Podcast Outsider N°45 : Game Design Jeu de Rôle : Ce qu’on ressent quand on lance les dés

Et vous, est-ce que les dés vous font encore de l’effet ?

Un article et un podcast qui devraient mater les plus farouches membres de l’hérésie diceless !

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Wystan, cc-by-sa, sur flickr

 

0. Introduction : les dés sont vecteurs d’émotion

Que ressent-on en jeu de rôle quand on lance les dés ? :
+ de l’excitation ;
+ de la peur ;
+ de la joie ;
+ de la colère ;
+ de la surprise ;
… ou un mélange de tout ça, comme par exemple lors des échecs critiques. Je me rappelle ainsi ce jeu de SF maison auquel il m’a été donné de jouer, où un échec critique sur une arme futuriste inspirée du 5ème élément et renommée « l’œuf-surprise » (à cause de sa forme et de ses effets polyvalents et chaotiques) déclenchait des dégâts monumentaux…

Pour aller plus loin :
Le domaine de Saladdin, le site de l’humour rôliste

 

1. Les dés font raccord entre la joueuse et le personnage

En lançant des dés, on ressent du bleed : les émotions du personnage contaminent la joueuse et vice et versa. Quand on lance les dés, on mime souvent l’action, comme le geste du coup d’épée lors d’un combat. Si on tient très fort à un résultat pour le personnage, il y a des chances qu’on soit en bleed tout en pratiquant la combativité (i.e en souhaitant que son personnage réussisse, en épousant ses enjeux).

Pour aller plus loin :
Emily Care Boss : Bleed, sur Nordic Larp Wiki
Fredéric Sintes : Combativité & Absorption, sur Limbic Systems

Quand un point de mécanique nous fait ressentir des émotions proches de son personnage (une version distanciée), Frédéric Sintes appelle ça de la synesthésie. Johan Scipion précise que cet effet a des limites : ainsi la peur ressentie POUR le personnage est une version très affaiblie de la peur ressentie PAR le personnage. Mais le plaisir de jeu vient de cette peur distanciée, sécurisée. Pour ma part, j’ai tendance à parler de synchronicité avec le personnage, de raccord avec le personnage, un raccord mécanique : les dés font raccord avec le personnage.

Pour aller plus loin :
Fredéric Sintes, La synesthésie, sur Limbic Systems
Johan Scipion, article « Peur », dans Sombre N°2
Jérôme Larré, La Narration par la mécanique, conférence à Orc’Idée, 2016

Uiop, Le jeu en convergence, sur Courants Alternatifs

 

2. Le sacré du dé : une médiation juste et fiable.

Les dés sont la troisième force, avec les joueuses et le MJ ; tous trois annoncent et provoquent des événements dans l’aventure, mais les dés sont une force arbitraire et impartiale et qu’on respecte pour ça : Le dé à parlé. Aléa jacta est.

Les dés apportent du concret. D’après Jérôme Larré, si on maîtrise un scénario d’enquête et qu’on veut qu’un indice soit considéré comme important et digne d’intérêt, il faut le donner aux joueuses à l’issue d’un jet de dé réussi : il y a un contrat avec les joueuses, le résultat d’un jet de dé réussi est censé être une récompense (pas de fausses piste sur un jet réussi), même si on peut jouer avec ça (un jet d’interrogatoire réussi qui amène un suspect à s’accuser de bonne foi alors qu’il est innocent).

 

3. Philosophie de la réussite et de l’échec.

En jeu de rôle traditionnel, il y a une sorte de contrat sacré tacite autour du jet dé : une réussite doit être vraiment une réussite et un échec vraiment un échec.
Lady Blackbird propose un nouveau contrat : un échec au jet de dé implique toujours une réussite, mais il y a une complication (principe du tumbling forward). Est-ce à dire que l’échec d’une action est considéré comme la fin de l’aventure et le ratage de la partie ? On peut en débattre… La constance des ratages de jets de dés à Warhammer première édition en a fait un classique, Alexandre Astier s’en inspirant dans Kaamelott parce qu’à ses yeux, le jeu de rôle opère une narration à part des autres médias : une narration où les personnages échouent tout le temps.

Pour aller plus loin :

Le RPG a-t-il changé notre façon de raconter des histoires ? | BiTS | ARTE

Pour atteindre cette émotion forte liée au risque, on doit savoir que l’échec est une option. Si on a compris qu’on risque juste une complication, on peut perdre de l’excitation et le sentiment du risque. Certains jeux à tumbling forward parviennent néanmoins à maintenir la pression, comme Légendes de la Garde (chaque complication implique une importante attrition) ou Lady Rossa (les complications impliquent de très gros ennuis)

 

4. Le dé, porte d’entrée du gameplay.

Le gameplay d’un jeu de rôle ne doit pas se limiter à des jets de compétences. Pour autant, jeter les dés est la porte d’entrée dans le gameplay des jeux de rôle (avec des dés) : tout le gameplay est inféodé au fait qu’on va lancer les dés. On peut avoir du fun sans les dés, mais ici on cherche à savoir pourquoi les dés sont majoritaires dans la pratique.

