérence reste cependant artificielle car « le personnage n’existe pas », MJ ou le jeu doivent accorder des chances de réussites non absolues, mais non nulles à chaque tentative, quitte à employer des moyens détournés : harangues populaires, assassinat surprise, complot de longue haleine, coup d’état… Et dans ce paradigme, aucun PNJ n’est sacré, même les PNJ principaux voire canoniques historiquement. (cf l’article où Greg Pogorzelski veut tuer Richelieu).

Je reviens sur le respect de la cohérence ou du canon : ça me semble important que les PJ en tiennent autant compte qu’unn MJ ou qu’unn facilitateur /facilitatrice (cf vidéo à venir sur l’effet gloubiboulga en narration partagée) : question de respect ! Peut-etre que si les PJ ne respectent pas les PNJ, c’est que les jouaires ne respectent pas MJ… Il y a bien sûr des enjeux d’autorité et même de rivalité. Mais si MJ se doit d’exercer une opposition bienveillante, les jouaires se doivent à jouer fairplay et non à tenter d’humilier MJ ou d’exploser son scénario.

Mais d’un autre côté, on peut aussi s’interroger sur ce qui motive MJ à mettre en place des PNJs qui seraient des figures d’autorité invulnérables, et on pourrait faire un parallèle avec une volonté de MJ d’user ou d’abuser d’autorité sur les jouaires.

Bien sûr, une interprétation plus indulgente est que ces PNJ ont un rôle à jouer, notamment à camper une adversité dont on ne saurait triompher qu’après une longue bataille, notamment dans le cadre du jeu à campagne (cf vidéo sur les méchants, ou les mentors).

Il y a également des enjeux de genre narratif. Dans un jeu héroïque ou super héroïque, peut-être que les PJ pourraient avoir le droit de botter le cul de n’importe qui, mais pas dans un jeu de rôle d’horreur ou du genre noir.

Hellywood résout ce problème de façon élégante par la mécanique d’indice de tension (je suis plus sûr que ça s’appelle exactement comme ça) : tu ne peux pas t’en prendre aux grosses huiles de la ville tant que l’indice n’est pas assez élevé, tant que tu n’en as pas assez bavé, etc. C’est une friction qui rend le passage à l’acte d’autant plus jouissif.

Les XP jouent le même rôle. Niveau 1 : tu mouftes pas devant le roi mais au niveau 20, tu auras le plaisir de lui botter le cul. Ni dieu ni MJ !

5 commentaires sur “Au secours, on bolosse mes PNJ !

  1. J’aime bien quand certains sujets s’avèrent être des véritables terriers de lapin qui permettent de rentrer dans la théorie depuis un point de départ qui semblent pourtant un sentier battu…

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  2. Petit erratum : le concept de gentivité… en fait n’existe pas. C’est dû à une faute de frappe dans un essai d’anthropologie que j’ai lu. Je vais supprimer la notion du Wiki Nonobstant 🙂

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