À mi-parcours

Voilà quatre mois que j’ai quitté mon travail salarié pour être créatif à plein temps. L’occasion d’un petit bilan.

Déjà, pour dire que l’expérience est totalement concluante. Quels qu’aient pu être les joies ou les avantages d’avoir un travail salarié de conseiller agricole, la page est tournée, je n’ai aucun regret. Le temps est venu de me consacrer pleinement à l’énergie créative et aux cultures de l’imaginaire, choses qui me passionnent depuis l’enfance.

Économie et démarches

Bien sûr, on me demande souvent si j’en vis. J’aurais posé la même question, c’est un point qui attire la curiosité. Il n’y a pas de réponse simple. Actuellement, je touche l’allocation de retour à l’emploi, qui suffit largement à couvrir mes besoins.

Je crée une entreprise pour que mon activité ait une vitrine légale. Après des allers et retours entre différents guichets, il semble que je vais m’enregistrer en tant qu’artisan ! Voilà, je m’amuse avec du fil à coudre et du scotch double face, et me voilà artisan. Je serai auto-entrepreneur et ça couvrira les activités qui m’intéressent : livres artisanaux, vente de livres en impression à la demande, animation de jeu de rôle, conférences et tables rondes autour du jeu de rôle ou de la créativité…

Je vais faire un stage de cinq jours en décembre. Après, il y aura encore quelques démarches et je pourrai reconvertir mes allocations de retour à l’emploi en allocations de reprise ou création d’entreprise, ce qui m’assurera un revenu pendant deux ans à compter de mon départ de mon poste salarié.

Occuper son temps

Ces démarches sont économes en temps, j’ai donc bien avancé sur tous mes projets ! J’occupe peu ou prou mon temps comme je l’avais prévu, c’est déjà une grande satisfaction. J’ai trouvé l’équilibre entre vie créative et vie personnelle que je cherchais.

Un ami, qui a choisi de vivre de sa créativité à temps plein bien avant moi, quand je lui expliquais mon emploi du temps, m’a fait la remarque suivante : « Qui se soucie du temps que tu passes à créer ? Qu’est-ce que c’est que ce temps ? Une heure à discuter d’un projet avec des amis, ça compte ? Voir un film qui t’inspire, ça compte ? » Voici des questions sages. Notre public ne ressent pas le besoin de savoir le temps que nous passons à créer. Ce peut être intéressant d’échanger sur le sujet de créatif à créatif, mais le principal n’est pas de savoir combien de temps ou d’ardeur nous mettons à être créatifs. Le principal c’est : nous consacrer à ce qui est important et rester présents aux moments que nous vivons.

Comptes-rendus de partie

Durant ces quatre mois, qu’ai-je fait ? Ce fut une vie d’écrivain, somme toute assez recluse, et cela me convient. J’apprécie d’autant plus les moments où je peux voir du monde, dans un cadre créatif ou autre. J’ai donc surtout avancé sur des projets d’écriture.

Ma principale œuvre de ces quatre mois peut paraître des plus modestes : j’ai consacré la majorité de mes matinées à rédiger les comptes-rendus de mes parties de jeu de rôle. J’ai pris l’habitude de faire un compte-rendu de chaque partie qui a valeur de test, soit parce qu’il s’agit d’un de mes jeux, ou que ça se passe dans l’univers de Millevaux qui est de ma plume, ou parce que j’ai une leçon de game design à tirer de cette partie. Autrement dit, 95 % de mes parties. C’est une habitude qui me vient de Johan Scipion, qui va même aujourd’hui jusqu’à les financer, et des forums de game design Silentdrift et Les Ateliers Imaginaires.