Daniel Dionne, cc-by-sa, sur flickr.com

 

5. Les dés symbolisent le contrôle sur son destin

Ainsi, lors d’une partie d’Arbre (un jeu sans dé), un joueur me dit en débriefing : si j’avais su qu’il n’y avait pas de dés, je serais pas venu car un jeu sans dés c’est pas du jeu de rôle. Pour ce joueur, les dés symbolisaient le contrôle sur le destin de son personnage, son agentivité, alors que dans Arbre, la résolution est de type : pour réussir, il faut toujours payer un prix. On est sur un rapport à l’agentivité très différent.

Pour aller plus loin :

Courtney Campbell : Théorie, définitions : l’agentivité d’un joueur, sur PTGPTB.fr
Sébastien Delfino : série Jeter les dés ne me suffit plus sur Memento Ludi
Thomas Munier, Compte-rendu de partie : [Arbre] Les jardiniers fous, sur Terres Etranges

Frédéric Sintes avance que pour pouvoir épouser les enjeux de son personnage, il faut que les dés offrent la possibilité de réussir sans rien perdre en contrepartie. En revanche, si cette victoire franche et nette est assurée à tous les coups (supposons un jeu où toutes les compétences sont à 100%), il n’y a aucun intéret.

Pour aller plus loin :
Fredéric Sintes : Combativité & Absorption, sur Limbic Systems
Frank Knight (sur le risque et l’incertitude), sur Wikiberal

 

6. Quantique et mystique du dé

Julien Delorme se disait à une époque : les dés c’est un truc de rôliste tradi, je suis au-dessus de ça. Puis il revoit son passé, sa période de collectionnite, la mystique autour des résultats des dés, la redécouverte du mal-aimé d12 avec des jeux comme Inflorenza ou le Dodécaèdre : la forme du dé a ici son importance, son côté zodiacal, qui évoque aussi la numérologie (on pensera aussi à Nephilim qui utilise des d12). Aujourd’hui, conclut-il, j’aime finalement toujours autant les dés mais j’aime autant les échecs que la réussite : l’intérêt c’est l’incertitude, la surprise (même si on peut prévoir toutes les issues).

Pour aller plus loin :
Julien Delorme, [RPGaNay] -Vrais dés, applications, ou sans aucun dé, quelle est votre préférence ?, sur La partie du lundi

Dans Inflorenza, le jet de dé est assez compliqué pour qu’on ne puisse pas prévoir l’issue des dés (la détermination de la réussite et de l’échec est complexe, il y a également des dommages et bénéfices collatéraux…) : chaque dé est générateur de chaos.
Dans Millevaux Mantra, on se réfère à une matrice qui donne un résultat particulièrement chaotique et baroque : ici on touche au dé oracle, qui détient la vérité.

S = seuil de réussite = nombre de personnages impliqués + bonus d’idéal ou d’objet
X = résultat du dé
X=1 Réussite douloureuse ou échec qui rend plus fort
1<X<S Réussite
X = S Réussite douloureuse ou échec
X = S+1 Échec remémorant
X > S+1 Échec douloureux

Table des douleurs :
1 Perte d’une ressource
2 Vision flash = Faites une révélation aussi horrible qu’utile pour le personnage. C’est une vision horrible du passé ou d’une vie antérieure du personnage, mais qui lui apporte une information importante pour démêler sa situation présente.
3 Blessure thématique (retirer sur la table des thèmes)
4 Possession par un Ancien
5 Changement de zone de jeu (retirer sur la table des zones de jeu)
6 Mort (perte d’une point de karma et non d’une perle)

Ce phénomène du dé oracle est cristallisé dans la mécanique des tables aléatoires. On a des faits quantiques, tant que le dé n’est pas lancé, on ne sait pas si le coffre est piégé ou pas, ce qu’il contient, etc.

Les joueuses ont dans leurs trousses des dés dédiés aux résultats hauts et des dés dédiés aux résultats faibles. Avant la partie, elles les éprouvent avec des séries de lancer à blanc. Les dés, on les magnétise dans ses paumes, on ne prête pas ses dés fétiches aux autres, et on n’emprunte pas les dés des autres (ce qu’on rencontre aussi dans la taromancie, on ne prête jamais son jeu de tarot, il faut dormir avec, il y a tout un rituel pour faire raccord avec le jeu de tarot, sans quoi sa capacité prédictive est nulle).

oliverho, cc-by-nc-nd, sur flickr

 

7. Mystique du dé et gestuelle

On secoue les dés dans ses mains, on souffle dans les dés pour faire raccord, pour leur donner notre souffle vital. La mystique du dé se rapproche aussi de la mystique de la feuille de perso (une feuille souillée est vécue comme outragée, on retrouve ici la notion de raccord ; bien qu’on rencontre la superstition inverse qui consiste à dire qu’un personnage n’a pas d’âme tant que la feuille de personnage n’a pas été « baptisée » par une éclaboussure de café, tant et si bien que de nombreux jeux incluent ses taches directement dans la feuille de personnage à imprimer…).

