[Extraits] Dégringolade, par Claude Féry
Un jeu de rôle Millevaux pour accepter l’oubli comme condition essentielle au bonheur.
« […] Ne peut-on pas se contenter
d’être
le plus simplement
comme des nuages qui passent.
Jamais je ne l’ai quitté
et un jour pourrai le rejoindre.
Faire correspondre à nouveau
mes pas avec les siens.
Et sous les perpendiculaires du chemin
oublier enfin
les parallèles de la discorde.
Guillaume Meistermann,
par courtoisie, extrait de aux jours d’hier, recueil à paraître aux éditions Stellamaris. »
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« Nous sommes les Glaneurs.
Les perles, des souvenirs épars amassés par les mémographes que nous sommes, ces bribes d’égrégore, sont le miel de nos vies.
Nous sommes les Glaneurs !
La Forêt a enfoui ses racines en nos âmes. Inlassablement, Elle puise en nous et dérobe les trésors du temps jadis.
Par nos rituels, nous extirpons cette souillure.
Et nous luttons et brisons la chape de silence, le poids de l’oubli, qui pèse sur nos communautés éparses.
Nous fouaillons les entrailles de Dégringolade.
Dans la moiteur écrasante de la mangrove qui la recouvre tel un linceul, nous cultivons ses graines, ses sœurs, et nous moissonnons les fruits de l’âge d’Or.
Nous sommes la mémoire des hommes.
Nous sommes les Glaneurs !
Méticuleusement, méthodiquement, nous récoltons les objets mémoriels que Forêt a entrepris d’ingérer. Nous exhumons les pièges à lumière, les cellules solaires, les sculptures, tous les artefacts de l’homme habile qui fut avant le Grand Effondrement. Chacune de nos découvertes enrichit notre sanctuaire qui assurera notre devenir. «
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« Nous sommes les Glaneurs !
Nos opérateurs radio veillent le flux des antennes qui repousse l’égrégore.
Nos maîtres-cartographes dessinent les sentes, veines des ruines.
Nos bûcherons endiguent la voracité de Forêt.
Nos régulateurs éliminent les nuisibles, dégénérés et autres horlas.
Nos antiquaires dispensent le savoir et dissipent l’oubli.
Nos docteurs concoctent les préparations tombeau de l’emprise. »
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« Les joueuses incarnent des remémorants, membres de la communauté des glaneurs.
Se hisser héritier des grandeurs de l’histoire humaine aide à vivre une existence immédiate, mais cela peut dégénérer en une vénération écrasante, face à laquelle on se sent proprement impuissant.
Voyez, l’excès, peut entraîner une paralysie, de la sorte.
Cette communauté, toute entière tournée vers la remembrance, présente des utilités et des inconvénients pour mener une vie harmonieuse.
Leurs membres bénéficient de ressources enviables qui les maintiennent au-delà des préoccupations simples, immédiates et bassement matérielles des Autres.
La communauté procure un sentiment d’appartenance à une histoire monumentale, une certaine idée de grandeur.
Toutefois, ses principes rigides, son obsession de préserver un rapport au passé, de digérer le monde, aboutit à un déséquilibre. »
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« L’individu est oppressé par ses semblables. Aucune capacité au pardon n’est envisagée. L’oubli qui prévaut partout ailleurs, est ici, dénié.
Vivre en rebuts obnubilés, conservateurs d’un passé évanoui, n’est pas sans effets néfastes.]
<> Le principal objectif des joueuses sera d’accéder à l’oubli.
<> Quitter les idées pour s’inscrire dans l’action.
<> Parvenir à oublier, se déprendre vers une libération. »
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« Dans un premier temps, la joueuse décompose son personnage selon, ces principes.
Elle écrit sur dix-huit feuillets repositionnables, l’objet de son ressentiment, sa jalousie, sa crainte, rancœur, cauchemar intime, amour ou affection, ou de répulsion (9) et les objets vecteurs de ses capacités, tant en termes de savoirs que de techniques (8) dont une des vocations de Glaneur qui figure dans la prime directive, ainsi que son nom.
La joueuse répartit librement ses feuillets entre les six domaines de capacités que sont dans l’ordre : Nerfs, Os, Viande, Tripes, Gueule, Crane.
Ces domaines constituent les stades d’assimilation du souvenir. «
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« † À tout moment, afin de déterminer à quel prix le personnage parvient à surmonter les dangers, l’adversité révélée ou larvée, la joueuse dénombre le nombre de perles de souvenirs au stade de l’oubli qui sont pertinentes.
[…]
† Si ce nombre est inférieur aux objets de l’adversité, une perle de souvenir, passe au stade suivant dans la chaîne d’assimilation.
Forêt l’emporte et détient alors le fin mot de l’histoire.
[…]
† À tout moment, chaque stade ne peut accueillir plus de trois perles de souvenirs.
† Le stade ultime permet d’inscrire le mot ou les mots qui décrivent la perle de souvenirs sur la feuille, à l’encre, indélébile, sous le terme Dilution. «
[…]
† Toutefois, une nouvelle phase de décomposition du souvenir permet de pleurer le mot. La joueuse peut rayer le mot déjà inscrit pour peu qu’elle utilise l’énergie dispensée par une nouvelle perle de souvenirs.
Elle raye le (mot). Elle s’est déprise du souvenir. Elle en est libérée. »
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« † La Forêt ramasse la peau de leurs voix à l’ombre de leurs gestes.
Ou bien encore, Forêt questionne les perles de souvenirs que détiennent les joueuses. «
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« † Utilisez des feuillets repositionnables de petite dimension et de couleur claire.
Les perles de souvenirs circulent beaucoup lors de la partie et Forêt comme les autres joueuses doivent pouvoir lire librement les intitulés des perles de souvenirs. »
laurynasm, cc-by-nc, sur flickr.com