Je le fais au fur et à mesure, mais dans les six mois qui ont précédé mon départ de l’entreprise qui m’embauchait, le temps m’a manqué. En arrivant créatif à temps plein, j’avais donc six mois de comptes-rendus de retard, soit une trentaine de parties environ, sachant que chaque compte-rendu me prend au moins deux heures à rédiger. Et durant ces quatre mois, j’ai joué plus que jamais, alignant une trentaine de parties supplémentaires à chroniquer (ça fait une partie par semaine). J’aurais pu renoncer à faire ces comptes-rendus pour me consacrer, par exemple, à la rédaction de livres. Pour autant, j’estime que ces textes ont un intérêt. Ils me permettent de faire revivre toute une année d’avancées personnelles en terme de game design, d’univers, de types d’aventures à explorer. C’est aussi l’occasion pour moi de pratiquer davantage l’art du photomontage qui me passionne, puisque je dédie un nouveau photomontage à chaque compte-rendu. Bien qu’il me soit aisé de me trouver des justifications, je fais surtout ces comptes-rendus parce que ça me paraît important à faire maintenant, alors je le fais, sans me poser de questions, sans me demander si un autre projet devrait avoir la priorité.

Aujourd’hui, je suis enfin à jour dans mes rédactions ! Je pense prendre encore trois mois pour diffuser la totalité de ce que j’ai joué jusqu’à aujourd’hui. Nous sommes en octobre, et les comptes-rendus que je diffuse aujourd’hui parlent de parties d’avril. Je vais peut-être proposer une édition brouillon pour ceux qui voudraient tout visionner d’un seul coup, mais je continuerai à offrir une version finalisée et illustrée au rythme de deux ou trois comptes-rendus par semaine.

Au cours de cette campagne de tests intensifs, j’ai abouti les jeux de rôles Inflorenza 2 et Arbre. Je vais me consacrer au développement d’Empreintes & Horlas et de Wonderland, et passer plus de temps à jouer aux jeux des autres, sans faire de compte-rendu. Cela me dégagera du temps pour avancer sur les projets de livres, plus exactement sur ce qui sera une de mes priorités : sortir les éditions brouillon de mes 10 ou 15 projets en cours. Celles d’Arbre et d’Empreintes & Horlas sont déjà sorties, mais elles connaîtront une seconde édition brouillon, plus avancée et étoffée.

Articles

J’ai aussi passé du temps à écrire des articles pour des blogs, des livres, des magazines. C’était une expérience enrichissante, mais je vais la limiter, toujours pour avancer sur mes éditions brouillon ou mes rééditions (je veux ressortir Millevaux Sombre avec quelques corrections et séparer le livre d’univers, que je renommerai Civilisation).

J’ai aussi consacré plus de temps au blog. Je pensais écrire deux articles par semaine, je n’ai pas tenu tout à fait cette cadence, c’est anecdotique dans la mesure où j’ai fait autre chose à la place.

Podcasts

J’ai également sorti quelques podcasts Outsider qui dormaient sur mon disque dur. A priori, le dernier à sortir paraîtra en novembre. J’ai adoré faire ces podcasts, j’ai eu la chance d’avoir de super chroniqueur.se.s, mais je reste prêt à terminer un projet dès que j’ai envie de passer à autre chose. Sur les podcasts, je ne me suis jamais engagé sur une productivité ou une durée. J’aurai fait l’équivalent d’une saison, 14 podcasts, cela m’a permis de traiter certains grands sujets qui me tenaient à cœur, et de les traiter à fond. Je ne souhaite pas me forcer à continuer, à faire du remplissage. Je préfère arrêter et me consacrer à mes projets de livres. Quitte à reprendre un beau jour si l’envie revient. En revanche, je continuerai à enregistrer mes parties de jeu de rôle sur Youtube, ça ne me prend pas de temps à faire. C’est vraiment la morale de cette aventure : quand on évite de s’engager à la légère, on peut rester concentré sur ce qui est important pour nous, à un moment donné, et rester ouvert aux opportunités. Je reste disponible pour participer aux podcasts des autres, au cas où vous vous posiez la question. Cela me prend beaucoup moins de temps et j’ai toujours grand plaisir à discuter des sujets qui me passionnent. Il est des projets sur lesquels je sais que je vais durer, sans pour autant que ça devienne une corvée. C’est le cas du jeu de rôle, de l’univers de Millevaux et des pensées sur la créativité.

Dragonfly Motel

J’ai pris le temps aussi de créer un jeu, Dragonfly Motel, en 9 jours, dans le cadre du concours Game Chef. C’était une expérience géniale, ça m’a permis d’explorer des territoires ludiques nouveaux pour moi. Je le rendrai bientôt disponible en impression à la demande et en livre artisanal.