Pour les lancers de dés cruciaux, on pose un genoux à terre sur le sol et on essaye de lancer les dés le plus possible : plus ils roulent, meilleur est le résultat espéré. Si l’implication physique dans le jet de dé évoque un raccord, on pense aussi aux osselets : mystique, encore.

Le jeu de rôle Friday Night zombie inclut une cible sur la feuille de personnage. Quand on lance le dé, il faut toujours faire un bon score, mais il faut aussi viser la cible : plus le dé est proche du centre, plus on a de chances de faire une réussite critique. On fait intervenir chance et adresse : la notion de raccord est ici très forte, notamment si le jet de dé émule une action physique, encore plus un tir (ce qui est plus que fréquent dans ce jeu de rôle de chasse aux zombies).

 

8. Chaque jet compte.

Le jet de dé est important pour le combat, de par sa dimension physique (il est question de vie ou de mort), mais tout jet de dé, même hors-combat, peut être crucial. L’approche « chaque jet compte » vise à limiter les jets de dés à ces instants cruciaux, pour garder l’émotion du dé intact (le jeu le plus jusqu’au boutiste dans cette démarche étant Sève, où un seul dé est de toute la partie). On ne lance pas les dés pour négocier le prix de bière, on les garde pour des enjeux forts, comme un jet de diplomatie où pèsent dans la balance des vies humaines et l’avenir d’un territoire. Ici, quand on s’implique dans le jet de dés, le raccord physique demeure quand bien même l’action est hors-combat : les moulinets de bras en lançant le dé sont alors les moulinets de bras de l’orateur.

Pour aller plus loin :
Podcast Outsider N°5 : Game Design JDR / La Simplicité

 

9. Manipuler la chance

Cette implication et ce raccord augmentent quand le personnage a lui aussi conscience d’être pris dans un jeu de hasard. Ainsi, on va rencontrer des personnages manipulateurs de chance, pratiquant la magie du karma. Dans Inflorenza, les personnages pratiquent deux types de magie karmique : un personnage peut renoncer à une réussite pour gagner un pouvoir. Et quand il utilise ce pouvoir, il force sa chance en trichant avec les dés, puisqu’il peut convertir certains scores (des échecs, des réussites simples) en réussites excessives, ce que la joueuse fait en manipulant physiquement le d12 pour changer le résultat. Raccord encore.

(Je parle beaucoup de mes jeux car ce sont ceux que je pratique le plus, auxquels je réfléchis le plus : j’ai donc un meilleur accès au game feel qui leur est associé. En plus, je teste et joue peu les jeux des autres, mon temps et mon compte en banque n’étant pas expansibles, je les connais surtout de réputation, donc je préfère être sincère en parlant de mes jeux sur lesquels j’ai un avis vraiment informé.)

Pour aller plus loin :
Merci Dorian : Le game feel, sur Youtube

Dans Inflorenza toujours, le personnage peut littéralement jouer un conflit contre la réalité. Par exemple, s’il mène une enquête et qu’il rencontre un suspect, il peut faire un jet de dé pour savoir qui est l’assassin, mais en fait on jette plutôt les dés pour déterminer si c’est l’assassin, ça n’est pas méta c’est un effet de l’égrégore (la magie psychologique dans Inflorenza), c’est le personnage qui désire tellement fort que ça soit l’assassin, un peu comme un Néo qui maîtriserait la matrice plus ou moins consciemment.

Dans Hellywood, un jeu de rôle à l’ambiance noir où prédominent les jeux d’argent et de hasard, ainsi que la démonologie importante, les personnages trichent avec la réalité. Le système de dés est basé sur le craps, et les personnages disposent de plusieurs jokers pour tricher avec le résultat : un système de relance assez classique (les fuckin’ bastard points), mais surtout la règle de la roulette russe (sur un jet vraiment crucial, on peut abandonner le craps pour jouer à la roulette russe. On ne jette alors qu’un d6 au lieu de deux. A la première roulette russe, on réussit forcément, mais le score obtenu est noté comme mortel pour les prochaines roulettes russes. A chaque prochaine roulette russe, si on obtient un score mortel, le personnage meurt. Donc, plus on recourt à la roulette russe, plus la gamme de scores mortels augmente…

Frank Gruber, cc-by-nc-nd, sur flickr

 

10. Pour un bon mariage des dés et de la fiction

D’après Frédéric Sintes, pour que la sensation de raccord soit bonne, il faut que l’interaction dés/fiction soit fluide, naturelle, logique. C’est ce qui peut faire défaut avec la roulette russe d’Hellywood, notamment si on y recoure dans des situations où il n’était pas initialement question de vie ou de mort. Si je joue à la roulette russe pour convaincre un flic de faire sauter un PV, je risque alors ma mort dans une action où je ne devais certainement pas risquer autant. Il faut que le MJ explique que c’est possible de mourir, par exemple ce flic barjo est capable de me flinguer parce que je négocie un PV… On est obligé de tricoter une cohérence à la va vite, ce qui nuit à l’impression de raccord : l’issue devient chaotique, illogique.

Dans Inflorenza, les dés annoncent un thème pour chaque dommage ou bénéfice collatéral obtenu :

1 Folie 2 Mémoire 3 Nature 4 Emprise 5 Égrégore 6 Société
7 Clan 8 Religion 9 Science 10 Amour 11 Pulsions 12 Chair

Ainsi, si je suis blessé par un vampire, je jette un thème : sur une blessure d’amour, je développe une passion pour ce vampire ; sur une blessure en nature, une rose pousse dans ma plaie, etc. Certaines joueuses trouvent que la justification a posteriori nuit à la sensation de raccord, c’est peut-être demander trop de créativité à ce moment-là, cela nuit à l’immersion dans le personnage.

Il faut en débattre : ce sentiment de faux raccord peut venir du fait qu’on doit encore assimiler la philosophie particulière de ce jeu donné. Pour évaluer le raccord, il ne faudrait pas se raccrocher à une logique réaliste, mais à la logique propre à chaque jeu.

De surcroît, il y a des soupapes pour éviter les sensations de faux raccord. Dans Inflorenza, le tirage du thème est facultatif. Dans Hellywood, je conseillerais de limiter le recours à la roulette russes que lorsqu’il s’agissait déjà d’une situation de vie ou de mort.

Pour aller plus loin :
Frédéric Sintes, Le Positionnement, qu’est-ce que c’est ?, sur Limbic Systems
Thomas Munier, Entre les règles et l’aventure, la philosophie du jeu sur le forum Les Ateliers Imaginaires

 

12. La taille COMPTE

La mystique et la symbolique des dés ne s’arrêtent pas là. Un ami avait pour habitude de poser sur la table un gros dé 20 en métal, auquel on dédiait un usage particulier à chaque partie (le dé de la chance, le dé de la mort). Par exemple, j’ai une fois demandé à toutes les joueuses de le lancer. Celle qui a obtenu le plus gros score s’est vu proposer que son personnage tombe amoureux d’un des figurants, en plus de l’hexagone amoureux dans lequel étaient déjà pris tous les personnages. : j’ai demandé à une joueuse de tomber amoureuse d’un des figurants, en plus d’un hexagone amoureux.

Pour aller plus loin :
Thomas Munier, compte-rendu de partie : [Inflorenza] Venise noire, Venise blanche, sur Terres Etranges

Dans Earthdawn quand on monte en compétence, la taille du dé associé à la compétence augmente (de d4 à d20). Dans Dogs in the Vineyard, c’est l’arsenal de combat qui se voit associé une taille de dé proportionnelle à celle du calibre des armes. Dans le jeu de société Formule Dé, à chaque fois qu’on passe une vitesse, on prend un dé plus gros (jusqu’au d30). L’efficacité se mesure donc à la taille du dé !

L’effet de raccord se traduit aussi dans les jeux épiques par l’emploi de brouettes de dés. Plus on jette de dés, plus on est balèse : un tel langage chiffré est plus éloquent que des descriptions. Il en est ainsi de la fameuse conversation rapportée par Jérôme Larré autour d’un personnage de Deadlands se vantant de posséder une carabine à 8d6 : pas besoin d’en dire plus, même quand on ne connaît pas les règles.

Pour aller plus loin :
Jérôme Larré, La Narration par la mécanique, conférence à Orc’Idée, 2016

 

13. Des ordres de grandeur à l’intuitivité

Autre effet de dimension, les jets de dés où il faut viser un résultat élevé (les éditions récentes de Donjons et Dragons, la réussite critique sur un 20 naturel au d20) : c’est assez intuitif en réalité. Plus élevé est mon score, meilleure sont mes chances de réussite. Le « roll over », ou jet pour dépasser une difficulté, se retrouve dans une forme particulièrement basique de jeu de rôle qu’est la charte angoumoise, dont c’est justement… a peu près le seul mécanisme. C’est intuitif parce que quelle que soit la difficulté, la joueuse sait qu’elle doit viser haut. (Le terme « viser » est ici employé à dessein, je pense avoir démontré l’association d’idée faite entre chance et adresse).

Pour aller plus loin :
Wikipedia : Charte Angoumoise

Viser un score haut me semble le plus intuitif. C’est notamment facile à expliquer aux enfants.
Serge Laget (auteur de jeux de société, mais aussi conseiller pédagogique), démontrait dans une conférence donnée au colloque Éducation en Jeux à l’ESPE de Vannes (ex-IUFM) que dans l’apprentissage de l’enfant, la notion de score haut vient avant la notion de compter : on compare les nombres sur les différentes faces du d6 pour savoir quel est le score le plus haut.

Filter Coffee, cc-by, sur flickr

Faut-il aller vers un système de dés le plus simple possible ? On peut en tout cas viser l’affordance, c’est-à-dire un système intuitif et ergonomique qu’on comprend sans qu’on ait besoin qu’on nous explique. C’est un graal en game design pour l’émotion directe que cela procure : il se produit un bien meilleur raccord si on comprend de façon intuitive comment fonctionnent les dés.