Twitter Millevaux

J’ai alimenté régulièrement le compte twitter consacré à l’univers de Millevaux. C’est une aide de jeu précieuse pour transposer Millevaux en jeu de rôle, une façon nouvelle et intéressante d’explorer l’univers, de développer des idées nouvelles à l’intérieur. Il atteindra bientôt 365 entrées, alors je cesserai de l’alimenter (mais il restera ouvert aux contributions extérieures) et j’en ferai un almanach, c’est-à-dire un petit livre, comme un petit calendrier, qu’on pourra feuilleter pour y piocher des inspirations.

Outsider Daily

Je mentionne une news sur mes réseaux à chaque fois que c’est justifié. J’appelais ça Outsider Daily parce que je me suis toujours limité à une nouvelle par jour. Mais mon activité croissant, j’envisage de faire monter cette limite à deux par jour.

Deux minutes

J’ai aussi réalisé que je reportais à plus tard beaucoup de tâches qui ne m’auraient pris que deux minutes, à cause de leur charge émotionnelle. Je vais y remédier. Ainsi, j’ai contacté une personne que je voulais interviewer depuis trois ans. Pourquoi ai-je attendu tout ce temps ? Lui envoyer un message ne m’a pris que deux minutes. Quand elle a accepté, quelle gratification pour moi !

Libre et gratuit

Et bien sûr, il y a le libre et le gratuit, deux choses dont je suis fier et dont j’espère qu’elles vous apportent de la valeur.

Lecture

J’ai également lu, beaucoup. C’était important, ça a redonné un second souffle à mon écriture. La créativité est un témoignage de ses expériences. Refaire le plein d’expériences est donc crucial.
Parmi mes lectures, il y a eu La magie du rangement, de Marie Kondo. Il peut se résumer ainsi : séparons-nous des objets qui ne nous mettent plus en joie, avec gratitude pour les services rendus. J’ai commencé à mettre en application, et je suis en train de gagner beaucoup de place, alors même que je pensais être bien avancé dans la simplicité volontaire. L’étape suivante serait d’appliquer cette méthode à ma liste de choses à faire. Elle a atteint 2000 éléments. Il est temps de faire le deuil d’un certain nombre de tâches que je ne ferai aussi bien jamais, quitte à en publier une liste de mes idées orphelines qui pourraient intéresser d’autres personnes.

Soutien

Enfin, j’ai reçu du soutien. Beaucoup de soutien de vous tou.te.s, et cela m’a fait très chaud au cœur. Je ne veux pas en citer certain.e.s pour en oublier d’autres, je préfère vous dire que ça s’est présenté sous beaucoup de formes, certaines publiques, d’autres discrètes. J’ai beaucoup de gratitude pour tout ça, et pour le respect que vous avez, pour ce soutien inconditionnel. Personne ne me dit : je te soutiens pour que tu accomplisses telle œuvre ou telle œuvre. Vous êtes dans la charité.

Alors c’est le cœur léger que je peux poursuivre ce chemin avec vous. Quand on avance sans se fixer de destination, on est toujours à mi-parcours, dans la présence au voyage.

Sans destination, on ne connaît pas la fatigue.

5 commentaires sur “À mi-parcours

  1. Un article très intéressant, et bien ordonné (comme toujours).
    On y voit un vrai progression, et le plaisir que tu y prend est manifeste. Beaucoup d’amour et de belles choses en perspective donc 😀

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  2. Plutôt impressionnant dirai-je. En tant que conseiller agricole qui se pose des questions sur son choix professionnelle et qui trouve qu’il n’a pas assez de temps pour écrire toutes les idées qui lui trottent par la tête, tes propos me font directement échos et me font me poser encore plus de question sur moi-même et mes choix professionnels et créatifs (d’autant que tu n’es pas pour rien dans la vision que j’ai développé du jdr en 12 ans… déjà 12 ans bon sang de bonsoir…).

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    1. 12 ans, c’est vite passé ! Bien sûr, je ne peux pas savoir de quelle façon du peux occuper au mieux ton temps, mais il est certain que nous avons un parcours et des problématiques proches. Une première approche serait de commencer par déterminer ce qui est essentiel pour toi, et comment y consacrer plus de temps. https://outsiderart.blog/lessentiel/

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