Pour aller plus loin :
Gregory Pogorzelski, Trois trucs à dire, sur Du bruit derrière le paravent

En témoigne l’évolution des règles de Sombre. Dans Sombre classic, il faut faire haut sur le d20, mais pas trop, au plus proche possible du seuil de difficulté : plus on se rapproche du seuil de difficulté en y restant inférieur ou égal, plus élevés seront les dégâts, mais si on dépasse le seuil, c’est raté. On retrouve ici la notion de précision déjà abordée avec la cible de Friday Night Zombie (notion de précision, rappelle l’adresse de FNZ). A ce d20 se cumule un d6 qui paramètre la qualité des dommages :

1-4 : dommages -> lecture directe du d20, plafonné à 3
5-6 : dommages -> lecture directe du d20, sans plafond

C’est à peu près la seule complexité de ce jeu très épuré mais elle porte sur le dé, notre fameuse porte d’entrée vers l’expérience de jeu. Si on ne prend pas le temps de l’expliquer en avance, les joueuses sont dépossédés de la compréhension des résultats, cela nuit à leur immersion et à leur émotion. En réaction, la variante Sombre Zéro est beaucoup plus simple : on supprime le d20, on ne conserve qu’un d6 :

1-3 : attaque réussie, dommages -> lecture directe du d6
4-6 : attaque ratée

Beaucoup plus simple, pratiquant la lecture directe, Sombre Zéro, malgré sa pratique du roll under, se passe presque d’explications : idéal pour un jeu d’horreur nerveux paramétré pour des parties courtes à ultracourtes.

 

14. La lecture directe, graal de l’intuitivité

La lecture directe ne tient à pas grand chose. Par ex, le FU (version française) propose cette grille de lecture du d6 :

1 non et
3 non
5 non mais
2 oui mais
4 oui
6 oui et

Je suis personnellement en désaccord avec le choix de design fait (l’idée que les non sont sur les chiffres impairs et les oui sur les chiffres pairs, misant sur la symbolique négative associée aux chiffres impairs). C’est censé être intuitif mais je lui préférerais cette grille de lecture, basée sur une gradation numérique qui me paraît encore plus intuitive :

1 non et
2 non
3 non mais
4 oui mais
5 oui
6 oui et

Heureusement l’intuitivité s’acquiert avec l’expérience, donc la première grille de lecture sera très bien assimilée au bout d’une dizaine de jets de dés.

Cet exemple nous illustre également sur le fait que l’intuitivité est une notion subjective, mesurée de façon empirique.

Une autre formule de lecture directe consiste à jouer avec le design des dés. En la matière, je trouve imbattable les d6 à pictogrammes du jeu de plateau Hero Quest :

tête de mort : inflige un dégât à l’adversaire
bouclier blanc : si lancé par un héros, annule un dégât de l’adversaire
bouclier noir : si lancé par un monstre, annule un dégât de l’adversaire

On aurait pu faire la même chose avec un dé classique :

1-3 : inflige un dégât à l’adversaire
4-5 : si lancé par un héros, annule un dégât de l’adversaire
6 : si lancé par un monstre, annule un dégât de l’adversaire

Mais la conversion mentale est compliquée : or Hero Quest est designé pour les enfants !

Dans Les légendes de la Garde, le principal goodie utile, ce sont les d6 personnalisés :

serpent : échec
deux épées entrecroisées : une réussite
une hache : une réussite avec possibilité de relancer un dé sur dépense d’un point de destin

J’aurais pourtant préféré un design un peu différent :

serpent : échec
une épées : une réussite
deux haches : une réussite avec possibilité de relancer un dé sur dépense d’un point de destin (oui, je sais, cette hache représentée sur le dé est censée être un objet unique dans le lore du jeu…)

On peut en faire facilement ses propres dés pictogrammes grâce à des gommettes (ainsi sur le d6 de dommage de Sombre, je mets une gommette jaune sur les dégâts plafonnés et une gommette rouge sur les dégâts maximaux, astuce depuis recommandée par l’auteur). Animaux est un jeu de rôle qui propose de personnaliser les dés en changeant les gommettes à chaque séance, toujours par des pictogrammes qui décrivent une issue narrative plutôt qu’une issue chiffrée

Les auteurices ou les pratiquantes d’un jeu peuvent se fabriquer des dés personnalisés sur des sites en ligne tels que Q-Workshop qui proposent de réaliser ses propres patrons de dés. Ces dés personnalisés peuvent être proposés en goodie en souscription, le patron peut être diffusé pour les personnes veuillant passer commande sur un site spécialisé… tout comme on peut proposer des patrons pour faire des dés en papier ou en carton !

(Note aux amateurices d’Inflorenza : faites vos patrons pour les types d’échecs-réussite et pour les thèmes, ça ferait très plaisir à la communauté, je pense !)

 

15. Les systèmes de dés peu intuitifs

Dans Vampire : La Mascarade, le seuil de difficulté et le nombre de réussites requises peuvent varier : cette variabilité rend le jet de dé peu intuitif, d’autant plus qu’il est plutôt soumis à l’arbitraire du Conteur.

Bien sûr, on peut avoir des jets de dé complexe, mais cette complexité doit apporter quelque chose ! je crois que c’est le cas dans Inflorenza, chaque action a des conséquences profondes et chaotiques. Dans Millevaux Mantra, on est sur un jet de précision : plus on s’éloigne du seuil de réussite, plus l’issue est chaotique, plus ça nourrit l’impro, on peut jouer sans préparer juste grâce au jet de dé.

Si vous avez jugé bon d’avoir une complexité de dé, il faut tout miser sur l’apprentissage des règles : le jeu commence vraiment à décoller quand toute la table à compris les règles. La facilitatrice n’a alors plus besoin d’expliquer à chaque dé, ce qui coupe la joueuse de son émotion du jet de dé.

En jeu de rôle sur table, le jet de dé est presque le seul moment un peu physique, un peu raccord contrairement au jeu vidéo, au jeu de plateau ou au GN qui proposent plus de matérialité ou de physiqualité. Si on se prive de l’émotion du jet de dé parce qu’on ne le comprends pas, on est dans l’abstraction totale (proche de celle d’un jeu diceless, comme par exemple une partie d’Inflorenza Minima sur tables virtuelles). Hors tout élément physique rajoute de l’émotion, le dé est parfois le seul support physique de la partie, la seule porte d’entrée sur le gameplay rôliste. Tout doit alors reposer sur la transmission du jet de dé (par exemple : Dragon de Poche 1 avec sa feuille de personnage didactique).

Le problème, c’est que certaines joueuses sont rétives à l’explication des règles (préférant l’immersion, évitant la « prise de tête », peu attentives pendant explication des règles), on peut le comprendre et ce fut souvent mon cas mais on voit ce qu’elles manquent. Par exemple, je me rappelle d’une joueuse à une campagne de dK qui au bout de la dixième séance me demandait toujours le nombre de dés qu’elle pouvait lancer car elle n’avait pas assimilé l’addition score de compétences + bonus d’équipement + bonus de traits : elle passait complètement à côté de cette émotion-là du jeu. Seul le jeu social et les moments narratifs purs l’intéressaient.

 

16. Haro sur les seuils de difficulté !

Ce qui nuit à la lecture directe, ce sont les difficultés variables, au contraire d’un Apocalypse World où on sait très exactement à quoi s’attendre avant de lancer le dé :

6- : échec
7-9 : réussite avec complication
10+ : réussite franche

Dans Inflorenza, on abroge la notion de seuil de difficulté, fut-il fixe. On sait juste qu’on doit obtenir UNE réussite sur la brouette de dé. En fait, la difficulté est inversement proportionnelle à l’importance qu’on accorde à l’adversaire : plus l’adversaire est important dans notre parcours, plus on jette de dés, donc plus on a de chances de réussite, mais on prend aussi plus de risques (d’obtenir des réussites excessives).

 

17. Dés, rythme et immédiateté

Sœur jumelle de l’intuitivité : l’immédiateté. En combat, s’il faut 5 jets de dés pour savoir si le camp d’en face se couche ou si on place son attaque, on perd en émotion. S’il faut cumuler un jet de dé d’initiative, un jet de dé de buff, un jet attaque, un jet de dommages, un jet esquive, cette complexité a intérêt à avoir de sacrées bonnes raisons d’être là !

Brygandyne nous simplifie tout ça : un jet pour la passe d’armes. C’est réussi : le protagoniste inflige des dégâts à l’adversaire. C’est raté : c’est l’adversaire qui inflige des dégâts. Into the Odd coupe aussi dans le vif en supprimant le sacro-saint jet pour toucher : dans ce jeu gritty, on jette directement les dommages des armes ! Dans Sombre Zéro, pas d’initiative, pas d’esquive : un round de combat = un jet de dé par joueuse, indiquant à la fois touche et dégâts.

Dans Grogne, tout un combat est résolu en un seul jet de dé en opposition. L’objectif est donc de finir le combat en un round. Un combat = deux objectifs adverses = un jet de dé en opposition pour les départager.

Pour aller plus loin :

Thomas Munier, compte-rendu de partie : [Grogne] Rats de laboratoire, sur Terres Etranges

Grégory Pogorzelski objecte que cette méthode dite de la résolution par conflit (en opposition à la résolution par action ou par tâche) nous fait perdre en émotion par le fait de gérer une bataille en un jet de dé. Chacun dit ce qu’il fait, on jette les dés et on raconte (ou pas) a posteriori : la joueuse dépossédé d’une partie de l’aventure, elle ne vit pas l’instant, les décisions cruciales de la confrontation sont gommées par l’ellipse. (Désolé, je n’ai pas retrouvé l’article où il dit ça).

Grogne tente de réparer ce défaut de game feel en posant la chose suivante : si un combat est résolu en un seul jet en opposition, c’est parce que les combats sont féroces : dans l’univers de Grogne, on tue en un coup. Alors, aucun détail n’est vraiment gommé.

Cette notion d’immédiateté vient des game designers parents trentenaires qui jouent entre le ménage et le biberon : chaque jet de dé doit être crucial parce que nous avons peu de temps et les mains occupées.

J’ai personnellement tendance à designer des jeux pour des étudiants (qui ont peu d’argent et beaucoup de temps) : les jeux doivent être profonds. Mais cumuler le Jeu profond et immédiateté permet le jeu à la sauvette, entre deux cours, voire pendant les cours. Pour y avoir joué pendant mes cours de maths, je trouve que L’Appel de Cthulhu est assez robuste en terme d’intuitivité : le jet de pourcentage est d’une simplicité biblique, et on peut facilement résumer tout un conflit en un jet de dé. Même sur du jeu long, on peut faire du « chaque jet compte », éviter les calculs… et donc jouer longtemps à un rythme effréné !

Bien sûr, dans certains jeux, la complexité a tout son intérêt : ainsi Shadow Run où les jets de dés sont riches de possibilités tactiques et amènent à déployer l’univers univers. La complexité est ici vectrice d’immersion, donc ça vaut le coup.

 

18. La spontanéité

Lors d’une partie de Minidonjon avec des enfants, j’ai constaté l’attitude suivante : l’enfant annonce son action et lance automatiquement son d6, sans regard pour sa feuille de personnage, la validation de l’arbitre ou l’ordre d’initiative. Il annonce, il jette le dé (surtout pour taper, y compris l’aubergiste et la princesse, pour tester le monde) : le raccord total, il y a zéro temps de calcul entre la décision et le jet de dé.

A Inflorenza, je l’ai vu avec un joueur. Chaque trait sur la feuille de personnage apporte un dé. Au départ, je disais qu’il fallait verbaliser son trait pour lancer le dé. Puis, suite à un test où un joueur shuntait cette étape (La mémoire et la peau), je l’ai rendue facultative. Vu que la joueuse est maître de l’interprétation de la pertinence de ses traits, ce qui est facteur d’intuitivité : toute validation par le MJ bouffe du temps et coûte en intuitivité). Dans un autre test (Cuisine aux orgones), un joueur ne s’est pas contenté de lancer les dés sans verbaliser ses traits, il le faisait aussi sans verbaliser l’objectif de son action (autre prérequis du jeu) et sans attendre que les autres joueuses se positionnent et lancent des dés pour ou contre lui.

Si on voit le joueur rassembler une brouette de dés, on visualise, il veut agir. Premier raccord.
Il lance les dés sans annoncer ses objectifs, juste son action. Le raccord est fort : je décide et j’agis sont confondus. J’ai alors modifié les règles pour que l’annonce d’objectif avant les jets de dés soit facultative et qu’on puisse rejeter des dés supplémentaires une fois la poudre retombée. Là aussi on a gagné en intuition, avec la possibilité d’escalader, ce qui recrée des passes d’armes dans une résolution pensée pour l’échelle d’un conflit global. Cela changeait toute l’économie et le gambling du jeu (dans sa version initiale, le système est trop compliqué ou trop opaque pour avoir une estimation parfaite des ses chances de réussite, du moins avec peu d’expérience du système. Avec de l’expérience, on sait que lancer quatre dés donnent de grosses chances de réussite excessive, et que lancer trois dés permet de minimiser les risques de réussite excessive mais garantit moins la réussite tout court. Si on sait ce que l’adversaire a eu comme réussite (puisqu’il a lancé les dés avant qu’on ait pu réagir et lancer les nôtres), on perd en gambling, mais ce qu’on gagne c’est l’ivresse de l’escalade et de la spontaniété

Pour aller plus loin :
Thomas Munier, Compte-rendu de partie : [Systèmes Millevaux / Minidonjon] La ville aux deux falaises, sur Terres Etranges
Thomas Munier, Compte-rendu de partie : [Inflorenza] La mémoire et la peau, sur Terres Etranges
Thomas Munier, Compte-rendu de partie : [Inflorenza] Cuisine aux orgones / Green Void / Le Château des Possibles, sur Terres Etranges

Maria Johnson, cc-by-nc, sur flickr

 

19. Simplification et abstraction

La simplification des jets de dés a ses avantages, dont beaucoup listés plus haut, et aussi ses inconvénients. Dans Apocalypse World, le MJ ne jette pas les dés. C’est appréciable, notamment en jeu sur tables virtuelles (MJ loin du clavier et de ses dés, les mains occupées…) mais on perd deux choses : perte de raccord pour le MJ avec ses PNJ (le MJ c’est une joueuse comme les autres comme le disent Jérôme Larré et Coralie David) : or, le MJ a le droit de tenir à ses PNJ et s’investir dans ses jets de dés (c’est bien sûr disproportionné car il peut doper leurs stats bloc), la joueuse perd le sentiment de raccord car les figurants ne lançant pas les dés sont perçus comme abstraits, immobiles, immatériels.

En fait, on n’a rien fait mieux que Donjons & Dragons 1 avec ses jets de dés pour le MJ, son nombre de lancers de dés réduit… Le game feel apporté était réussi pour ce qu’on cherchait à atteindre, on a juste depuis atteint des game feel différents.

 

20. Le game feel des jets de dés en groupe

Dans les jeux coopératifs, les actions peuvent être groupées comme dans Marchebranche (le seuil de réussite au d6 égale le nombre de personnages impliqués, une seule joueuse jette le dé). Mais on perd quelque chose, les autres joueuses perdent le plaisir de lancer le dé. En revanche, on gagne du temps, on se met d’accord à l’avance sur les objectifs de l’action groupée. Or, avec des jets isolés, quatre personnages contre le grand méchant ont quatre objectifs différents (le tuer, le capturer, fuir, le raisonner…). L’intérêt de la gestion groupée sous la bannière d’un jet de dé unique, c’est la concertation et la possibilité de vivre des dilemmes moraux à plusieurs.

Dans Inflorenza, l’action de groupe est plus organique : dans la première édition, on donne ces dés à la joueuse qui mène l’action. Dans la deuxième édition, on lance les dés et on additionne leur résultat au pool de la joueuse qu’on aide. Ainsi, une personne aide à la même échelle que l’actant principal, contrairement aux Légendes de la Garde ou la coopération est minorée pour des raisons d’équilibre de jeu : aider ne permet que de rapporter un seul dé. Ce problème d’équilibrage ne se pose pas à Inflorenza, car il n’y a pas de scénario que le jet de dé pourrait casser et que les gros pools de dés comportent aussi des risques. Inflorenza propose aussi une autre circulation des dés : celle des dés de conséquences (même si moins dans la deuxième édition) : cette double circulation apporte du jeu social.

 

21. Incertitude et risque

S’il fallait ne retenir qu’un défaut à l’intuitivité, c’est que le résultat trop prédictible. On a plus de propension et d’émotion à prendre des risques si c’est peu prédictible. Dans Les légendes de la septième mer ou Le livre des cinq anneaux, le système de dés est assez baroque pour casser la prédictibilité : on lance des brouettes de d10, on peut négocier le seuil de difficulté, on doit sélectionner des résultats, les dés explosent… Dans le dK, on lance des d6 explosif : c’est encore plus chaotique.

Un résultat très chaotique, une difficulté à prévoir ses chances de résultats à moins d’être bon en stats ou avoir une longue expérience d’un jeu donné : cela crée un raccord car le personnage non plus ne connaît pas ses chances de réussite, il évalue juste la puissance de son coup. Je peux avoir une idée de mon niveau et celui de mon adversaire, mais je ne sais pas si mon coup va porter, ni si je m’en prendre un.

Ian Truelove, cc-by-sa, sur flickr

 

22. Conclusion

Les dés, porte d’entrée du gameplay et grand vecteurs d’émotion, sont à réfléchir. Il sera crucial d’évaluer quel budget de complexité on leur alloue. Il faut évaluer le temps de traitement du jet de dé, qui cumule traitement d’entrée (les paramètres à prendre en compte pour savoir quels dés lancer, avec quels bonus et options) et de sortie (comprendre le résultat, tirer sur une table des thèmes, opérer une circulation des dés, consulter une table de blessure… On perd du raccord à chaque fois que la durée de traitement s’allonge et que la vitesse du jet de dé s’éloigne de la vitesse supposée de l’action dans la fiction. Si on rallonge, il faut le faire pour de bonnes raisons (avec de l’expérience, on traite plus vite), sinon il faut élaguer : ainsi dans la deuxième édition d’Inflorenza, j’ai simplifié les cas d’égalités lors des duels, dans Grogne, une égalité amène un lancer de dé de mort subite…).

Les pictogrammes trouvent ici leur intérêt pour maintenir la joueuse dans l’émotion et moins dans le calcul. C’est là où le dernier jeu de rôle Star Wars échoue, car les pictogrammes des dés, certes issus de l’univers, ne sont pas intuitifs à interpréter. J’avais pour ma part éprouvé un système à base de tirage de runes nordiques, et c’était également peu intuitif, car le sens de ces runes ne nous était pas connu par cœur, il fallait consulter le tableau à chaque tirage. Les pictogrammes doivent être plus proches de hiéroglyphes que de runes : Testez-les avec des enfants qui ne savent ni calculer ni lire ! Dans une plus large mesure, ils sont un public idéal pour tester l’immédiateté de vos systèmes de dés.

Vous y comprenez quelque chose à ces dés ? Photo par Hubert Figuières, cc-by-sa, sur flickr

 

Pour aller plus loin, des références découvertes après l’enregistrement de ce podcast :

Gherhardt Sildoenfein, En mode théoricien jargoniseur fou, j’invente la notion de tactilité d’une règle, sur Oui mais…
Steve Darlington : Règles et immersion ou le Manifeste du Pétard, sur PTGPTB
Grégory Pogorzelski, les dés et le roleplay, conférence de 2017 réalisée à l’occasion de la convention Les Aventuriers de la Cité Ardente organisée par La Guilde des Fines Lames.
Avec ou sans dés : l’opinion radicale d’un créateur
par Erick Wujcik, sur PTGPTB.fr
Histoire au coin du d20, D&D, la suite… d’échecs critiques !, sur Youtube

Lisa Brewster, cc-by-sa, sur flickr

5 commentaires sur “Podcast Outsider N°45 : Game Design Jeu de Rôle : Ce qu’on ressent quand on lance les dés

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